Bien que les actions à faible volatilité coûtent cher et qu’elles soient à la merci d’une hausse des taux d’intérêt, nous pensons qu’il est encore possible de construire un portefeuille défensif gagnant. Mais, pour cela, il faut colorer notre réflexion d’une touche non conventionnelle.

Article publié par AB (AllianceBernstein)

 

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Kent Hargis
Portfolio Manager, Strategic Core Equities

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Christopher W. Marx
Portfolio Manager, Equities

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Sammy Suzuki, CFA
Portfolio Manager, Strategic Core Equities

Nous pensons qu’il est encore indispensable pour les investisseurs de recourir à des stratégies de protection contre les heurts du marché des actions.

Même si les actions ont fait preuve d’une résilience remarquable depuis les surprenants résultats de l’élection présidentielle américaine, les marchés pourraient bien devenir fébriles à mesure qu’ils absorberont les répercussions économiques et géopolitiques de cet événement.

Nous devons garder à l’esprit le fait que les actions à faible volatilité ont obtenu des résultats impressionnants. Grâce notamment à leur capacité à absorber les chocs, elles ont affiché des performances supérieures à celles du marché sur des cycles complets – et même, en moyenne, quand elles sont restées chères.

 

Mais, aujourd’hui, les titres refuge traditionnels se vendent avec des primes élevées, et la tendance au déclin régulier que connaissent les rendements depuis trente ans semble sur le point de s’inverser. Nous vivons une période de rupture spectaculaire avec le passé, qui exige de nouvelles règles d’engagement. Nous pensons qu’il faudra être beaucoup plus créatif qu’auparavant pour se protéger des risques baissiers – et que les approches passives et mécaniques ne seront pas à la hauteur de la tâche.

 

Le passé n’est pas un prologue

Ceux parmi les investisseurs qui sont de fervents partisans de la faible volatilité pourraient répondre à cela : et alors, pourquoi en faire tout un plat ?

Le problème est le suivant. Quand les actions à faible volatilité sont chères, leur performance est bien plus dépendante du résultat macroéconomique subséquent. Illustrons notre propos avec l’exemple suivant. Au milieu de l’année 2008, avant la crise financière mondiale, les investisseurs se sont précipités sur les placements peu volatiles comme le producteur de céréales Kellogg au moment où tous craignaient que de voir éclater les crises qui menaçaient. Puis, leurs pires craintes sont devenues réalité. Les investisseurs se sont donc mis à chercher la sécurité à n’importe quel prix, et le coûteux titre Kellogg a poursuivi son chemin en affichant une performance considérablement supérieure à celle de grands noms plus vulnérables aux bouleversements économiques, Ford par exemple.

Maintenant, imaginons que la crise économique mondiale n’ait pas éclaté à l’issue de cette période de fébrilité. Les investisseurs, soulagés, se seraient précipitamment retirés des titres faiblement volatiles en général, et notamment du coûteux Kellogg, et se seraient rués sur l’avenir plus radieux promis par des titres moins chers et plus racés, Ford par exemple.

Mentionnons ici un autre problème. La sensibilité aux taux augmente quand les taux d’intérêts sont extrêmement bas. Les investisseurs du marché obligataire ont baptisé ce phénomène « convexité ». Dans le cas de rendements à 6 % qui évolueraient de 1 % à la hausse ou à la baisse, le prix des obligations augmenterait ou baisserait d’un certain montant. Mais, si les rendements étaient plus proches de zéro – disons 2 % –, l’effet sur le prix des obligations d’une variation de 1 % serait bien plus conséquent.

Les actions plus défensives sont elles aussi exposées à la convexité de par leur nature quasi-obligataire. Cela signifie donc qu’elles sont plus vulnérables à la hausse des taux d’intérêts – et à une augmentation de la propension au risque – qu’elles ne l’étaient auparavant. Et leur valorisation élevée ne fait qu’amplifier les risques.

 

La normalité n’est plus de mise

Dans des conditions normales, les actions à faible volatilité ne sont pas particulièrement dépendantes d’éventuels fondamentaux macroéconomiques. Mais nous ne vivons pas une période normale. La question est donc la suivante : comment construire un portefeuille défensif dans un contexte où la stabilité est à la fois chère et hypersensible aux bouleversements macroéconomiques ?

On pourrait par exemple muscler ce portefeuille en y ajoutant certaines des actions les plus risquées et les plus cycliques. Mais cette réponse est insatisfaisante. Dans les conditions actuelles, ces actions volatiles sont tout aussi dépendantes des facteurs macro que leurs homologues plus stables – mais dans le sens opposé. En cas de hausse des taux doublée d’une amélioration de l’économie, ces actions à fort bêta afficheront des performances spectaculaires. Mais en cas de baisse des taux provoquée par un ralentissement économique, les investisseurs pourraient bien tout perdre. Cela reviendrait à acheter une action bancaire juste avant la crise financière.

 

La solution : le scepticisme à l’égard des taux

Il pourrait s’avérer plus avisé de préserver l’arsenal défensif solide que sont les entreprises à la fois stables et de bonne qualité tout en cultivant votre scepticisme à l’égard des taux. Comment faire ? Il convient d’éviter soigneusement les titres assimilables à des obligations dans l’immobilier, les services aux collectivités, les télécoms et certains secteurs des biens de consommations. Ces titres comptent parmi les plus onéreux et les plus sensibles aux taux d’intérêt (voir le graphique).

 

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Plutôt que de recourir à cette méthode, nous vous suggérons de passer au niveau supérieur de stabilité. Ce niveau se compose des entreprises dotées d’une rentabilité élevée et durable et qui présentent un bilan comptable sain. Il se peut que ces entreprises soient un peu plus cycliques et controversées que leurs homologues plus stables. Cette catégorie comprend par exemple les banques et compagnies d’assurance des pays dans lesquelles ces industries sont hautement concentrées ou encore les entreprises productrices de spécialités chimiques ou de logiciels dotées d’un fort pouvoir de fixation des prix. Comme le montre cette description, chasser sur ce territoire est une activité qui exige d’intenses recherches.

Il est en outre nécessaire de se résoudre à un compromis. Ces entreprises ne vous protégeront pas des risques baissiers en cas de scénario catastrophe. Mais elles sont moins chères et moins sensibles que leurs homologues quasi-obligataires à une éventuelle inversion des taux. Elles devraient donc afficher de bonnes performances quelles que soient les perspectives macro.

Les approches passives fondées sur la faible volatilité semblent particulièrement sans défense dans un contexte de bouleversements massifs à l’échelle macro. Les deux tiers des titres qui composent l’indice MSCI World Minimum Volatility figurent dans les 20 % d’actions mondiales au caractère quasi-obligataire très marqué, des titres qui s’échangent actuellement avec une prime de 8 % par rapport au marché. Durant ce début de trimestre, l’indice s’est en effet laissé distancer par le marché de 5.5 %.

Ce n’est pas le moment d’abandonner les investissements défensifs. Mais les conditions qui prévalent sur le terrain sont changeantes, et les stratégies censées protéger les investisseurs des heurts du marché des actions doivent évoluer au même rythme. Nous estimons que le fait de privilégier les seules mesures de la volatilité ne fonctionnera plus dans l’environnement actuel. Les trackers indiciels passifs, figés, semblent particulièrement vulnérables. Nous pensons que, dans la période qui s’annonce, les investisseurs orientés résultat à long terme devraient adopter une approche fondée sur les fondamentaux qui leur permettra à la fois de saisir les occasions et d’éviter les risques.