Sur la décennie qui a suivi la crise financière, l’industrie du shale oil a connu un véritable boom aux États-Unis. En moyenne, cela a contribué pour 0.2 point à la croissance annuelle du PIB, soit 10% du total – et même 0.3 point ou 15% si l’on exclut la crise pétrolière de 2014-15. Malgré des gains de productivité et un abaissement du point-mort, ce secteur continue de générer des pertes, si bien que les entreprises modèrent leurs investissements. Au mieux, la contribution du secteur à la croissance devrait tendre vers zéro en 2020. La morosité de l’activité industrielle depuis le début de l’année trouve ici une part de son explication.

US : prix du pétrole et nombre de rigs

Depuis le début de l’année, le nombre de creusements de puits pétroliers (rigs) ralentit aux États-Unis. C’est la conséquence logique de la baisse des prix du brut par rapport au pic récent d’octobre dernier (graphe du haut). Sauf tension soudaine et durable des prix – certes possible vu le contexte géopolitique – l’investissement pétrolier ne va pas accélérer. La contribution de ce secteur à la croissance du PIB va tendre vers zéro, ou un peu au-dessous de zéro en 2020, alors qu’elle était d’environ 0.4pt en 2017 et en 2018. C’est un changement notable, même s’il n’est pas comparable avec les effets négatifs du contre-choc pétrolier enregistrés en 2015 et 2016 (graphe du bas).

US : contribution du secteur pétrolier à la croissance du PIB

Au-delà de ce coup de froid, l’industrie américaine du shale peut-elle renouer avec la forte tendance haussière des années d’après-crise (doublement de la production de pétrole US)? Il y a des raisons d’en douter. Sur cette période, la production de pétrole US a presque doublé. Avec le recul, ce boom peut se comprendre: de faibles barrières à l’entrée et un appétit pour les entreprises promettant de forts taux de croissance. Le résultat a été un surinvestissement et l’impossibilité d’arriver à la profitabilité. Certes le secteur a survécu à l’effondrement des prix du pétrole de 2014-15 en améliorant sa productivité. Il s’est assaini, mais malgré la remontée des prix, la plupart des sociétés restent non profitables1. Le point-mort d’un nouveau puit est estimé à environ 50$ le baril. C’est une moyenne, et pour un cinquième des firmes, il reste supérieur à 60$.

Selon le dernier Dallas Fed Energy Survey, paru cette semaine, le cours du WTI prévu à la fin 2019 a été revu en baisse, à 57$. Cela n’offre pas les meilleures perspectives et devrait rendre prudent des investisseurs qui ont brûlé beaucoup de cash en dix ans et attendent un retour positif sur leur pari2. L’avenir de l’industrie du shale passe sans doute par une phase de modération des investissements, afin de trouver un meilleur équilibre. En attendant, c’est un moteur de croissance qui ralentit.

A suivre cette semaine

En mai, le rythme mensuel des créations d’emploi avait fléchi, tombant à +75K, soit bien au-dessous de ses moyennes récentes (151k sur trois mois, 175k sur six mois, 196K sur douze mois). Ce « mauvais » résultat avait alimenté la chronique concernant une prochaine récession et poussé les marchés de taux à anticiper un relâchement de la politique monétaire. Dans ces conditions, le prochain rapport du BLS, à paraître le 5 juillet, sera évidemment scruté avec le plus grand intérêt. La prévision du consensus est un rebond à +158k, ce qui revient à supposer que le dernier chiffre paru était entaché de volatilité et qu’il exagérait le ralentissement des créations d’emploi (Voir aussi le Focus-US du 14 juin 2019: « Bilan de santé du marché du travail US: pas d’alarme »)

Selon l’estimation préliminaire, l’indice PMI-manufacturier est tombé à 50.1 en juin (-0.4pt), au plus bas depuis dix ans. Cette faiblesse était attribuée aux incertitudes touchant la politique tarifaire, le risque géopolitique et la croissance future. Pour les mêmes raisons, la plupart des autres enquêtes manufacturières régionales ont été médiocres. Le risque est que l’indice ISM-manufacturier continue de s’affaiblir. En mai, il pointait à 52.1, il est attendu par le consensus Bloomberg à 51.2. La dernière fois qu’il est passé sous le seuil critique des 50pts, c’était d’octobre 2015 à février 2016 (crise du secteur pétrolier), puis à nouveau ponctuellement en août 2016. L’indice ISM-non manufacturier, qui donne une vue plus large de l’activité, a jusqu’à présent bien mieux résisté. Il est attendu à 56.0, vs 56.9 en mai.

 

Sources : Thomson Reuters, Oddo BHF Securities

 


1. Selon un calcul de Reuters (Cash flow still weak at U.S. shale firms, stock prices underperform, 2 avril 2019)
2. A titre illustratif, “A Leader of America’s Fracking Boom Has Second Thoughts”, WSJ, 24 juin 2019