L’activité immobilière avait montré des signes de stabilisation au tournant de l’année. C’est maintenant au tour des prix des maisons. Après un recul tout au long du second semestre 2022, leur correction paraît interrompue. Certains facteurs démographiques tendent à soutenir la demande de logements, et donc les prix, par exemple l’arrivée de la génération des Millennials à l’âge des primo-accédants. Toutefois l’influence du cycle économique et de la politique monétaire est prépondérante. L’objectif de désinflation de la Fed est incompatible avec un rebond durable des prix immobiliers. Il en va de même si la croissance de l’emploi et du revenu perd de sa vigueur dans les prochains mois.

Focus US par Bruno Cavalier, Chef Economiste et Fabien Bossy, Economiste

 

2023.05.01.Taux de propriétaires
US : taux de propriétaires vs tendance

L’activité du secteur immobilier étant directement liée au crédit, rien de surprenant qu’il ait été le premier à réagir au resserrement de la politique monétaire. Après un pic en juin 2022, les prix ont reculé, surtout dans les grandes villes. Mais avec l’arrêt de la hausse des taux longs en novembre, la pression sur le secteur a diminué. Des signes de stabilisation de l’activité sont apparus au début de cette année (1). En février, les indices de prix des maisons ont tous enregistré une légère hausse mensuelle . La récession immobilière serait-elle déjà terminée? A l’appui de cette thèse optimiste, on peut avancer des arguments ayant trait à la démographie. Primo, la génération des Millennials atteint désormais l’âge où s’opère le premier achat d’un logement. Secundo, compte tenu des stigmates de la crise immobilière des subprimes, le taux de propriétaire est encore bien inférieur à ce qu’on peut estimer être un niveau normal, malgré un fort rebond depuis 2015 (graphe) .

2023.05.01.Prix achat maison
Immobilier US : prix à l’achat vs prix à la location

Pour autant, la prudence reste de mise. Les forces démographiques jouent sur le long terme mais n’effacent pas la sensibilité au cycle économique. Durant la pandémie, la demande de logements a connu un boom (recherche d’espaces plus grands, hors des centres-villes). L’emménagement des jeunes Américains s’est accéléré mais la contrepartie pourrait être une baisse de la demande future (2). Par ailleurs, la forte hausse des prix en 2020 et 2021, en se répercutant sur le coût des services de logements, appelait une politique monétaire plus stricte (graphe). Si la baisse des prix dure un semestre, cela ne fait pas les affaires de la Fed. Avec des prix reculant de 10% depuis leur pic, la composante «logements» du CPI aurait pu retomber vers 2% d’ici fin 2024. Il resterait supérieur à 3% si le recul des prix des maisons s’arrête après moins de 5% de correction. Le retour de l’inflation vers sa cible s’en trouverait ralenti, et la politique monétaire restrictive devrait être prolongée.

Economie

Après sept mois de baisse continue, les prix des maisons ont donné les premiers signes de stabilisation en février. Les indices S&P/Case-Shiller enregistrent des hausses de prix dans 9 dans 20 principales métropoles, aboutissant à un gain moyen de 0.2% m/m à l’échelon national. La hausse est un peu plus forte selon les autres indices disponibles: +0.4% pour la FHFA, +0.7% pour la National Association of Realtors. Si la stabilisation devait se confirmer, la correction du pic au creux serait minime, de l’ordre de 5% seulement. Sur le marché de l’ancien, les ventes de maisons ont passé leur creux en janvier 2023. Sur le marché du neuf, c’était en septembre 2022. Depuis cette date, le gain cumulé est de 24% (dont +9.6% m/m en mars), ce qui ramène le niveau des transactions à sa moyenne de 2019.

En mars, les données d’activité qui restaient à paraître ont confirmé que le T1 s’était terminé sur une note de faiblesse (le début avait été très robuste). Les commandes de biens durables hors éléments volatils ont baissé (-0.4% m/m) pour le deuxième mois de suite. Les importations de biens enregistrent aussi un nouveau recul (-1% m/m) tandis que les inventaires continuent d’augmenter (+0.1% chez les grossistes, +0.7% chez les détaillants dont +1.5% pour le secteur auto). Autant de signes de modération de la demande domestique.

Selon la première estimation du BEA, le PIB réel a augmenté de +1.1% t/t en rythme annualisé au T1 2023. Ce ralentissement s’explique cependant entièrement par une forte contribution négative des inventaires (-2.3 pts), une composante notoirement volatile. A l’inverse, la consommation a accéléré à +3.7% tandis que la baisse de l’investissement fixe ralentit à seulement -0.4% grâce à une amorce de stabilisation dans le résidentiel (-4.2% après -25.1% au T4, voir p.1). Les indices d’inflation PCE (préférés par la Fed au CPI) restent dynamiques: +4.2% t/t en rythme annualisé pour l’indice total et +4.9% pour l’indice sous-jacent.

En avril, les indices de confiance sont restés mitigés, signe que l’horizon immédiat est incertain. Si les PMI de Markit signalent une hausse du moral des directeurs d’achat (+0.9pts à 53.7 dans les services, +1.2pts à 50.4 dans le manufacturier), les enquêtes des Fed régionales pointent dans l’ensemble vers le bas. Du côté des ménages, l’indice de confiance du Conference Board a perdu 2.7pts, sa troisième baisse depuis le début de l’année. Les conditions actuelles d’emploi restent à un haut niveau mais les anticipations de revenu et d’emploi se dégradent.

Politique monétaire et budgétaire

Le stress bancaire a repris à l’occasion de la publication des résultats trimestriels de First Republic Bank. Cette banque (d’une taille d’actifs équivalente à SVB) est vue par beaucoup comme le prochain domino risquant de tomber. Le mois dernier, l’aide de 30Md$ apportée par un pool de grandes banques avait fait baisser la pression mais les résultats publiés ont montré que la fuite de ses déposants était bien plus rapide qu’anticipé. Son cours de bourse a perdu 95% depuis le début de l’année. La situation de FRB ne semble pas viable en l’état. Après leurs interventions directes, les autorités fédérales préféreraient cette fois qu’une solution privée soit trouvée.

D’ici deux mois au plus tôt, quatre au plus tard, le Trésor aura épuisé les moyens lui permettant de mener normalement ses activités sans augmentation du plafond de dette fédérale. L’histoire est classique et se résout le plus souvent à la dernière minute. Cette fois-ci, les marchés semblent moins confiants que d’ordinaire sur une issue favorable. Le CDS sur la dette US a atteint cette semaine un nouveau record, à plus de 160pdb (X2 en moins d’un mois, X8 depuis le début de l’année).

Joe Biden annoncé le 25 avril sa candidature pour sa réélection.

A suivre cette semaine

L’événement de la semaine prochaine sera la réunion du FOMC (le 3 mai). Jusqu’à la dernière minute, la décision peut varier selon les développements du stress bancaire mais l’avis majoritaire est qu’une nouvelle hausse de 25pdb est très probable. Les taux directeurs seraient alors dans la fourchette 5-5.25% qui est le pic du scénario médian du FOMC. Vu la lenteur du reflux de l’inflation sous-jacente, Jerome Powell ne voudra peut-être pas affirmer que le cycle de hausse de taux est fini, mais il serait étonnant qu’il rejette totalement cette éventualité.

A suivre aussi, les indices ISM (1er mai pour le manufacturier, le 3 pour les services) et le rapport sur le marché du travail (le 5), le premier aperçu complet depuis le début de la crise bancaire. Un nouveau freinage de l’emploi est attendu (à 175k, vs 236k en mars). Aucune donnée à haute fréquence ne présage une cassure soudaine.

1 Voir Focus-US du 3 février 2023 : « Immobilier US : des signes de stabilisation, non de reprise »
2 Joint Center for Housing Studies of Harvard University, McCue (2023), The Surge in Household Growth and What It
Suggests About The Future of Housing Demand

Sources : Thomson Reuters, Bloomberg, ODDO BHF Securities