Nowcasters et vues macro de l’équipe en charge de l'allocation dynamique des stratégies multi-assets d'Unigestion.

Guilhem Savry, Jérôme Teiletche, Jeremy Gatto, Florian Ielpo, Olivier Marciot

Pour la première fois depuis fin 2017, nous assistons à une synchronisation de la croissance dans les principales économies mondiales. Malheureusement pour les actifs de croissance, cet alignement s’effectue à la baisse: au cours des deux dernières semaines, les données provenant des États-Unis, de la zone euro et de la Chine ont toutes chuté de manière abrupte. Alors que nous avions précédemment souligné que le rapport risque/rendement des actifs orientés vers la croissance se détériorait, il restait un environnement macroéconomique globalement favorable pour les soutenir.

Mais avec ce changement dans les fondamentaux, nous nous retrouvons à chanter les paroles de «The Gambler»:

«Vous devez savoir quand tenir une main, quand vous coucher, savoir quand vous éloigner de la table et savoir quand prendre vos jambes à votre cou.»

Nous sommes plus préoccupés par une croissance positive mais décevante que par une récession

Un dialogue récurrent a eu lieu entre les acteurs du marché au cours des derniers mois: suite à la baisse des marchés actions, les investisseurs commencent à se demander si nous sommes ou non dans un marché durablement baissier. Les économistes soulignent que les marchés baissiers ne sont constatés presque jamais en dehors de récessions, la croissance économique positive soutenant les prix des actifs risqués. Ces économistes présentent ensuite des preuves convaincantes suggérant que l’économie mondiale est loin d’une récession (en excluant la pente de la courbe des rendements qui continue de maintenir certains participants du marché éveillés la nuit). Les investisseurs trouvent un peu de réconfort dans cet argument.

Nowcaster de tensions sur le marché
Sources: Unigestion, Bloomberg au 17.12.2018.

Cependant, certains points essentiels manquent ou, tout au moins, sont sous-estimés. Le premier point est que les prix des actifs de croissance sont déterminés par la manière dont la réalité se compare aux attentes, et non par le niveau, positif ou négatif, de l’un ou l’autre des facteurs. Ainsi, une croissance économique positive ne suffit pas en elle-même à soutenir les prix ou, en l’occurrence, à générer un rendement positif. Le deuxième point connexe est qu’une période soutenue de croissance économique positive, mais inférieure aux attentes, pourrait être source d’un marché baissier en raison de l’ajustement des attentes à la réalité dégradée. Enfin, étant donné que l’économie mondiale est au-dessus de son potentiel depuis fin 2016, les craintes d’un ralentissement de la croissance devraient se concentrer sur une croissance en-deçà du potentiel, sans pour autant devenir négative. Une croissance inférieure au potentiel ralentit l’économie, ce qui dissuade les entreprises d’investir et finit par ralentir la croissance de la consommation à mesure que les ménages ajustent leurs dépenses.

Décembre a été marqué par un fort ralentissement de la croissance de la consommation

Depuis la fin du mois de novembre, notre Nowcaster qui évalue le rythme de croissance de l’économie mondiale a considérablement diminué, les marchés développés et émergents ayant ralenti. Plus inquiétant, l’indice de diffusion associé à ce Nowcaster, qui mesure l’impulsion de la croissance économique, indique maintenant que plus de 60% des données économiques sont en baisse. Des données aussi médiocres donnent à penser que l’économie mondiale va probablement ralentir davantage. Cette tendance est globale.

Nowcaster de croissance mondiale
Sources: Unigestion, Bloomberg au 17.12.2018.

Pour commencer par l’économie américaine: elle montre un ralentissement important de sa croissance, principalement imputable à la consommation de biens durables qui a fortement diminué au cours des deux dernières semaines. Les secteurs du logement et des financières ont également été un frein, alors que les hausses de taux antérieures de la Fed se répercutent sur l’économie réelle. Il est important de garder à l’esprit que l’économie américaine semble toujours dépasser son potentiel actuel mais la chute abrupte de l’indice de diffusion est préoccupante. Seules les données sur l’emploi s’améliorent, bien que nettement en dessous de celles de fin novembre (aujourd’hui, environ 56% de ces données s’améliorent, contre environ 67% il y a deux semaines).

La situation dans la zone euro est également inquiétante. L’économie européenne est passée d’un niveau de croissance nettement supérieur à son potentiel à un rythme beaucoup plus faible. Dans le même temps, son indice de diffusion a encore diminué et 65% des données se détériorent, ce qui donne à penser que la zone euro devrait bientôt croître sous son potentiel de croissance, déjà relativement faible en comparaison avec les autres économies développées. Plusieurs facteurs expliquent ce ralentissement, entre l’incertitude pesant sur la croissance en Italie, le risque de guerre commerciale, en particulier pour les automobiles européennes, ou le ralentissement concomitant des marchés émergents, en particulier de la Chine. Et nous voyons clairement que la consommation de biens non durables, les prévisions de production et l’emploi ont considérablement ralenti ce mois-ci, se situant désormais à des niveaux compatibles avec une récession. Il n’est donc pas surprenant d’entendre Mario Draghi reconnaître que le curseur de la balance des risques pour la zone euro s’est déplacé pour indiquer un risque de baisse.

Enfin, la croissance en Chine a encore ralenti. Alors que le marché immobilier semble montrer des signes de reprise après les creux qu’il avait connus plus tôt dans l’année, la demande externe et les prévisions de production ont fortement diminué depuis fin novembre. Bien que moins spectaculaire, la croissance de la consommation et de l’emploi a également diminué. Manifestement, la guerre commerciale avec les États-Unis nuit à l’économie chinoise malgré les tentatives des décideurs politiques de neutraliser ses effets. L’indice de diffusion de la croissance chinoise est particulièrement préoccupant car, en l’espace de quelques semaines, il est passé de 60% de données positives à 60% de données en recul.

Le biais défensif est justifié

Nowcaster d’inflation mondiale
Sources: Unigestion, Bloomberg au 17.12.2018.

La dégradation des fondamentaux macroéconomiques s’ajoute à d’autres risques – erreur de politique monétaire, guerre commerciale et incertitude politique pour n’en nommer que quelques-uns – et plaide en faveur d’une allocation défensive. Il est également essentiel de trouver des couvertures efficaces dans ce contexte car les obligations ont clairement démontré leur capacité réduite de protection lors de baisse importante des marchés actions. Les expositions de change tactiques via le dollar américain peuvent entre autres jouer un rôle crucial à cet égard.