En 2019, les marchés devraient graduellement passer à un régime de volatilité de plus en plus élevé.

Michel Dominicé, Dominicé & Co – AM

Comme on pouvait s’y attendre, 2018 a marqué un retour de la volatilité, après une année 2017 exceptionnellement basse. Elle s’est établie pour le S&P 500 à un peu plus de 15% de janvier à novembre dernier, au niveau de sa moyenne historique. Ces variations d’une année à l’autre montrent que la volatilité suit cahin-caha un cycle. A court terme, sa hausse crée de l’angoisse et provoque des petites chutes de la bourse qui s’inversent dès qu’elle revient à son point de départ. Son cycle ne provient cependant pas de ce phénomène.

Il s’inscrit sur une durée de plusieurs années et s’explique par le fait qu’à moyen terme, la persistance d’une volatilité haute ou basse entraîne une modification durable de la perception de risque que les investisseurs se forgent à l’égard des actions. Elle influence donc fortement leur allocation stratégique à cette classe d’actifs. Cette perception est aussi influencée par la performance des actions pendant les dernières années. C’est pourquoi, une crise boursière accompagnée de forte volatilité propulse tout d’abord les actions à des niveaux excessivement bas, niveaux dont la bourse mettra des années à se relever en raison de l’inertie des allocations stratégiques fixées par les institutions financières.

Plusieurs années de succès boursiers et de volatilité modérée finissent par retirer toute inhibition que les investisseurs peuvent avoir à l’égard des actions.

A l’inverse, plusieurs années de succès boursiers et de volatilité modérée finissent par retirer toute inhibition que les investisseurs peuvent avoir à l’égard des actions. Elles risquent ainsi de propulser les marchés à des niveaux exagérément élevés. Ce grand mouvement de balancier est induit aussi par les politiques macro-économiques de stimulation permanente qui poussent les économies et les marchés financiers vers les excès.

Dés lors, à quoi doit-on s’attendre en 2019?

Dans un premier scénario, après la période actuelle de volatilité accrue la confiance se rétablit dans les bourses. Elle est renforcée sans doute par quelques nouvelles rassurantes du côté des résultats des entreprises, voire par quelque message accommodant de banques centrales qui tempèrent leurs hausses de taux. Si aucune mauvaise surprise ne vient entacher le tableau pendant ces prochaines semaines, le retour vers le calme peut être assez rapide. Il ne devrait cependant qu’être temporaire et relatif car le cycle économique et boursier étant assez avancé, les causes fondamentales de la volatilité – évaluations généreuses et politique monétaire restrictive – devraient se manifester rapidement en 2019. Il est donc presque inévitable que la volatilité augmente à moyen terme, même en cas de reprise ces prochains mois de la hausse de la bourse.

Il est presque inévitable que la volatilité augmente à moyen terme, même en cas de reprise ces prochains mois de la hausse de la bourse.

Le deuxième scénario correspond à une crise majeure. Dans cette hypothèse, la hausse boursière longue de plusieurs années serait arrivée à son terme et laisserait la place à une baisse importante pour 2019, et 2020 éventuellement. Lorsque les analystes se focalisent sur les résultats attendus des entreprises et sur leur évaluation, ils sous-estiment souvent le caractère destructeur qu’une crise financière peut avoir sur l’ensemble du tissu économique. Les crises économiques qui accompagnent souvent les chutes des marchés entraînent aussi une volatilité très élevée car les hypothèses sur lesquelles reposent toutes les projections économiques sont constamment remises en question.

Nous penchons pour le premier scénario. En effet, les marchés financiers ne présentent pas à ce stade d’excès d’évaluations majeurs ou de niveau d’endettement insoutenable. Nous attendons dès lors que la banque centrale américaine, soumise comme d’habitude à des pressions politiques intenses pour stimuler le système, ralentisse la normalisation de sa politique pour 2019. De ce fait, autant conserver une allocation importante aux actions. En Europe, un même constat peut être établi : la performance des actions a été si faible ces dernières années que les évaluations sont restées assez modestes. On ne saurait attendre une correction plus sévère que celle qui s’est déjà produite en 2018.

Cette opinion globalement positive pour les marchés ne doit pas faire perdre de vue que des risques significatifs pèsent sur le système. Le premier d’entre eux est la croissance incontrôlée de l’endettement public dans de nombreux pays. La situation de l’Italie est la plus inquiétante. Elle mérite une attention particulière car l’effondrement de la dette Italienne entraînerait une crise financière très importante, accompagnée sans doute de très forte volatilité aussi bien sur les bourses que sur le marché des changes.

Un deuxième risque pourrait provenir d’une crise dans les marchés émergents dont les économies se sont souvent montrées plus sensibles même que celle des Etats-Unis à des hausses de taux d’intérêt sur le dollar. Enfin, le risque pourrait provenir de déceptions du côté des résultats des entreprises qui pourraient avoir du mal à maintenir le niveau exceptionnel de leurs marges, surtout en Amérique. En conclusion, nous attendons une reprise de la hausse des bourses pour 2019, mais les marchés devraient graduellement passer à un régime de volatilité de plus en plus élevé.

 

Cet article a été publié initialement dans le magazine SPHERE (N°12 – Janvier/Mars 2019)