Que peut-on écrire sur l’économie US que l’évolution vertigineuse des marchés de capitaux ne rende pas rapidement obsolète ? C’est peu dire que les marchés anticipent une récession. A vrai dire, si on tente d’imaginer quelle situation "justifierait" certaines variables financières, par ex. le niveau des taux longs, c’est même plutôt l’image d’une décennie de stagnation et/ou de déflation qui vient à l’esprit. N’est-ce pas absurde ? Le coronavirus peut stopper l’économie, on l’a vu en Chine. L’Italie en fait l’expérience et peut-être demain les États-Unis. Mais si l’épidémie s’en trouve maîtrisée, le potentiel de rebond est considérable.

Focus US par Bruno Cavalier, Chef Economiste et Fabien Bossy, Economiste

US : marché des actions

Récession, le mot est lâché une nouvelle fois. C’est une crainte qui avait déjà surgi en 2015 au moment du contre-choc pétrolier, puis à nouveau l’été dernier, quand la guerre commerciale US-Chine s’est d’un coup intensifiée1. À chaque fois, elle s’est révélée infondée. Aujourd’hui, l’économie US subit la déstabilisation du marché pétrolier (choc sur le secteur du shale), la déstabilisation de la Chine (choc sur les chaînes de production), une crise sanitaire majeure (choc sur la confiance) et, pour corser un peu plus le problème, des marchés financiers en panique (choc sur la richesse). Le verdict semble facile à rendre, d’autant que les références historiques sont aussi sans appel. Il est fréquent que les épisodes de bear market boursiers soient suivis à brève échéance d’une récession (graphe). Il y a tout de même l’exception du krach de 1987 sans récession ultérieure et l’éclatement de la bulle internet en 2000 qui n’a causé qu’une récession modeste, quasi imperceptible pour le consommateur.

US : marché du crédit high yield

Récession est un mot qui recouvre des réalités bien différentes. Les récessions se distinguent les unes des autres par leur durée, leur sévérité ou le type d’ajustement qu’elles engendrent. La dernière en date (décembre 2007-juin 2009) était à la fois longue, extrêmement sévère, avec des purges de bilan durant plusieurs années tant la bulle de crédit hypothécaire était grosse. Mais actuellement il n’y a pas de fragilité d’endettement du côté des ménages. C’est plutôt l’endettement des entreprises qui est à risque. C’est le point à surveiller, surtout si le durcissement des conditions de crédit observé ces derniers jours devait s’amplifier (graphe). N’oublions pas non plus l’origine du choc. Pour contenir l’épidémie, il est semble-t-il inévitable de mettre à l’arrêt notre vie en société pour quelques semaines. C’est un coût inévitable (impossible à chiffrer à ce stade), mais c’est pour un bien futur: celui de surmonter la crise sanitaire, et permettre la remise en marche de l’économie. Si la perturbation est de courte durée, ce qu’on ne peut exclure, il n’y aura pas de récession.

A suivre cette semaine

Le FOMC se réunit le 18 mars, quinze jours seulement après une baisse des taux directeurs de 50bp votée à l’unanimité lors d’une réunion d’urgence. Une autre baisse de 50bp est majoritairement attendue, soit une fourchette de 0.5-0.75%.

Parmi les publications notables figurent les premières enquêtes manufacturières de mars, dans les districts de New York (16 mars) et Philadelphie (le 19). Tout suggère que le sentiment s’est largement dégradé en quelques semaines. Ainsi, sur la période du 22 février au 5 mars, l’ISM a interrogé 628 entreprises, autant dans l’industrie que les services, d’où il ressort que 75% ont vu leur chaîne de production perturbées par les restrictions de transport induites par le coronavirus. Les firmes ayant des opérations en Chine ont indiqué que 50% de leur capacité était utilisée. Les autres statistiques (ventes au détail, production industrielle, mises en chantier de maisons) portent sur février, et ne peuvent rien nous dire sur l’ampleur de l’impact économique. Au plus tôt, cela commencera à être visible en mars. Les inscriptions au chômage et l’enquête Bloomberg sur le sentiment des ménages sont actuellement les données à haute fréquence (hebdo) à suivre pour voir à quelle vitesse la situation économique est en train de se modifier.

 

Sources : Bloomberg, Oddo BHF Securities


1. Voir Flash éco du 22 août 2019, « Phobie de la récession, peut-on s’en guérir ? »