Entretien avec Catherine Yeung, Investment Director chez Fidelity International et spécialiste des marchés asiatiques.

Réélu en octobre 2017 à la tête du Parti Communiste Chinois pour une durée de 5 ans, le président Xi Jinping a dorénavant les coudées franches pour continuer d’implémenter son programme de réformes.

Un programme ambitieux qui vise à donner à la Chine une place de premier plan sur la scène mondiale, tant au niveau politique qu’économique. Après avoir été durant de longues années «l’usine du monde» et avoir basé son économie sur une croissance à tout prix, la Chine entame désormais un virage plus qualitatif.

Catherine Yeung

Tout le monde se rappelle les images de la pollution de l’air dans les mégapoles chinoises l’été dernier. L’environnement mis à mal par l’industrialisation du pays est dorénavant considéré comme un risque majeur face auquel le gouvernement doit absolument prendre une série de mesures. Les secteurs concernés, tels l’acier, le charbon ou le ciment devront réduire leur surcapacité et investir massivement afin de mettre à niveau l’outil de production en adoptant de nouvelles technologies plus propres, qui rendront également le pays moins dépendant des énergies fossiles.

L’innovation est d’ailleurs au centre du programme «Made in China 2025» qui vise à développer prioritairement les domaines des nouvelle technologies de l’information, la robotique, les transports (aérospatial, aéronautique, maritime et ferroviaire), les véhicules et équipements basés sur les énergies renouvelables, les nouveaux matériaux ou encore la biopharma et les produits médicaux de nouvelle génération. Cette course à l’innovation se reflète d’ailleurs depuis quelques années dans le classement relatif au nombre de brevets déposés par pays, où la Chine occupe la première place. China Patent Agent, un des plus grands bureaux de Hong Kong spécialisé dans la propriété intellectuelle en Chine, vient d’ailleurs de s’implanter à Genève.

La montée en gamme et donc dans la chaîne de valeur est un but stratégique du programme chinois mais n’oublions pas que la technologie a déjà contribué à plus du tiers du PIB en 2017. Par ailleurs, des entreprises chinoises sont actuellement leaders au niveau mondial dans certains secteurs technologiques de pointe comme les drones ou la reconnaissance faciale, plus facile à mettre en œuvre dans un pays accordant une moindre importance à la protection de la sphère privée, il faut bien le reconnaitre.

Cette montée en gamme de la production chinoise est soutenue par un vivier local de cerveaux puisqu’un nombre croissant de jeunes Chinois sortent chaque année diplômés des universités et – vu leur nombre – constituent toujours une force de travail bon marché pour les entreprises. Ces jeunes constituent également la base d’une classe moyenne en plein essor, adepte du e-commerce mais qui favorise de plus en plus les marques nationales. Ces jeunes contribuent également au développement du secteur de l’épargne pension, qui est également un des axes de développement voulu par le gouvernement.

Le développement de l’épargne s’accompagne nécessairement d’une information de la population qui ne doit plus considérer les marchés boursiers comme un grand casino mais comme un moyen de se constituer un patrimoine à plus long terme. L’industrie de la gestion d’actifs connait ainsi une forte croissance en Chine et les jeunes analystes se font rapidement débaucher par une société concurrente en manque d’effectifs pour gérer les montants à investir. Des flux de capitaux qui devraient logiquement amener un soutien au marché dans les années à venir.

Reste que ce type de développement n’est envisageable que si l’ensemble de l’environnement financier y est propice. La réglementation est donc adaptée afin de favoriser la transparence et les organes de contrôle ont été fusionnés afin d’augmenter leur efficacité dans la lutte contre la corruption. Les investisseurs minoritaires sont aussi mieux traités et les sociétés communiquent mieux et mettent en place des politiques de distribution de dividendes. La qualité de la croissance – plutôt que son niveau absolu – devra dorénavant être prise en compte et, contre toute attentes, le marché chinois peut également être vu sous l’angle du rendement et pas seulement du gain en capital, malgré que le dernier rallye ait été tiré par quelques grands noms de la technologie.

Le marché des capitaux a également connu une révolution à travers le système Stock Connect, une passerelle transfrontalière reliant les bourses de Shanghai et de Hong Kong. Le Southbound Trading Link permettant aux investisseurs de Chine continentale d’investir dans des sociétés chinoises cotées à Hong Kong et le Northbound Trading Link permettant aux investisseurs internationaux d’investir dans des actions A chinoises cotées sur les bourses de Shanghai et de Shenzhen. L’accès aux A shares comprenant nombre de plus petites sociétés se traitant avec une décote offre ainsi une excellente diversification par rapport aux grosses capitalisations listées à Hong Kong. Sans parler de l’énorme impact qu’aurait à terme l’inclusion des A shares à leur pondération effective dans les indices MSCI.

Cette ouverture du marché des capitaux devrait permettre une réallocation vers des sociétés plus performantes, au détriment des conglomérats contrôlés par l’Etat. Ce mouvement devrait aussi s’accompagner d’une meilleure qualité des données économiques, tous ces efforts ayant pour but de changer la perception qu’ont encore les investisseurs du marché chinois.

 

source des graphiques : Fidelity International