Jusqu’en novembre inclus, l’activité économique aux Etats-Unis a progressé, malgré l’amplification de la vague épidémique. Les indices de climat des affaires peuvent même être jugés étonnamment élevés. A moins d’une rechute violente en décembre, la croissance du PIB devrait être modestement positive au T4 2020. La reprise des discussions pour une rallonge budgétaire est bienvenue, mais rien n’est encore acquis. Sans cela, l’expiration de mesures d’aide créera un trou d’air. La situation présente reste fragile, avec des risques plutôt baissiers. Le retour à la normale reste dépendant du vaccin, et n’est pas prévu avant la mi-2021.

Focus US par Bruno Cavalier, Chef Economiste et Fabien Bossy, Economiste

 

US : indice agrégé de confiance

Ces dernières semaines, la troisième vague épidémique a pris beaucoup d’ampleur. Le nombre de nouveaux cas a dépassé ses précédents records, autour de 200.000 par jour dernièrement. Le nombre de décès augmente, dépassant le pic de la vague de cet été et s’approchant du pic du printemps. En attendant qu’un vaccin soit largement distribué, cette situation est propice à peser sur l’activité, voire à causer une rupture de tendance. Pour l’instant toutefois, les données économiques suggèrent que l’activité et la demande sont toujours dans un schéma de reprise. Presque tous les indices de confiance pour novembre sont connus désormais. Il faut une loupe pour repérer un léger infléchissement par rapport à octobre (graphe). Le niveau absolu est largement en zone d’expansion.

US : indice des dépenses en cartes de crédit

A ce jour, peu de données « dures » ont été publiées. Les ventes de véhicules ont fléchi mais leur niveau dépasse toujours leur niveau moyen du T3. Le Livre Beige ne signale pas de baisse d’activité, mais au pire une stagnation dans certaines régions, surtout le centre du pays qui est actuellement le plus touché par la vague épidémique. Les transactions par cartes de crédit qui sont un proxy de la consommation ne montrent pas de faiblesse soudaine, ni dans les données hebdomadaires publiées par le BEA (graphe), ni dans l’indice quotidien de Chase-JPMorgan.

Au T3 2020, le PIB était en moyenne 4% sous son niveau pré-crise. Sur la base des données disponibles, on estime qu’il y a eu un gain d’environ 2 points sur octobre-novembre. Cela devrait suffire à sauver le T4, à moins d’une chute brutale en décembre. Les prochaines semaines s’annoncent délicates car des mesures ayant permis d’amortir le choc plus tôt dans l’année arrivent à échéance au 31 décembre. Il s’agit du moratoire sur les saisies de logements et les expulsions, ainsi que de la fin de programmes d’aides aux chômeurs. Les discussions budgétaires ont repris ces derniers jours, semble-t-il avec sérieux. L’objectif est de faire le pont, d’abord jusqu’à l’arrivée de la nouvelle administration favorable à une forte relance budgétaire, ensuite jusqu’à ce que la campagne de vaccination puisse mettre un terme à la crise du virus. Selon Anthony Fauci, que Joe Biden va reconduire comme chef de la cellule de crise anti-virus, l’horizon raisonnable pour cela, c’est la fin de l’été 2021.

Economie

Si l’on ne savait rien d’autre de l’économie US que ce qu’en disent les enquêtes de climat des affaires, on ne se douterait pas que les Etats-Unis sont en pleine vague de pandémie, qu’ils connaissent une transition politique compliquée et que le Congrès a discuté en vain depuis quatre mois d’une relance budgétaire (voir infra pour les derniers développements). Les indices PMI/ISM sont à des niveaux élevés en novembre, bien au-dessus de leur niveau d’il y a un an (tableau).

Le Livre Beige recense les conditions économiques jusqu’au 20 novembre. Dans la plupart des districts de la Fed, l’activité est décrite en croissance « modeste ou modérée ». A Philadelphie, New York, et les régions du midwest, l’activité est quasi-stagnante après avoir ralenti suite à l’accélération de la vague pandémique. Les entreprises sont optimistes mais un peu moins qu’au début de l’automne. L’emploi a continué sa hausse dans la majorité des districts mais faiblement. La fermeture des écoles et les restrictions sanitaires affectent la disponibilité des travailleurs, ce qui provoque parfois des tensions sur les salaires (dans l’ensemble, les gains sont modérés). Les entreprises indiquent s’attendre à une baisse de l’emploi durant l’hiver et à un rebond ensuite.

Au 28 novembre, les inscriptions au chômage ont baissé après deux semaines de hausse. Le Government Accountability Office rappelle que cette statistique doit être analysée avec prudence, chaque chômeur pouvant faire des demandes répétées. Mieux vaut suivre le nombre total de personnes recevant des allocations qui s’élève à 20.2M de personnes, en recul de 1.4M sur quatre semaines. Sur ce total, 13.6M relèvent de programmes spécifiques à la pandémie (PUA pour les indépendants, PUEC pour les personnes ayant épuisé leurs droits). Ces deux programmes sont censés s’arrêter à la fin de cette année.

En octobre, l’indice des promesses de vente de maisons a baissé pour le deuxième mois de suite (-1.1% m/m, -2% en septembre). Sur un an, la hausse est de 20% environ. A ce rythme, il n’est pas étonnant d’avoir atteint une sorte de plateau. Le secteur résidentiel continue de tirer à lui seul les dépenses de construction (+1.3% m/m en octobre) alors que le segment non-résidentiel est à plat.

Politique monétaire et budgétaire

Lors d’une audition devant un comité du Sénat, le 1er décembre, Jerome Powell a reconnu que les informations récentes au sujet des vaccins étaient très positives à moyen terme, mais que l’horizon des prochains mois restait dominé par les risques baissiers pour l’activité du fait de la nouvelle vague de l’épidémie. En somme, un discours rappelant aux membres du Congrès que ces risques seraient atténués par de nouvelles mesures budgétaires. Dans la même audition, Steven Mnuchin a encouragé le Congrès à utiliser les 455Md$ de fonds inutilisés au titre du CARES Act pour un nouveau plan de relance.

Le Sénat a confirmé Christopher Waller comme membre du Board de la Fed.

A suivre cette semaine

Après de nombreuses interventions ces derniers jours, les officiels de la Fed vont entrer dans leur période de silence avant leur réunion du 16 décembre (qui donnera aussi les nouvelles projections économiques des membres du FOMC). Au plan statistique, les prochains jours seront marqués par les données d’inflation du CPI pour novembre (le 10) et la première estimation de la confiance des ménages au début décembre (indice de l’Université du Michigan le 11).

Le 11 décembre marque la date d’expiration des autorisations de dépense fédérale adoptées fin septembre. Sans prolongation, il y aurait un government shutdown, ce que bien entendu personne ne souhaite au Congrès. Une extension de quelques semaines est assurée mais il reste à voir si peuvent s’y ajouter des mesures de lutte contre la crise du coronavirus. Le 1er décembre, les discussions à ce sujet ont repris formellement entre Nancy Pelosi et Steven Mnuchin pour la première fois depuis les élections. Un groupe de membres du Congrès appartenant aux deux partis a fait une proposition à 908Md$, mais Mitch McConnell, le chef de la majorité républicaine au Sénat, n’a pas encore montré de signes d’ouverture à un accord. Etendre les mesures de soutien aux chômeurs et aux entreprises (via le Paycheck Protection Program) est une priorité admise par les deux camps, mais ce n’est pas le cas concernant les aides aux villes et collectivités locales.

 

Sources : BEA, Thomson Reuters, Bloomberg, Oddo BHF Securities