Le thème central de 2019 est celui de données macroéconomiques qui continuent à se détériorer et auxquelles les banques centrales tentent de faire face par un activisme forcené. Les investisseurs anticipent aujourd’hui pas moins de 5 baisses de taux aux États-Unis et la reprise des rachats d’obligations par la banque centrale (QE) en Europe. L’inflation anémique sert d’alibi à la FED et, à défaut d’harmonisation fiscale, Mario Draghi emploie les derniers mois de son mandat pour éviter à tout prix une récession en euro zone. Les taux vont rester bas longtemps, voire très longtemps …

Dans ce nouveau paradigme, comment évaluer les actifs risqués?

Les modèles de valorisation historiques sur les actions donnent encore aujourd’hui une large place à l’actualisation des cash flows futurs. Les gérants modifient peu leurs taux d’actualisation, composé d’un rendement estimé à long terme augmenté d’une prime de risque. Prennent-ils suffisamment en compte la baisse du taux sans risque?

Récemment, les actions de croissance les plus sensibles aux taux d’intérêt (luxe, boissons, immobilier, dans une moindre mesure «utilities»…) ont connu un parcours sans commune mesure avec celui des cycliques. Les investisseurs ont privilégié la croissance à tout prix dans un environnement où celle-ci s’étiolait. Que faire aujourd’hui alors que l’écart de valorisation devient extrême entre ces deux catégories?

Analyse des effets d’un changement d’hypothèses

Baisse du taux d’actualisation

Nul besoin d’être un grand mathématicien pour comprendre que les perspectives de revalorisation seraient dans ce cas explosives. Le prix théorique d’une action calculé à partir de l’actualisation des cash flows à 10 ans augmente immédiatement de 8% si on abaisse le taux d’un pour cent (de 5% à 4% par exemple). On rentrerait alors dans ce nouveau paradigme où la croissance des cash flow et leur ampleur deviendraient le facteur discriminant d’appréciation des actions. Ainsi cet écart de valorisation ne serait donc pas une anomalie mais la nouvelle norme.

Prise en compte des taux négatifs dans les primes de risque

La prime de risque mesurée comme l’écart entre le rendement estimé des actions (1/PE) et le taux sans risque à 10 ans revient vers les pics constatés lors de l’effondrement des marchés fin 2018. Sur certaines valeurs, le taux de rendement espéré est de 12% (PE de 8) avec une bonne visibilité sur les flux futurs. Peut-on décemment se passer d’investir dans de telles valeurs alors que l’ensemble des actifs dits non risqués offrent des rendements nuls voire négatifs?

Évolution du price/earning ratio sur 5 ans
Source : Bloomberg, ODDO BHF AM SAS. Données au 30.06.2019.

Évaluer la disruption

Un début de réponse passe par l’analyse fondamentale des possibles disruptions à venir dans certains secteurs, qu’elles soient de nature règlementaire ou «schumpetérienne» (la destruction créatrice). Mais il faut là aussi se réinventer et ne pas se contenter d’analyser les classiques données structurées mais se pencher au plus vite vers les données Big Data, seules à même de déceler les nouveaux trends.

Alors, retour à la moyenne et rattrapage des actions décotées ou nouvelle norme et continuation du trend actuel qui favorise les sociétés de croissance? Nous serions tentés de choisir la première hypothèse tant les anticipations de baisse de taux sont fortes au regard de la conjoncture. A minima, si l’analyste gérant parvient à sélectionner des sociétés avec des primes de risque aussi attractives, capables de résister au bouleversement technologique et géopolitique actuel alors les performances de ce type de portefeuille seront pérennes sur la durée, même en cas de retournement de cycle.

Ainsi, pour accompagner ces mutations, nous intégrons l’intelligence artificielle au sein même du processus de gestion de nos stratégies thématiques. Explorer de nouveaux univers pour mieux servir nos clients.

Notre Scénario central (60%)

Stabilisation de la croissance mondiale. Les tensions commerciales au centre de l’attention.

Europe

  • Divergence macroéconomique persistante entre la vigueur de la demande intérieure et la faiblesse/récession persistante du secteur industriel dans certains pays, comme par exemple en Allemagne
  • Les risques politiques à court terme s’atténuent (l’accent sera-t-il mis sur la question du commerce entre les États Unis et l’UE?)
  • Les politiques monétaires accommodantes sont maintenues au moins jusqu’à 2020

US

  • Economie toujours solide malgré plusieurs obstacles
  • La Fed prépare une baisse des taux pour prolonger la phase d’expansion, qui est menacée par les tensions commerciales
  • Le renforcement du protectionnisme, de la réglementation et des risques géopolitiques (conflit US – Iran) crée des incertitudes

Actifs à surpondérer : Actions, Crédits

Actifs à sous pondérer : Obligations d’Etat

Stratégie : Flexibilité, Couverture (options, or, etc.)

Nos scénarios alternatifs

Renforcement du protectionnisme et contagion depuis les marchés émergents (30%)

  • Impact de la guerre commerciale sino-américaine sur les chaînes d’approvisionnement internationales
  • Concrétisation des risques géopolitiques (marchés émergents, Moyen-Orient…)
  • Chine : risques du rééquilibrage économique
  • Brexit : absence d’accord

Risque de taux d’intérêt alimenté par une accélération imprévue de l’inflation américaine et du creusement du déficit budgétaire des Etats-Unis (10%)

  • Accélération des salaires
  • Flambée des cours pétroliers tirée par une escalade des tensions politiques au Moyen-Orient
  • Baisse du potentiel de croissance