La note macro de Nicolas Blanc, Responsable de l’Allocation chez Ellipsis AM.

Trois éléments sont venus compliquer cette semaine la mission déjà délicate de Theresa May. D’une part, le Parlement a obtenu la publication d’une opinion juridique que le gouvernement voulait garder confidentielle, décrivant le backstop irlandais comme une contrainte forte, qui pourrait lier indéfiniment le UK aux règles européennes et limiter son pouvoir de négociation de l’accord commercial futur.

D’autre part, dans un avis consultatif, l’avocat général de la CJUE a considéré qu’un état membre pouvait révoquer unilatéralement une notification effectuée sous l’article 50, anéantissant l’argument de Mme May, selon lequel un nouveau référendum aurait posé une question sans objet réel. Pour comble, l’avis semble donner au Parlement le droit de révocation.

Enfin, un amendement prévoit qu’en cas d’échec de Mme May, le Parlement pourra redéfinir lui-même les contours du traité de divorce. Sachant qu’elles disposent de l’option d’éviter le hard Brexit, les Communes, dont le pouvoir a augmenté face au gouvernement et à l’UE, devraient donc rejeter sans états d’âme le compromis gouvernemental. Elles pourraient influer pour un nouveau référendum et/ou la poursuite des négociations dans une nouvelle voie. Il nous semble en résulter que:

  • la probabilité de succès du compromis de Mme May diminue,
  • celle du hard Brexit également,
  • celle d’un second référendum (suivi potentiellement d’une annulation du Brexit) augmente,
  • celle d’un accord plus resserré (type Norvège), qui trouverait plus facilement une majorité au sein des Communes, augmente également.

Draghi : comment sortir à reculons?

Le Conseil de la BCE de décembre devait faire état de la normalisation du contexte inflationniste, justifiant l’arrêt du programme de rachat de la BCE. Devant la dégradation en cours de la conjoncture, le resserrement des conditions financières entrainé par la baisse des marchés, la forte baisse des swaps d’inflation et du pétrole, il cherchera à rendre plus «souple» cette décision a priori restrictive, en indiquant, par exemple,

  • que la première hausse des taux, prévue pour la fin 2019, sera dépendante des données (ce qui en réduit la probabilité),
  • que la balance des risques s’est dégradée,
  • que des opérations de TLTRO pourraient être lancées,
  • que les réinvestissements des remboursements se feront sur des maturités plus longues (twist).

La baisse récente des taux pourrait indiquer que le marché s’attend bien à un geste de la banque centrale.

US-Chine : fragile armistice

La guerre commerciale sino-américaine qui focalise l’attention des marchés a connu cette semaine des rebondissements spectaculaires. Le sommet du G20 a permis aux deux dirigeants d’apporter des messages apaisants, avec le report de 90 jours de la hausse des droits de douane, associé à un engagement de reprise des achat chinois.

A peine les effets de cette nouvelle se transmettaient sur des marchés financiers particulièrement nerveux que l’annonce de l’arrestation du CFO de Huawei au Canada replongeait tout le processus dans l’incertitude. L’ampleur des attaques dont fait l’objet l’équipementier chinois – lesquelles ne sont pas seulement du ressort du président – montre que la guerre commerciale en cours dépasse largement le terrain des droits de douane, et vise bien à limiter l’accession des chinois aux technologies de l’information développées en occident, qui apparaissent cruciales dans les rapports de force industriels et militaires futurs.

L’espoir d’une résolution rapide de ce conflit semble donc illusoire et ses conséquences économiques, au regard de la contribution de la Chine dans la croissance mondiale, seront significatives.