La note macro de Nicolas Blanc, Responsable de l’Allocation chez Ellipsis AM.

Les marchés de taux ont violemment réagi cette semaine à la publication de l’enquête ADP, qui faisait ressortir plus de créations d’emplois aux US qu’attendu. Le 10 ans américain a dépassé 3,20%, un plus haut depuis 2011, poursuivant une tendance entamée en 2016, en raison, selon nous, de l’effet progressif des facteurs suivants:

  • une activité économique dynamique, soutenue par un plan de relance budgétaire important;
  • corrélativement au plan de relance, une offre supplémentaire de dette publique;
  • une croissance de l’emploi supérieure à celle de la population active et une reprise de la hausse des salaires;
  • un resserrement des conditions monétaires (hausse des taux et réduction du bilan de la Fed);
  • la hausse du pétrole, qui pourrait se diffuser plus largement dans l’ensemble des prix de l’économie.

La zone euro apparaissant en retard de cycle par rapport aux US, ces facteurs sont moins opérants (pétrole mis à part). Il en est cependant un qui lui est spécifique: le niveau initial, qui apparait fortement sous-évalué en Europe. Là où les taux réels souverains à 5 ans sont de 0,7% aux US, ils s’élèvent à -1,6% en Allemagne et -1,3% en France. La hausse des taux affecte potentiellement la valorisation de nombreux marchés, en testant la solidité de leurs fondamentaux. Pour les actions, par exemple, au-delà des secteurs directement concernés par la structure des taux (banques, assurance, immobilier, …), la question de la croissance bénéficiaire deviendra plus cruciale dans l’évaluation. Les marchés émergents sont particulièrement à risque, car les capitaux internationaux libellés en dollar seront attirés par les rendements servis par le Trésor américain.

Italie: le compte n’y est pas

Le gouvernement italien a réagi au mini-crash qu’il a suscité sur le marché de sa dette publique en ajustant ses ambitions budgétaires. Il laisse toutefois inchangé à 2,4% le déficit prévu pour 2019 mais réduit ceux de 2020 et 2021 à 2,1% et 1,8%. Cette concession est mineure, elle n’a d’ailleurs pas convaincu les marchés et, surtout, elle ne devrait pas convaincre la Commission. Si les déficits annoncés n’enfreignent pas la limite des 3%, le décalage par rapport aux objectifs de moyen terme négociés en début d’année, qui visent à ramener progressivement le ratio de dette sur PIB vers 60%, reste de plus de 4% en cumulé. La position de la Commission devrait aussi tenir compte d’autres éléments négatifs:

  • la suppression de réformes structurelles engagées par M. Renzi,
  • l’absence d’effet de l’excédent de dépenses prévu sur la croissance potentielle,
  • les estimations trop optimistes de la croissance (notamment le multiplicateur utilisé sur les nouvelles dépenses), alors que la hausse récente des taux devrait avoir un effet dépressif,
  • le risque accru d’un dérapage par rapport aux prévisions officielles de déficit.

La Commission devrait toutefois se contenter d’une procédure de déficit excessif en évitant les sanctions financières, qui auraient un effet politique dévastateur.

Le pire n’est jamais certain

L’annonce d’un accord commercial avec le Canada, rassure sur la stratégie de Donald Trump. Il ne s’agit pas d’une guerre systématique contre le commerce international mais plutôt d’obtenir des améliorations raisonnables des conditions d’échanges pour les US. En raison de la fermeture de son marché, la confrontation avec la Chine devrait se poursuivre mais celle avec le reste des pays développés – notamment sur le secteur de l’automobile – pourrait trouver une résolution plus rapide qu’attendue.