C’est sûr, il n’y a pas de risque de formation sur le secteur de la technologie suisse qui regroupe à peine une vingtaine de valeurs pour quelques dizaines de milliards de francs de capitalisation, tout au plus. Un peu moins de 2% de l’indice SPI. En revanche, parmi ces Small Caps, il se cache quelques joyaux qui méritent quand même qu’on s’y intéresse.

Par Nicolas Vialis gérant des fonds Manavest Swiss Equity et Manavest US Blended Plus Equity pour Trillium

 

Dans un pays qui produit quand même des légions d’ingénieurs, il est parfois assez étonnant de constater que le secteur de la technologie est aussi peu représenté sur le marché des actions suisses. Aux Etats-Unis, la tech forme à peu près le quart du S&P500 alors qu’elle ne dépasse pas le seuil des 2% au sein de l’indice SPI, toujours aussi dominé par les pharmas, la conso, Nestlé oblige, et les financières. En tout et pour tout, elle compte une vingtaine d’entreprises très différentes. Les deux plus grosses sont des entreprises romandes assez connues, Temenos et Logitech. Temenos, la plus large capitalisation de la famille techno dépasse à peine les 10 milliards de francs. Quant à Logitech, elle dépasse tout juste les 5 milliards.

Sur le radar, elles apparaissent donc en très petit, à la différence des mastodontes du type FANG ou GAFA. Pourtant, les small caps suisses parviennent à s’inscrire dans leur lignée. Non ce n’est pas une ineptie mais une réalité. Revenons donc sur le cas de Temenos, leader dans les logiciels informatiques pour les banques. Elle propose des solutions aux banques de toute taille ainsi qu’aux gestionnaires d’actifs, à travers le monde, qui n’ont jamais eu autant besoin qu’aujourd’hui de moderniser leur logiciel informatique de gestion et de lui ajouter quelques périphériques. Cette transition est un processus très important, long et coûteux pour ces institutions financières, marché sur lequel Temenos a parfaitement réussi à se positionner.

Quant à Logitech, c’est une entreprise qui a vécu une transformation profonde. Après avoir vécu une longue traversée du désert entre 2008 et 2013, au point où l’on a craint pour sa survie, le management a été renouvelé. Le nouveau CEO, Bracken Darrell, est arrivé après une carrière chez P&G et Whirlpool entre autres, entreprises phares dans le secteur de la consommation. Avec Darrell aux commandes, Logitech est passée du statut de fabricant standard qui vendait tant bien que mal des périphériques informatiques, principalement des souris, à une entreprise de pointe qui rassemble de nombreuses marques spécialistes dans leur segment.

Se rendant compte que le consommateur assimilait Logitech aux souris et rien d’autre, le groupe a mis en place une stratégie de croissance basée sur le rachat de petites marques spécialisés. Il a fait par exemple l’acquisition d’Astro dans le gaming, ou d’Ultimate Ears et de Jaybird dans les petits hauts parleurs et casques audio, quitte à mettre la marque Logitech au second plan. Les ingénieurs sont toujours les mêmes que ceux de la période pré-Darrell mais les consommateurs se montrent désormais moins réticents vis-à-vis des produits. Le cours du titre traduit ce virage à succès. En l’espace de cinq ans, il est passé de 6 CHF à 38 CHF.

Dans le segment des Small Caps, il existe de nombreuses entreprises de qualité, souvent méconnues des investisseurs.

Au-delà de ces deux têtes de gondole, en termes relatifs, ce n’est pas nécessairement le néant qu’on peut imaginer. Dans le segment des Small Caps, il existe de nombreuses entreprises de qualité, souvent méconnues des investisseurs. Also est ainsi un important distributeur B2B de solutions informatiques et logistiques proposées en Europe. Ciblant les revendeurs professionnels, elle est leader en Allemagne, en Suisse, en Autriche. Certes plus proche du secteur consommateur, l’entreprise est de très bonne qualité et peut compter sur de très bons exécutifs.

AMS, pour sa part, est une entreprise proposant une gamme de solutions technologiques liées à l’IoT, l’internet des objets. Elle développe des capteurs intelligents, des MEMS pour microphone, des composantes pour annulation du bruit alentour. Elle est connue pour avoir un principal client de renom: Apple! C’est une opportunité mais aussi un risque, puisqu’elle est dépendante du développement du géant du Cupertino et victime collatérale de la guerre commerciale entre les Etats Unis et la Chine. U-Blox est un autre acteur important de l’IoT. Dans un marché très concurrentiel et qui évolue très vite, l’entreprise propose des puces de positionnement (GPS) à destination du secteur automobile mais également alimentaire pour suivre la chaîne du froid dans le transport de marchandises. On passe aux semi-conducteurs. Oui, ça existe aussi en Suisse. Inficon développe et manufacture différents instruments pour créer le vide et détecter des fuites de gaz. Ses composants sont utilisés par le ministère de la défense aux Etats-Unis, par la Chine et par plusieurs pays européens.

Toutes ces sociétés ont su dans un passé récent s’imposer en exploitant souvent une niche, et en se montrant aussi flexibles qu’inventives pour lutter entre autres contre la cherté du Franc suisse. Si elles sont souvent négligées par les investisseurs en raison de leur faible envergure, il n’en demeure pas moins qu’elles présentent selon les cycles d’excellentes opportunités.

 

Cet article a été publié initialement dans le magazine SPHERE (N°14 – Juillet/Septembre 2019)