Jusqu’au T1, l’économie US avançait plus vite que son potentiel estimé. Tel pourrait être une analyse superficielle de la situation récente. Sous la surface toutefois, les signes de fragilité se l’intervention de la Fed mais les banques, inquiètes sur leur liquidité, vont inévitablement multiplient. Le choc d’incertitude provoqué par la faillite de SVB semble avoir été endigué par resserrer le crédit, ce qui pèsera sur les rythmes d’activité et apaisera les tensions inflationnistes. Le risque récessif s’est accru, mais s’il n’est pas une certitude absolue. Il faudrait une réelle déception sur la demande des ménage pour pousser les entreprises à couper vraiment dans les effectifs.

Focus US par Bruno Cavalier, Chef Economiste et Fabien Bossy, Economiste

 

2023.04.24.agrégation des indicateurs de confiance des entreprises
US : agrégation des indicateurs de confiance des entreprises

Il peut toujours y avoir des bizarreries statistiques dans les comptes nationaux(1), mais sauf surprise de ce type, la croissance du PIB réel devrait sortir au voisinage de 2% t/t en rythme L’économie US continue d’évoluer au-dessus de son potentiel estimé à 1.8% à long terme. annualisé au T1 2023. Elle avait été de 3% en moyenne sur les deux trimestres précédents. A première vue, cela ne montre pas une grande fragilité. La consommation des ménages a élevée et supérieure aux gains salariaux, malgré la remontée rapide des taux d’intérêt, encore vivement progressé, de l’ordre de 4% t/t annualisé… malgré une inflation toujours malgré le retournement des effets de richesse (les prix de maisons ont amorcé une décrue l’été dernier). Il y a de quoi être perplexe sur la durabilité de cette situation.

2023.04.24.sentiment des entreprises sur les prix
US : sentiment des entreprises sur les prix

Le climat des affaires n’est pas en zone de récession, mais il ne s’en faut pas de beaucoup (graphe). Les firmes ont nettement revu en baisse leurs anticipations de hausse l’industrie, un peu moins dans les services (graphe). Les turbulences du secteur de prix, signe qu’elles jugent la demande plus fragile. Le mouvement est très avancé dans bancaire sont arrivées trop tard pour avoir eu un impact visible sur les résultats du T1 mais sens. L’enquête de la Fed de Dallas sur les conditions de crédit signalent une rechute des cela devrait survenir rapidement. Quelques données parcellaires récentes pointent en ce volumes de prêt. L’enquête de la Fed de New York sur les ménages montre que l’accès au resserrement semble plus brutal selon la NFIB. Le Livre Beige, arrêté au 10 avril, décrit crédit est jugé un peu plus difficile, depuis un niveau élevé. Pour les petites entreprises, le l’économie comme étale sur les quatre dernières semaines. Quatre des douze districts de baisse. Plusieurs notent que les banques ont serré la vis à cause de l’incertitude et des la Fed enregistrent une petite hausse d’activité, cinq sont stagnants, trois sont en légère craintes sur la liquidité. Une crise systémique a été évitée semble-t-il, les indicateurs de stress bancaire ont reflué mais le doute est installé (Voir notre Eco & Taux du 19 avril: « Croissance-Crédit: des liaisons dangereuses »).

Economie

Consommation – En mars, les ventes au détail totales ont baissé de 1% m/m, de 0.3% pour le « groupe de contrôle » qui met à part les composantes les plus volatiles (rappel, ce sont des données nominales). Ces chiffres sont à mettre en regard du rebond exceptionnel de janvier, respectivement +3.1% et +2.4% pour ces deux indices. L’affaiblissement infra-trimestriel peut aussi bien refléter une normalisation après un début d’année en fanfare que le signe d’un malaise plus profond venant d’un durcissement des conditions de crédit. Corrigées de l’effet-prix, les ventes au détail ont progressé de 3.1% t/t en rythme annualisé au T1 2023. On ne s’étonnera pas que le nowcast de la Fed d’Atlanta envisage une hausse des dépenses de consommation de 7.7% pour les biens et 2.5% pour les services. En avril, selon l’Université du Michigan, la confiance des ménages s’est redressée, mais reste dans une zone de faiblesse. L’anticipation d’inflation à court terme a bondi, réaction immédiate aux nouvelles tensions sur les prix de l’essence.

Industrie – En mars, la production industrielle a progressé (+0.4%), principalement à cause d’une forte contribution des utilities (+8.4% m/m). Sur le T1 2023, l’activité industrielle est quasi stable, après une baisse de 2.5% au T4 2022. Sur la première quinzaine d’avril, la confiance du secteur manufacturier part dans tous les sens, ce qui ne facilité pas l’analyse: l’indice de la Fed de New York a rebondi au plus haut depuis l’été dernier tandis l’indice Philly Fed accentuait sa chute au plus bas depuis le début de la pandémie, un niveau historiquement associé à une récession.

Construction – En mars, l’activité résidentielle a été tirée vers le bas par le secteur des appartements (mises en chantier: -5.9%). A l’opposé, le secteur des logements individuels, qui pèse pour 80% de la valeur ajoutée du secteur, s’est redressé pour le deuxième mois de suite (mises en chantier: +2.7% m/m). Les ventes de maisons existantes ont progressé de 3.7% t/t annualisé au T1, premier gain depuis le T4 2021. Entre ces deux dates, elles avaient plongé d’environ 33%. En avril, la confiance des promoteurs a encore un peu monté mais reste historiquement basse.

Politique monétaire et budgétaire

Plus d’un mois après la faillite de SVB, le stress sur le secteur bancaire continue de s’atténuer modérément. Sur la semaine close au 6 avril, les dépôts bancaires ont un peu monté, quelle que soit la taille des banques considérées. Les fonds monétaires ont drainé moins de liquidités en avril qu’en mars. Au 19 avril, l’utilisation des facilités de la Fed a augmenté de 4Md$, mais reste toujours en retrait par rapport au pic du 15 mars.

Il y a quelques semaines le Trésor estimait que le plafond de dette fédérale devrait être relevé entre juin et août pour éviter un défaut de paiement. Les rentrées fiscales ont pris du retard en début d’année, faisant pencher ce risque plutôt au début de cet intervalle. Lors de sa difficile élection au poste de président de la Chambre, Kevin McCarthy avait donné des gages à certains membres de la majorité républicaine farouchement opposés à tout relèvement, sauf à l’assortir de fortes réductions des dépenses fédérales. Le 19 avril, il a présenté sa proposition (Limit, Save, Grow Act) qui prévoit de limiter les dépenses discrétionnaires en 2024 à 1.47tr$ vs 1.70tr$ dans le budget proposé par la Maison Blanche. Leur hausse serait ensuite limitée à 1% par an. Joe Biden refuse la moindre négociation sur cette base. On risque d’approcher la date critique sans accord, chaque partie espérant alors que l’autre va céder. Le CDS 1 an sur la dette fédérale a franchi les 100pdb. Il n’avait pas dépassé 80pdb lors du downgrade de 2011, ou lors du débat sur le plafond en 2013.

A suivre cette semaine

Le BEA publiera l’estimation avancée des comptes nationaux le 27 avril. La hausse du PIB réel est attendue par le consensus dans une fourchette de 0.4 à 3.3% t/t en rythme annualisé (médiane: 1.9%). Le GDPnow de la Fed d’Atlanta est à 2.5%. A suivre dans l’immobilier, les indices de prix des maisons en février, les ventes dans le neuf (le 25) et les promesses de vente (le 27). La forte contraction immobilière qui a eu lieu au S2 2022 semble ralentir récemment mais, vu le niveau élevé des taux, il n’est pas certains que cette accalmie soit durable. Enfin, la Fed sera surtout attentive aux données de prix et de coûts. L’inflation PCE est attendue en repli de 5% à 4.1% sur un an (le 28). L’Employment Cost Index du T1 (le 28) progresse sur une pente d’environ 1% par trimestre. Le niveau compatible avec la cible d’inflation est proche de 0.7%. Ce ne sera pas encore le cas en ce début d’année.

 

(1) Ainsi au S1 2022, le PIB réel avait baissé par suite de variations erratiques des exportations et des stocks.

Sources : Thomson Reuters, Bloomberg, ODDO BHF Securities