Le fort rebond des ventes au détail en janvier montre que les mesures de soutien budgétaire se répercutent vite sur l’économie réelle. Un plan d’aide à peine voté, et voilà que la consommation des ménages s’emballe, du moins les dépenses en biens. Les dépenses en services, qui forment les deux tiers de la consommation, restent à la peine. Dans ce cas, l’aide budgétaire s’oriente vers l’épargne en attendant la fin de la pandémie. L’économie US entame bien l’année 2021. Les prévisions de croissance sont revues en hausse mais ce n’est pas une raison pour que l’administration démocrate renonce à son nouveau plan de soutien.

Focus US par Bruno Cavalier, Chef Economiste et Fabien Bossy, Economiste

 

US : assurance-chômage versée aux ménages US

On ne s’étonne plus désormais quand une grandeur macroéconomique varie d’un ordre de grandeur cinq fois supérieur à la normale. Ainsi, des ventes au détail en janvier. Hors éléments volatils, elles s’envolent de 6%, faisant plus que compenser leur faiblesse au T4 et s’affichant près de 10% au-dessus de leur niveau pré-crise. Ce rebond doit être replacé dans le contexte de la pandémie et de la politique économique. Juste avant Noël, le Congrès a voté un train de mesures de soutien budgétaire pour 920Md$, environ 4.5% du PIB. Sur ce montant, 120Md$ sont destinés à étendre l’indemnisation des chômeurs et 166Md$ à soutenir directement le revenu des ménages. Bien entendu, tout n’a pas été déployé dès le mois de janvier, et de ce qui l’a été, tout n’a pas été dépensé d’un coup. Néanmoins, il est évident que les ménages ont reçu davantage de transferts au titre du chômage, de quoi expliquer 60% du surcroît de dépenses (graphe).

US : dépenses des ménages (différentes catégories)

Par ailleurs, comme certains services restent indisponibles ou restreints, il y a un report sur d’autres dépenses. L’écart entre les dépenses en biens et en services se creuse depuis le printemps dernier (graphe). La consommation de services formant les deux tiers du total, l’effet net est négatif. D’où la hausse de l’épargne. En 2020, l’excédent d’épargne a atteint environ 8% du PIB. Il va encore s’accroître avec l’arrivée des chèques de secours du plan de décembre et du prochain plan en préparation. S’il fallait une preuve que ces mesures d’assistance agissent sans délai, on l’a. Le rythme de la reprise économique avait baissé au T4 en lien avec la dégradation de la crise sanitaire, faisant craindre que la faiblesse se prolonge au T1. Ce n’est pas le cas. La vague d’infections reflue de manière étonnamment rapide tandis que l’activité et la demande se renforcent. Cela va conforter l’amélioration des perspectives de croissance. L’administration démocrate est peu convaincue que la surchauffe est une réelle menace tant le chômage reste élevé. Il n’y a pas de quoi renoncer à étendre les mesures de soutien budgétaire. Le véritable test de leur efficacité se fera au T2 et T3 lorsque les ménages auront la possibilité d’acheter les services dont ils sont largement privés depuis un an (restauration, divertissement, voyages).

Economie

En janvier, les ventes ont détail ont bondi de 5.3%. Il suffit de rappeler quels étaient les précédents records en mai 2020 (-18.3%), juin 2020 (+8.6%), ou octobre 2001(+6.7%) pour voir que de telles variations sont dues à des distorsions ponctuelles. Donnez de l’argent à un consommateur, il le dépense, c’est sa fonction économique. Toutes les catégories ont profité du sursaut. Dans certains cas (ventes en ligne, restaurants), cela ne fait qu’effacer la baisse en novembre et décembre. A noter aussi que la correction des variations saisonnières est certainement moins précise que d’ordinaire après la pandémie. Les indices approximant les dépenses par l’utilisation quotidienne des cartes bancaires (Chase, BEA) laissaient attendre une accélération début janvier mais le mouvement s’est depuis stabilisé.

En janvier, la production industrielle a augmenté de 1% m/m, dans la continuité de la tendance des six derniers mois. L’écart au niveau pré-pandémie continue de se réduire (moins de 1% pour le secteur manufacturier). Les premières enquêtes de sentiment pour février (New York, Philadelphie) sont restées fermement ancrées en zone d’expansion. Toutefois, les tempêtes hivernales particulièrement fortes des derniers jours ont causé de graves perturbations, dont la fermeture de nombreuses installations pétrolières au Texas. Cela pèsera lourdement sur les chiffres d’activité le mois prochain. Les permis de construire ont prolongé leur progression en janvier (+3.8% dans le secteur des maisons individuelles) et l’indice NAHB du moral des constructeurs de maisons a progressé d’un point à 84 en février, proche de son pic récent (90 en novembre).

Politique monétaire et budgétaire

Rien de vraiment neuf dans les minutes de la réunion du FOMC du 26-27 janvier. Même en cherchant attentivement, on n’y trouve aucune expression de crainte de voir l’inflation s’emballer. Il est admis que le taux d’inflation va connaître un sursaut pour des raisons ponctuelles. Plusieurs membres du FOMC s’attendent à ce que l’inflation PCE (en général un peu plus basse que l’inflation CPI) dépasse 2% durant le printemps. La remontée des anticipations d’inflation est jugée cohérente avec une inflation un peu plus forte et non pas vue comme le signe d’un dérapage. La Fed pense que l’économie reste éloignée des cibles d’emploi et d’inflation et que de nombreux risques entourent le scénario de reprise. Le débat sur le tapering est clos pour l’instant, au moins jusqu’à l’été selon nous.

Prévisions du consensus : US vs UEM

A suivre cette semaine

Au calendrier des publications des jours à venir, plusieurs rapports permettront de compléter l’examen de la situation des ménages: leur confiance (enquêtes du Conference Board, le 23 et de l’Université du Michigan le 26), la répartition de leur revenu disponible entre consommation et épargne (le 26), la valorisation de leur actifs immobiliers (indices des prix des maisons FHFA et S&P/Case-Shiller, le 23). La deuxième estimation des comptes nationaux devrait confirmer la croissance du PIB réel au voisinage de 4% t/t en rythme annualisé au T4 (le 25).

Vaccination contre le coronavirus : US vs UEM

Ces derniers mois, les prévisionnistes ont un peu revu à la hausse leurs prévisions de croissance du PIB pour 2021 et 2022, à rebours de l’Europe (graphe du haut).

Deux raisons possibles. Primo, l’écart de politique budgétaire. Côté américain, on se demande si la politique n’est pas trop stimulante (Focus-US du 15 février: « Faut-il craindre ou désirer la surchauffe? »). Côté européen, on en est encore à s’inquiéter du niveau de dette publique. Secundo, l’écart dans le déploiement des vaccins (graphe du bas).

 

Sources : Thomson Reuters, Bloomberg, Consensus Inc, Oddo BHF Securities