Les Chinois et les Américains rivalisent d’originalité pour se passer la pommade dans le dos et tout monte. Le Dow Jones enquille sa 6ème séance de hausse consécutive, repasse les 27'000, le S&P500 est de retour au-dessus des 3'000 et Apple vaut mille milliards à nouveau. Et maintenant : la potion magique du Docteur Draghi.

L’Audio du 12 septembre 2019

 

Vitamines Trade Deal

Alors que l’on aurait pu supposer que les bourses mondiales allaient s’offrir une nouvelle journée de pause en milieu de semaine, histoire de ne pas trop se fatiguer le clavier à la veille du Draghi Day, voilà que le Trade Deal refait surface avec un nouveau sous-titre qui s’intitule : «des hommes de bonne volonté ». Tout a commencé avec les Chinois qui ont décidé de « faire un geste en direction des Washington » pour prouver leurs bonnes intentions à la veille des négociations du mois d’octobre.

Le gouvernement de là-bas a donc annoncé que dorénavant, elle faisait sauter les tarifs douaniers sur 16 produits américains en signe d’apaisement. Les produits concernés sont aussi divers et variés que la nourriture pour animaux et les médicaments contre le cancer. Mais peu importe, c’était le geste qui comptait. Ces bonnes intentions ont immédiatement touché au cœur les intervenants qui, dégoulinants d’amour, de joie et de bonheur, ne pouvaient pas faire autre chose que d’acheter le marché. Dans un manque d’originalité flagrant, les intervenants se sont donc jetés sur tout ce qui montait déjà depuis plusieurs jours, histoire d’appliquer la théorie du « momentum » ou, autrement dit « don’t piss against the wind otherwise you gonna get your shoes wet ».

L’Europe, les States : the only way was up…

Les Européens ont salué la nouvelle, les Américains ont fait pareil et c’est donc par le biais de la techno, fortement aidé par Apple – entre autres – que les indices ont reconquit les niveaux mythiques des chiffres ronds. Pendant ces quelques heures de trading, on a presque oublié que Draghi devait parler ce jeudi et nous nous sommes contentés de profiter de l’instant présent. Et encore, tout cela c’était sans savoir que Trump allait faire la même chose que les Chinois « after close ».

Oui, parce qu’alors que vous preniez possession de vos lits respectifs, Donald Trump a repris la place qui est la sienne. C’est-à-dire sous le feu des projecteurs de Twitter. Et il a estimé qu’il n’était pas acceptable que les Chinois soient les seuls à passer pour les gentils et que lui aussi voulait une part du gâteau. Il a donc décidé unilatéralement de suspendre la mise en place des tarifs douaniers sur 250 milliards de biens chinois et ce, jusqu’au 15 octobre – en gros, si les négociations se passent bien, il n’y aura plus de tarifs sur ces 250 milliards de biens. Comme ça, dans la foulée les futures américains sont déjà en hausse de 0.5%, 10 heures avant l’ouverture et 9 heures avant le spectacle de clôture de Mario Draghi.

Powell’s bashing

Mais Trump ne s’est pas occupé uniquement des Chinois et de son image d’homme de bonne volonté qui distribue des pains… euh… du pain et qui guérit les paralytiques en faisant son jogging sur l’eau de temps en temps, non. Le Président s’est aussi occupé de tailler un nouveau costard à Powell. Ça faisait un bon moment qu’on ne l’avait plus entendu sur le sujet, mais là c’est bon, il s’est lâché.

Le compte twitter de Donald Trump a donc crépité plusieurs fois durant la journée, émettant le son aigu d’un staccato de mitraillette, ce qui représentait assez bien l’image d’un Powell qui passe devant le peloton d’exécution. Le Président a estimé qu’il était temps que la FED ramène les taux à zéro voir en-dessous. Comme ça les USA pourraient refinancer leur dette. Il reproche à Powell sa naïveté et estime que les USA ratent une opportunité unique dans une vie à cause d’un crétin.

Il n’est pas encore très évident de savoir qui est le « crétin », mais je crois que j’ai une bonne idée.

L’or hésite et le pétrole rebaisse

Alors que les bourses mondiales étaient en pleine euphorie, l’or hésitait entre rester dans le range en tant que « valeur refuge » ou tout péter à la baisse pour l’instant c’est l’immobilisme qui prime en restant autour des 1500$. En revanche, le baril a vécu une sale journée, puisque les inventaires étaient plus important que les attentes. Je ne vais même pas préciser que les attentes étaient à côté de la plaque comme chaque mercredi depuis 30 ans – et que je me demande encore pourquoi les mecs ils font des projections, puisque de toute façon ils ont tort. Cela frise l’obsession. Un peu comme quand je joue à l’EuroMillions tous les trois mois parce qu’il y a 230 millions d’Euros et que je me dis que cette fois c’est sûr ; j’ai bon. Le prix du pétrole a également souffert du fait que Trump pourrait commencer à négocier avec les Iraniens. Si les tensions se dénouent, ça ne va pas aider les Saoudiens à faire monter le prix.

Le baril se traite à 56.26$ et les marchés asiatiques sont partagés ce matin. D’un côté on salue l’annonce de Trump, mais de l’autre on a moyennement le courage de faire confiance à ce que va annoncer Draghi, puisque mis à part louer l’hélicoptère de Bernanke pour aller parachuter des billets de 1’000 Euros sur les comptes bancaires de chaque Européen, on ne voit pas trop ce qu’il va bien pouvoir nous inventer qui n’est pas attendu et donc, probablement déjà dans les prix. Pour le moment le Japon est en hausse de 1.10% – d’ailleurs on dirait presque la suspension des tarifs douaniers de Trump s’applique uniquement aux Japonais, puisque Hong Kong est en baisse de 0.14% et que la Chine ne fait virtuellement rien du tout.

À noter tout de même…

En dehors de tous les aspects « douaniers » du moment, il faudra tout de même retenir le fait que c’est la première fois depuis bien longtemps que l’on reparle un peu d’actions individuelles plutôt que de tweets et de trade deal. Hier la communauté des analystes saluait la présentation d’Apple, sa nouvelle stratégie de pricing semble avoir fait plaisir a bien des spreadsheets excel de l’autre côté de l’Atlantique. D’ailleurs, le retour au-dessus des 1’000 milliards est une marque de reconnaissance pour Apple.

On retiendra aussi la performance du Russell 2000, l’indice des small caps, qui est en forte hausse depuis 5 semaines et qui est une confirmation de la bonne santé de ce rallye de fin d’été. Les experts en statistiques boursières se posent également des questions, puisque nous somme le 12 septembre et que le mois de septembre étant un mois statistiquement pourri, il y aurait quelque chose qui ne joue pas. Le Co-CEO d’Oracle, Mark Hurd a annoncé qu’il se retirait temporairement de son poste pour des raisons médicales – la communauté des experts financiers estime que c’est le pire moment pour le faire et que ce n’est pas une bonne nouvelle pour la boîte de Larry Ellison.

Et maintenant, au tour de SM

Quoi qu’il en soit, je vois avec bonheur que nous sommes quand même capables de temps en temps, d’aller creuser un peu plus loin que le compte Twitter de Trump, tout espoir n’est donc pas perdu. Au chapitre « nouvelle neuves », on revient donc massivement sur ces histoires de « cadeau douanier », mais il y a aussi l’offre de rachat que la Bourse de Hong Kong vient de faire sur le London Stock Exchange – offre que le LSE devrait refuser dans la journée si l’on en croit les tabloïds financiers. Même pour 36.6 milliards de dollars.

Il y a aussi Monsieur T. Boone Pickens qui est décédé à 91 ans. C’était un ancien Hedge Fund manager et raider dans les années 80 – les années ou Gordon Gekko a généré bien des vocations. C’est une figure de Wall Street qui s’en va. Pendant ce temps, le FT a trouvé le moyen de coller deux-trois articles sur le BREXIT en première page, pour ceux que ça intéresse, mais tout ça n’est qu’écran de fumée, puisque la seule chose qui nous intéresse vraiment, c’est ce que va faire Draghi cette après-midi…

Chiffres économiques

En dehors de l’intervention très attendue de Mario Draghi, il y aura également le CPI en Allemagne, en France et aux USA. L’OPEP se réunira et la Suisse publiera son PPI.

Je crains cependant que l’on ne s’occupera que de la BCE… Nous voici donc au bout du suspense. Super Mario va tirer sa révérence et le truc assez sympa, c’est qu’il peut faire à peu près tout ce qu’il veut, c’est Christine Lagarde qui devra en assumer les conséquences. Et puis, je peux déjà vous le dire, une fois que la BCE sera derrière nous, on pourra enfin spéculer sur ce que la FED et son « crétin » de patron vont faire la semaine prochaine.

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Excellente journée et à demain !

Thomas Veillet

Investir.ch

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