Se faire attaquer par un requin et l’inversion de la courbe des taux sont les deux choses qui peuvent faire paniquer un investisseur.

L’Audio du 25 mars 2019

Dans les deux cas, ce ne sont pas des situations que l’on rencontre fréquemment, elles ne sont pas toujours fatales, mais à chaque fois que l’on se retrouve face à l’une d’entre elle, on perd nos moyens et on se fait dessus.

Le Croque-Mitaine est de retour

Vendredi nous nous sommes donc retrouvés dans une de ces situations. Une de ces situations où l’on perd complètement ses moyens et en plus du fait que tout le monde nous dit qu’il faut tout vendre et que la fin est proche et que le « Black Friday » est de retour, nous sommes incapables de penser à autre chose qu’un immense mot en lettres géantes qui flashent au-dessus de nos têtes.

Un immense mot qui clignote en disant « RÉCESSION » à l’infini.

Tout de la faute à l’Europe

S’il faut chercher un coupable pour ce qui s’est passé, c’est bien du côté de l’Europe. Les chiffres économiques publiés vendredi dernier étaient tout simplement immondes et comme tout le monde a été TELLEMENT surpris, tout s’est écroulé et tout est parti à vau-l’eau.

Oui, parce qu’à voir tout ce que l’Europe nous a donné comme chiffres économiques ces derniers mois, on ne pouvait pas s’attendre à que ça aille mal. C’est étonnant.

Bilan tout pourri et pourtant

Compte tenu du fait que l’Italie est au bord du gouffre, tout comme l’Espagne. Que l’Allemagne baisse ses perspectives de croissance en n’attendant plus vraiment grand-chose, que la France… Bon, la France on ne peut rien dire parce que si on dit du mal du gouvernement c’est mal vu.

Mais disons que ça fait des mois que l’on nous montre que l’Europe est au bout du rouleau, par contre, vendredi dernier on a quand même été surpris

L’Allemagne à 0% (non, ce n’est pas un yaourt)

Dans la foulée des mauvais chiffres européens, le 10 ans allemand est passé en rendements négatifs. Il faut dire que c’est toujours assez agréable, en tant qu’investisseurs, lorsque vous prêtez de l’argent au gouvernement et que vous payez pour pouvoir le faire. En Suisse on a l’habitude depuis un moment, mais ce n’est pas une raison pour étendre le concept à l’Europe entière.

Dès le début de l’après-midi, alors que l’Europe était à feu et à sang, le rendement du 10 ans américain est donc passé en-dessous du rendement du trois mois américain. La coupe était pleine et la panique prenait le dessus. Un peu comme quelqu’un hurle « REQUIN-REQUIN » en sortant de l’eau à la plage.

Les questions après

Dans ce genre de moment, personne ne prend le temps de lui demander : « euh… cher ami, es-tu certain de ce que tu as vu ? Et quel type de requin était-ce ??? » – dans ces cas-là : tu cours et tu poses les questions après.

En finance, c’est pareil. On vend d’abord et on pose les questions après. On ne se demande pas si le signal d’inversion de la courbe est fiable, si la récession nous atteint la semaine qui suit ou dans l’heure qui suit. Ou si même ça marche à tous les coups. On vend et on se casse.

Bref rappel des faits

Vu que là on peut prendre un peu de recul, on va quand même essayer de se souvenir de quelques points essentiels, puisqu’au-delà de la furieuse envie de paniquer, il est peut-être bon de se souvenir que nous avons déjà eu une inversion de la courbe en décembre. Entre le 2 ans et le 10 ans.

Que nous nous sommes pété la gueule pour rebondir comme des lapins garenne à qui on aurait greffé une mémoire de poisson rouge. Et que trois mois plus tard on re-panique pour une inversion des la courbe entre le 3 mois et le 10 ans.

Efficace mais pas forcément basé sur le « timing »

Alors soit, c’est un signal qui vous assure presque certainement d’avoir une récession. C’est très rare et ça offre au moins la certitude qu’il y a au moins quelque chose d’exact dans la finance.

Le seul problème c’est le timing

En effet, statistiquement une inversion entre le 2 ans le 10 ans, nous donne la certitude de voir une récession d’ici un minimum de 9 mois et un maximum de 69 mois. La récession peut donc commencer entre le mois de septembre 2019 et le mois de septembre 2024….

C’est un peu comme si je vous dis que j’ai la certitude à 100% qu’il va pleuvoir dans les 5 années à venir.

J’aurais raison. J’aurais l’air con, mais j’aurais raison.

Mais là, c’est pas pareil – parce que c’est différent

En revanche, quand l’inversion se fait entre le 3 mois et le 10 ans, il paraît que c’est ENCORE plus certain que la certitude précédente – avant c’était déjà bien certain que nous aurons une récession, mais là c’est plus que certain. Je ne sais pas ce que ça représente la différence entre certain et VRAIMENT certain, mais ça fout les jetons.

Les statistiques sont un peu différentes que dans le premier cas. Dans le cas présent, la récession devrait arriver dans 311 jours. Pour autant que ce signal se répète plusieurs jours de suite. Lorsque l’inversion de la courbe 3 mois/10 ans se répète 10 jours de suite, la récession sera là dans « en moyenne dans 311 jours ». Au plus tôt dans 140 jours au plus tard dans 487 jours.

Ce n’est pas moi qui le dit, c’est les statistiques.

Source : Bianco Research

La fin était donc proche

Bref, vendredi c’était Black Friday, Vendredi Noir, l’horreur à nos portes. Notons tout de même au passage que le terme « Black Friday » est peut-être un peu galvaudé, puisque le Black Friday trouve ses origines dans la baisse du 24 septembre 1869 – jour où le marché de l’or s’est effondré.

Vendredi, nous on a perdu moins de 2% – il semble donc un peu présomptueux de comparer ce dernier vendredi avec le « Black Monday » de 1987 et le « Black Tuesday » de 1929.

Mais peu importe, il faut quand même faire vendre les journaux.

Le mal est fait

Quoi qu’il en soit, la courbe s’est inversée et ce matin les bourses asiatiques en prennent conscience. Le Japon se fait démonter de plus de 3% – parce que l’inversion de la courbe est plus forte en yen. À Hong Kong le marché recule de 1.8% et Shanghai baisse de 1.4%.

L’or est à 1315$ – ce dernier remonte puisque la fin est proche, pendant que le pétrole revient un peu à 58.60$, puisqu’il devrait souffrir massivement dans la récession majeure qui nous attend, une récession qui devrait donner l’impression que 1929 était un camp de vacances.

Trump est innocent

Dans les nouvelles du jour, on revient sur le rapport Mueller. Le fameux rapport qui devait mettre Trump à genoux et prouver qu’il y avait collusion entre lui et les Russes. En gros, c’est une montagne qui a accouché d’une souris. Trump est plus ou moins innocent, mis à part le fait qu’il s’entoure de tocards, mais même dans ce cas présent on ne peut pas dire grand-chose, puisque c’est juste que personne ne veut bosser avec lui.

Alors je ne suis pas certain que c’est ça qui a faire remonter le marché, mais une choses est sûre, ce n’est pas encore ça qui va entraîner sa destitution.

En vrac

Pour le reste, on va parler du BREXIT cette semaine. Comme toutes les semaines. Les Anglais vont tenter de mettre en pratique la maxime d’Einstein qui disait que La folie, c’est se comporter de la même manière et s’attendre à un résultat différent. Apple va présenter son concept pour s’attaquer à NetFlix et tous les autres produits de streaming tv. Mais on va surtout retenir le fait que le rendement du trois mois américain est passé au-dessus du 10 ans. Et ça, ça fout vraiment la trouille.

Pour ce qui est des chiffres économiques, il y aura les conditions de business en Allemagne et l’IFO, en Allemagne toujours. Alors hier l’Allemagne a battu la Hollande pour les éliminatoires de l’Euro de foot, mais il ne faut pas non plus s’attendre à des chiffres meilleurs… L’Europe va mal. Va falloir s’y faire.

Pour le moment les futures sont en baisse de 0.45% et on prend conscience de toutes le souffrances qui nous attendent dans les années à venir. Et ça fait pas plaisir.

En attendant, passez une bonne journée. Je vous souhaite un très bon début de semaine, sachant que la récession ne sera pas parmi nous avant 311 jours.

Thomas Veillet
Investir.ch

“You have enemies? Good. That means you’ve stood up for something, sometime in your life.”

Winston Churchill