Depuis que Trump n’est plus en guerre avec personne, les marchés ne font plus rien en tant que marchés, en tant qu’entité globale, mais c’est à l’intérieur que ça se passe. On l’avait annoncé, la période des publications trimestrielles, sera la clé de ce mois d’avril et peut-être du début du mois de mai et de son célèbre « Sell in may and go away » que l’on n’a pas encore vu dans les médias. Ce qui est limite inquiétant à dix jours de l’ouverture officielle des hostilités boursières.

L’Audio du 20 avril 2018

Tout d’abord, une fois n’est pas coutume, parlons de l’Europe. L’Europe – vous le savez – a le gros avantage (ou pas), de se trouver entre l’Asie et les USA dans l’axe de rotation de la Terre, ce qui fait que le soleil se lève plus tôt à Paris qu’à New York et ça, peu importe la saison, peu importe l’année.

On dit que l’avenir appartient ceux qui se lèvent tôt, mais là, ça n’a rien à voir, c’est juste qu’on n’est pas dans le même fuseau horaire. Ce n’est pas que c’est un avantage ou un inconvénient, c’est juste « comme ça ».

Toujours est-il que des fois, en finance et en Europe, on ne sait pas trop ce que l’on doit faire en fin de séance, parce que nous sommes tous conscients que quand nous, Européens, (je parle au niveau « Continental », parce qu’au niveau frontières, NOUS ON est Suisses, debleu)… Donc nous, Européens, nous savons tous que lorsqu’on rentre à la maison, on laisse les clés du bureaux aux Américains et que eux, le centre du monde boursier, peuvent nous faire littéralement ce qu’ils veulent et quand on arrivera au bureau le lendemain matin on aura l’impression qu’on nous a retourné comme des crêpes.

Hier soir, quand les Européens sont rentrés à la maison, ils ont laissé des marchés en hausse, mais on sentait bien qu’ils avaient peur. Le DAX était même carrément en baisse, de 0% et pas grand-chose, mais en baisse quand même.

Mais il faut dire qu’une fois n’est pas coutume, l’Europe a passé la séance à se regarder le nombril. Pas parce que le trader européen est égocentrique et égoïste, NON, simplement parce qu’il y avait un paquet de chose à analyser en Europe et que c’est pas tous les jours.

Tout d’abord ça bougeait au niveau de l’Euro. L’Euro/Dollar a eu un coup de faiblesse juste avant midi et, alors que l’on supposait qu’il pouvait éventuellement peut-être « casser à la hausse », la monnaie a refusé les 1.24 et s’est effondrée jusque dans les bas 1.23. Mais ce qu’il faut surtout retenir c’est l’Euro/Suisse qui est brièvement retourné au-dessus des 1.20… Près de 3 ans après que la BNS ait supprimé le plancher technique des 1.20, voici que nous sommes parvenus à y retourner, sans l’aide de la BNS (ne pas rire au sujet de cette affirmation), la BNS n’a plus fait office de régulateur monétaire depuis 3 ans et la monnaie est remontée toute seule sans l’aide de personne (garder son sérieux, garder son sérieux, garder son sérieux), tout ça parce que l’économie suisse va trop bien et que nos Conseillers Fédéraux sont trop cool, surtout Parmelin.

Ensuite on a regardé les nouvelles individuelles. Alors tout d’abord on aime bien les titres pétroliers dans le monde entier, la hausse récente du baril n’y est sans doute pas étrangère, les titres du secteur étaient en hausse hier et pas qu’en Europe, c’était une constante mondiale. Pourtant le baril revenait un poil, mais sur les 3 dernières semaines, il n’y avait pas photo. Ce matin le brut vaut 68.30$ et les « experts » pensent que ça va inévitablement à 70$, voir à 75$ – c’est un coup sûr – le même coup sûr que quand le baril devait aller à 20$ il y a deux ans. Je déteste de genre d’affirmation, c’est en général à ce moment que tout part en vrille.

Autrement on parlait beaucoup de Shire qui ne veut plus du take-over de la part de Takeda, du coup Allergan se présente comme remplaçant, c’est quand même chouette d’avoir les moyens de refuser 42 milliards. Publicis prenait 7% après avoir annoncé des chiffres trimestriels fabuleux, Unilever reculait après avoir raté son Q1 et Deutsche était « sous pression » parce que son COO s’en ira le mois prochain. Mais c’est dans le secteur du tabac que c’était le bain de sang, Philip Morris a complètement foiré son trimestre et le titre perdait 15% aux USA et ça faisait tache d’huile en Europe avec BAT qui cotisait par sympathie.

Voilà, les choses étaient rentrées dans l’ordre, l’Europe baissait à cause des Ricains, et dire qu’on avait presque eu l’impression que l’on était parvenu à s’émanciper l’espace de quelques heures.

Aux USA il y avait plusieurs axes qui dérangeaient au-delà des chiffres de Philip Morris. Non seulement le fabriquant de cigarettes était sous pression mais son frère siamois, Altria, qui fait du Nestlé s’est pris 6% dans les dents par sympathie. Quand on pense qu’à l’époque les pères fondateurs avaient coupé la poire en deux pour éviter que le business « alimentaire » soit contaminé par la clope… Eh ben, non ! quand la clope va mal, c’est tout le monde qui cotise, c’est un peu comme quand quelqu’un fume dans la même pièce. Y en a un qui fume, y a tout le monde qui en ramasse autant avec le nez qu’avec une pelle.

Mais en plus des clopes, il y avait d’autres sujets. Tout d’abord le rendement du 10 ans US qui remontait comme un bouchon de liège et qui fait que l’on se rapproche des niveaux du mois de février, jour fatidique où nous nous sommes rendus compte que dans la chaîne mathématique complexe qui nous permet de compter jusqu’à 3, à 2.96 on a (ENFIN) compris que si l’on rajoutait 0.4, nous allions arriver à 3.

Ce n’est pas toujours facile parce que c’est des fractions de chiffres et ça embrouille tout monde. Jusqu’au mois de février on avait les secret espoir que si on arrivait à 2.97% de rendement, ensuite on aurait 2.98%, puis 2.99% et ensuite on retournait à 2%, comme par magie.

En fait non.

Après 2.99% en montant, y a 3% et 3%, dans la croyance populaire, c’est le chiffre qui fait que les rats envahissent les villes, que les islamistes prennent le pouvoir et que la faille de San Andrea cède. On croit tous que l’économie va bien, que les oiseaux chantent et que la croissance est avec nous et puis tout à coup, à 3% tout s’arrête et on meurt dans d’atroces souffrances. Hier on s’est rappelé qu’à 2.92%, on se rapprochait dangereusement de la fin du monde parce que les 3% étaient à nouveau en ligne de mire.

Il y a une chose que l’on ne dit pas assez, c’est que la dernière fois que le 10 ans américain a franchi les 3%, les dinosaures ont disparus de la surface de la planète, alors forcément, ça fait peur.

Autre sujet de discorde de la séance d’hier, Taïwan Semiconductors Manufacturing qui donnait des perspectives d’avenir plutôt maussades. Le titre perdait 5%, mais c’est surtout la contagion qui pesait sur le moral. On a immédiatement fait l’amalgame en se disant que TSM peignait le diable sur la muraille, il est plus que probable que TOUT le secteur soit contaminé et que ça veuille dire que plus personne ne vendra de semi-conducteurs et si personne ne vend plus de semi-conducteurs, ça veut aussi dire qu’Apple ne vendront plus jamais d’iPhone où alors trois ou quatre par-ci par-là, pour les collectionneurs.

Du coup le secteur des semi-conducteurs dans son ensemble s’en est pris plein la « chips » et Apple a perdu près de 3%, tout comme Nvidia et le reste du club. Surtout que même Facebook veut se mettre à faire des semi-conducteurs et soudainement, tout le monde a peur.

Mais tout ne peut forcément aller mal partout, dans le secteur des bancaires c’était champagne à la louche, caviar au kilo et ortolans pour tout le monde après les chiffres canons d’American Express et de Bank of New York. Il y avait au moins des trucs cool qui se passaient dans le monde, ça et le fait que Manuel Vals ait déjà retrouvé une copine.

Le marché US finissait donc en baisse de 0.57% et valait mieux être une bancaire qu’une techno. Au cas où vous suivez l’or, il a reperdu les 7 dollars qu’il avait gagné la veille et se traite à 1345$. Le Bitcoin et l’ensemble des Cryptos sont en folie et tout remonte. Le Bitcoin qui représente 40% de la masse à lui tout seul est à 8329$.

L’Asie recule à cause des semi-conducteurs. Ça va de 0.2% de baisse à Tokyo, 0.4% à Hong Kong et 1.20% à Shanghai.

Dans les nouvelles que l’on regarde aujourd’hui, il y a le soulagement au sujet de l’enquête du super-flic Robert Mueller sur les liens entre la Russie et l’élection américaine. On a appris hier que Trump n’était pas concerné à ce point de l’enquête. Il aurait été élu suite aux manipulations de la Russie, supposant qu’il y en ait eu, mais il n’est pas concerné. Apparemment le FBI en est toujours à regarder si la mort de Marylin Monroe et l’assassinat de Kennedy sont liés à l’élection de Trump, alors le temps qu’ils arrivent en 2016, on a encore un peu de temps. Mais on sent un léger vent de soulagement à ce sujet.

Dans la foulée de cette enquête, Giuliani, ex-maire de New York a rejoint l’équipe d’avocats de Trump et il a déclaré qu’il allait régler cette histoire au plus vite. Comme il avait fait quand il était maire de New York. D’abord on tire et on pose les questions ensuite.

Et puis Qualcomm va couper les coûts en virant 4.4% de son staff. Armstrong va payer 5 millions de dollars pour éviter un procès. C’est beau l’Amérique. Si tu peux payer, non seulement tu vas pas en taule, mais en plus tu vas même pas au tribunal.

Pour le reste, c’est comme d’habitude ; pas de Tweets, pas de guerre économique. Pas d’armes chimiques, pas de bombardements en Syrie et donc il ne reste plus qu’à « scanner » les chiffres du trimestre, acheter les bancaires et shorter la techno. Côté chiffres du jour nous aurons GE, Gentex, Honeywell, Manpower, Schlumberger, State Street et Waste Management pour les plus importants. En ce qui concerne les chiffres économiques, il n’y aura rien de valable. Concentrez vous plutôt sur les activités du week-end.

Pour le moment les futures sont légèrement en hausse et le soleil se lève sur un ciel immaculé, bon, hier j’ai cramé sur une terrasse, je remet ça et je vous souhaite une excellente journée et un très bon week-end !!!

Thomas Veillet
Investir.ch

“Whether You Think You Can Or Think You Can’t, You’re Right.” – Henry Ford