Une Banque d’Angleterre qui était intervenue en urgence pour limiter l’envolée des taux d’intérêt à la suite des annonces gouvernementales; une Banque de réserve d’Australie qui a remonté ses taux moins qu’attendu et des chiffres macroéconomiques américains inférieurs aux attentes, avec une forte baisse des postes ouverts non pourvus au mois d’août: ce cocktail a provoqué la hausse violente des marchés actions en début de semaine dernière.

Par Enguerrand Artaz, Fund Manger et Olivier de Berranger, CIO

 

Enguerrand Artaz - LFDE
Enguerrand Artaz, Fund Manager

Si ceux-ci avaient atteint des niveaux extrêmes de pessimisme, propices à ce type de rebond technique, cette salve d’actualités a surtout réveillé l’espoir auquel les investisseurs tentent de s’accrocher: celui d’un pivot des banques centrales, autrement dit la fin prochaine des politiques de resserrement monétaire. Rapidement, les marchés ont d’ailleurs à nouveau anticipé une baisse des taux, lors du premier semestre 2023.

Une fois de plus, cet espoir était exagéré et, une fois de plus, il a rapidement été douché. Par les chiffres macroéconomiques, d’une part, notamment un rapport sur l’emploi américain toujours très solide pour le mois de septembre. Mais aussi et surtout par les discours des banquiers centraux, en particulier américains, qui ont de nouveau martelé un discours très offensif. Loretta Mester et Mary Daly, respectivement gouverneur de la Fed de Cleveland et de la Fed de San Francisco, ont ainsi indiqué n’anticiper aucune baisse des taux directeurs en 2023. Elles n’ont pourtant rien dit de très nouveau, mais cela a suffi pour mettre un coup d’arrêt au rebond des marchés, car, au fond, celui-ci reposait sur la difficulté des investisseurs d’admettre que les banques centrales ne soient plus l’inébranlable soutien qu’elles furent ces dernières années.

Olivier de Berranger
Olivier de Berranger, CIO

Bien sûr, il y a des craintes de court terme. Tant que les banques centrales garderont le pied sur l’accélérateur du resserrement monétaire, les perspectives sur les marchés d’actifs risqués peuvent difficilement être optimistes, d’autant moins que le risque de voir la politique monétaire générer une récession marquée est de plus en plus prégnant. Mais cela témoigne surtout d’un changement de paradigme que les investisseurs ont encore du mal à accepter. Il faut dire que pendant plus de 10 ans – à part un hiatus entre 2017 et 2018 – l’abondance de liquidités et des taux très bas ont entraîné l’inflation des prix de actifs. Autrement dit, cela a permis une hausse, des marchés actions notamment, fortement alimentée par l’expansion des multiples de valorisation, bien au-delà de la seule croissance des bénéfices. Entre 2010 et 2021 par exemple, le ratio prix/bénéfices de l’indice phare du marché américain, le S&P 500, a doublé. Dans un contexte futur de taux d’intérêts nominaux nettement plus élevés, de taux réels positifs et de diminution progressive de la masse monétaire, ce phénomène aura bien du mal à se reproduire.

Au-delà d’une situation douloureuse à court terme, qui pourrait s’accentuer ces prochains mois, ce changement d’environnement est-il vraiment négatif? Pas vraiment pour les investisseurs fondamentaux. Voir les marchés évoluer au gré de la conjoncture économique et des dynamiques des entreprises et moins sous l’impulsion de subvention monétaire constitue un contexte d’investissement nettement plus sain. Cela limitera de plus les excès de valorisation, propices aux mouvements exagérés à la hausse comme à la baisse, ainsi qu’aux déconvenues frustrantes. Enfin, cela redonnera de l’attrait aux actifs obligataires et, par ricochet, à la diversification des classes d’actifs au sein des portefeuilles modérément risqués, qui ont longtemps souffert du manque de moteurs de rendement alternatifs aux actions. En somme, si le remède peut laisser un goût amer à court terme, sans doute le jeu en vaut-il la chandelle.

 

Rédaction achevée le 07.10.2022

 


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