La note macro de Nicolas Blanc, Responsable de l'Allocation chez Ellipsis AM.

Dans un contexte général de défiance populaire contre l’Europe, la question des migrants semblait mettre l’avenir de l’union à nouveau sous de sombres auspices. L’issue obtenue sur ce point lors du sommet européen a donc constitué un véritable soulagement, d’autant que le compromis n’avait rien d’évident. S’il ne change pas les règles en matière d’immigration, il apporte à l’Italie le soutien qu’elle demandait, sur une base volontaire. Comme toujours, c’est la crise qui a permis à l’Europe d’avancer, car elle dévoile les conséquences négatives de la désunion.

C’est aussi une crise qui a fait émerger le projet d’union bancaire, visant à déconnecter les risques bancaires de leur risque souverain et à unifier le risque bancaire au sein de la zone, afin d’éviter les transferts de dépôts vers les Etats les plus solvables. Cet objectif a été traité essentiellement par une surveillance prudentielle centralisée des banques et par les OMT, qui ont restauré la confiance dans la solvabilité des Etats. La mutualisation des systèmes de garanties, elle, ne fait toujours pas consensus, en raison de l’opposition des pays d’Europe du Nord, qui se refusent à payer pour la prodigalité de l’Europe du Sud, responsable selon eux des fragilités bancaires d’aujourd’hui. Le projet d’une garantie commune des dépôts, ainsi que du financement commun pour le fonds de résolution bancaire sont donc au ralenti. Celui-ci n’a en effet d’européen que le nom, les contributions qui le financent (et qui visent 1% des dépôts à l’horizon 2023) étant encore ségrégées par pays. Le sommet d’aujourd’hui n’a pas modifié sensiblement ces positions prudentes. La capacité donnée à l’ESM de renflouer le fonds de résolution restera conditionnelle à l’approbation des Etats.

On peut déplorer la lenteur du processus de réforme mais il ne faut pas minimiser le chemin accompli. Au regard, par exemple, de la réticence initiale des Etats, qui utilisaient largement leurs systèmes bancaires à des fins de politique économique et de financement des déficits publics, à abandonner le contrôle de leurs banques et, mieux encore, de leurs encouragements à faire croitre les bilans de leurs «champions nationaux». On se souvient également de leur préférence, pour des raisons politiques, pour le sauvetage public des banques, au prix finalement de leur propre solvabilité dans la crise.

Trump sous l’influence des marchés ?

L’annonce cette semaine que l’administration américaine limiterait les investissements chinois dans des entreprises de hautes technologies a fortement pesé sur le moral des marchés, qui y ont vu un pas supplémentaire vers une guerre commerciale totale. L’administration a rapidement réagi, en affirmant que les marchés interprétaient mal cette annonce, puis en précisant que cette surveillance s’effectuerait dans le cadre des institutions existantes – et donc probablement de manière assez semblable à aujourd’hui – et non pas via une procédure d’urgence nationale. On peut être tenté d’attribuer ces réactions empressées aux baisses de marché que l’annonce initiale avait produites. Le marché semble donc bien être un élément régulateur dans le processus de décision du président américain, ce qui se comprend assez bien dans la perspective des élections de mi-mandat. De nombreux électeurs apprécient la posture va-t-en- guerre de Trump mais sûrement pas le coût économique qu’elle pourrait induire, comme une destruction d’emplois domestiques. Or, le marché action constitue aux US un baromètre de l’opinion sur la santé de l’économie.

Ceci redonne l’espoir que, en dépit des apparences, le processus de renégociation commerciale n’est pas totalement hors de contrôle et qu’il pourrait même, contrairement à l’opinion pessimiste couramment émise, produire des effets positifs.