L’incertitude est élevée (Trump aidant), et cela pèse incontestablement sur le climat des affaires aux Etats-Unis et l’appétit pour le risque des investisseurs. L’investissement productif tend à ralentir. Toutefois, la croissance du PIB réel résiste bien du fait de la vigueur de la consommation. Les ménages voient leurs revenus et leur richesse augmenter, tandis que le coût de leur dette hypothécaire baisse. Leur endettement ne paraît pas excessif et leur taux d’épargne est élevé. Historiquement, il faut un choc inflationniste pour faire dérailler les dépenses des ménages. On ne voit rien de tel se profiler à l’horizon.

Par Bruno Cavalier, Chef Economiste et Fabien Bossy, Economiste

 

US : revenus du travail

Depuis 2010, la consommation des ménages US a expliqué près de 80% de la hausse du PIB réel. Il est donc difficile d’imaginer une forte décélération de la croissance, et à plus forte raison une contraction de l’activité (récession), si les dépenses des ménages ne s’affaissent pas. Quand on passe en revue les divers facteurs qui influencent la consommation des ménages, on a peu de craintes allant dans ce sens.

Les revenus du travail progressent à un bon rythme (graphe du haut). La modération visible sur les derniers mois traduit le freinage du nombre des heures travaillés et le plafonnement des gains salariaux au voisinage de 3% par an.

Les effets de richesse restent positifs (graphe du bas). Au T4 2018, la richesse des ménages avait lourdement chuté sous le coup de la correction du marché boursier (-20% pic/creux). Cela a pu expliquer en partie la faiblesse ponctuelle des dépenses, dans un contexte marqué par l’approche du shutdown. Après avoir effacé son déclin, l’indice S&P500 évolue sans grande tendance depuis avril. Tout aussi important, sinon plus, les prix immobiliers s’affichent toujours en progression.

US : richesse des ménages

La hausse du prix des maisons individuelles a continué de se modérer jusqu’à la mi-année. En juin, l’indice FHFA était en hausse de 4.8% sur un an, vs 5.9% à la fin 2018. Le ralentissement était plus net selon l’indice national Case-Shiller, avec un gain annuel à 3.1%, vs 4.6% en décembre dernier. Sur les 20 principales métropoles, on recense une baisse des prix dans une seule, Seattle, avec un repli de 1.3% sur un an. En 2016, 2017 et la majeure partie de 2018, la hausse des prix dans cette ville était à deux chiffres et avait un caractère de spéculation évident.

La correction est en partie un effet collatéral de la guerre tarifaire US-Chine. Avant ces tensions, la demande chinoise pour l’immobilier US sur la côte ouest était très forte, surtout à Seattle (où elle était accentuée par un effet de report après des mesures de restriction contre les investisseurs étrangers prises à Vancouver, au Canada, qui n’est qu’à 200km au nord). La baisse de la devise chinoise et la dégradation des relations sino-américaines ont pu contribuer à la correction observée. Ajoutons que la réforme fiscale de 2017, qui a réduit certains avantages sur l’immobilier, a aussi eu un effet modérateur sur les prix des maisons en Californie. A ce stade, il n’y a pas lieu d’assimiler la modération des prix de l’immobilier à la correction qui avait précédé la précédente récession. L’endettement hypothécaire des ménages est bien plus faible aujourd’hui (45% du PIB) qu’au début de la dernière crise immobilière (62% fin 2007).

Le coût de la dette diminue rapidement, notamment sur le segment hypothécaire, au point qu’on constate une envolée des renégociations. Dans un rapport récent, Black Knight, une société financière spécialisée sur l’immobilier, estimait que plus de 10 millions de foyers pourraient maintenant refinancer leurs prêts et obtenir ainsi une baisse de plus de 75pb de leurs taux d’emprunt. En régime de croisière, cela donnerait un gain de pouvoir d’achat allant jusqu’à 0.2pts de PIB.

La confiance et le taux d’épargne sont élevés. Il est certain que les ménages sont moins exposés que les entreprises aux incertitudes et perturbations venant des frictions commerciales. Leur optimisme tient avant tout aux bonnes conditions d’emploi. Au regard des standards historiques, leur comportement ne paraît pas exubérant. Après la dernière révision des comptes nationaux, le taux d’épargne s’établit à 8.3% en 2019, vs 7.3% sur la période post crise.

A suivre cette semaine

Les « gros » chiffres du mois vont se succéder: ISM manufacturier (3 septembre) et non-manufacturier (5), données d’emploi, de chômage et de salaires (6). Après le repli de l’indice PMI-manufacturier juste au-dessous du seuil critique (à 49.9), l’intérêt pour l’enquête ISM est décuplé (51.2pts le mois dernier). Le rythme des créations d’emploi est attendu à 165.000 (moyenne ytd =165.000).

 

Sources : Thomson Reuters, Oddo BHF Securities