Pour prévoir l’évolution de la demande domestique aux États-Unis, le secteur de la construction résidentielle a fait ses preuves comme étant un baromètre d’une grande fiabilité, bien meilleur que le secteur industriel. À partir du début 2018, ce secteur a décliné, à cause de la forte hausse des taux d’emprunts et, de façon secondaire, d’une réforme fiscale qui a alourdi le poids des taxes foncières. Ces derniers mois, les taux ont chuté, accompagnant le virage de la Fed. Les données d’activité commencent à réagir. La reprise du secteur immobilier est un signal positif pour l’économie américaine en 2020.

Par Bruno Cavalier, Chef Economiste et Fabien Bossy, Economiste

 

L’activité de construction résidentielle a fortement rebondi en août, même si on fait la part de l’envolée du segment multifamily qui est notoirement volatile. Sur le segment des maisons individuelles, les mises en chantiers et les permis gagnent 4.5% m/m, et leur tendance annuelle est à nouveau clairement positive. La confiance des constructeurs s’est encore reprise en septembre.

Historiquement, le secteur de la construction résidentielle a eu tendance à s’infléchir avant le cycle économique, la raison étant qu’il a de multiples interactions avec le reste de l’économie. Ce secteur est en effet à l’origine de commandes de produits industriels, il est intensif en emplois, il a un impact sur la confiance des ménages via les prix de l’immobilier et sur les finances des administrations locales, il est sensible a la politique monétaire.

US : taux d’emprunt immobilier à 30 ans

En somme, la thèse avançant que le cycle économique américain est avant tout le cycle de l’immobilier peut se défendre avec quelques raisons1. Ce point étant posé, il était évident que le signal envoyé depuis l’an dernier était de plus en plus négatif. Début 2018, les dépenses d’investissement logement ont baissé et ont enchaîné depuis six trimestres de contraction, à un rythme certes faible de l’ordre de 2-3% en rythme annualisé mais préoccupant par sa répétition. Les causes de cette correction sont bien identifiées. Il y a d’abord l’évolution du taux d’emprunt, passé d’un point bas à 3.8% en 2016 à un pic de 5.3% fin 2018. L’impact négatif sur l’accessibilité à la propriété d’un tel choc est équivalent à une hausse des prix des maisons de 20%.

US : investissement résidentiel

Autre facteur à considérer, la réforme fiscale de 2017 qui a supprimé des avantages fiscaux diminuant le poids des taxes sur la propriété. Dans un marché idéal, les prix s’ajusteraient sans impact majeur sur l’activité, mais le marché immobilier affiche plutôt une rigidité des prix, les ménages préférant ne pas vendre plutôt que de réaliser une perte. En conséquence, la hausse moyenne des prix des maisons a ralenti, de +6% l’an à +2% récemment. Si la situation n’avait pas changé, le marasme immobilier aurait pu durer ou s’aggraver. La réorientation de la politique monétaire de la Fed est tombée à point pour éviter cela. Les taux hypothécaires sont en chute libre (graphe du haut). Avec un peu de retard, les données d’activité de construction commencent à réagir positivement. D’après la Fed d’Atlanta, l’investissement résidentiel pourrait rebondir au T3 (graphe du bas). Si ce mouvement se confirme, ce sera l’un des meilleurs signaux anti-récessifs qu’on puisse imaginer pour 2020.

Repo

La situation du marché du repo a suscité une vive attention ces derniers jours, après l’envolée du taux repo au jour le jour à près de 10% en intraday le 17 septembre, alors qu’il devrait se situer dans la fourchette des taux directeurs. Ce manque soudain de liquidité sur le marché interbancaire ne peut manquer de rappeler quelques mauvais souvenirs. Divers facteurs techniques jouant sur l’offre ou la demande de liquidités ont été évoqués: importantes émissions du Trésor, paiement de l’impôt sur les sociétés, contrecoup du bond des prix du pétrole, structure de la courbe des taux qui décourage les institutions en excédent de cash de le prêter, etc.

La Fed a répondu en organisant chaque jour une injection de liquidités pour 75Md$. Des opérations de ce type n’avaient plus lieu d’être dans le régime de liquidités surabondantes qui a prévalu après la crise. Mais ce n’est plus le cas maintenant que le bilan de la Fed s’est nettement dégonflé. Un contrôle plus efficace du taux repo exigerait sans doute que la Fed ajuste la taille de son bilan à la demande de cash. On évitera de confondre cette option avec la relance d’un programme de QE.

A suivre cette semaine

Les enquêtes PMI préliminaires pour septembre (le 23) permettront de confirmer ou d’infirmer le mauvais signal observé en août dans le secteur des services. Compte tenu de l’incertitude pétrolière, l’indice de confiance des ménages du Conference Board est également à surveiller de près (le 24).

 

1. Voir Leamer (2007), Housing IS the Business Cycle, NBER working paper