Le Trade Deal est devenu le dopage de la finance. Un peu à l’image des Body-Builders qui se bourrent de produits chimiques pour gonfler et ressembler à Stallone quand il était jeune, ou à l’image des cyclistes du Tour de France, moins ils se dopent, plus ils vont vite, nous dans la finance on a trouvé notre drogue, notre anabolisant naturel, le truc qui nous fait monter et monter encore, même si on sait que c’est très mal : le Trade Deal.  

L’Audio du 14 janvier 2020

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Rien de neuf, mais dans le doute : achète

Fondamentalement il ne s’est rien passé de nouveau. Globalement on sait que le numéro deux chinois devrait se pointer à Washington cette semaine pour signer la première partie des accords. Mais, mis à part le fait que les Chinois vont acheter pour 40 à 50 milliards de dollars de produits américains, on ne sait pas grand-chose. On ne sait même pas quand, quel jour et à quelle heure. On ne sait même pas ce qui va se passer ENSUITE. De quoi seront fait les débats du Trade Deal 2.0 et le 3.0 ? Aucune idée.

Par contre le marché à l’air de se foutre totalement de ce qui peut se passer après. La signature de ce traité commercial est presque considéré comme la pilule magique de la finance ; ils signent et ensuite on ne s’arrête plus jamais de monter. Pourtant je doute que dans l’accord il y soit intégré le fait que ceux qui tenteront de vendre des actions par la suite seront immédiatement alignés contre le mur et fusillés sans autre forme de procès.

Ça ressemble à un début d’euphorie

Quoi qu’il en soit, le marché monte sans se poser de question. Si hier les marchés du vieux continent restaient tout de même un peu « prudent », ce n’était pas le cas du côté US, puisque pendant que le Dow Jones pagayait toujours pour atteindre les 29’000 points – plus que 100 points à escalader, le S&P500 et le Nasdaq ne faisaient pas de complexe et utilisaient la théorie de la hausse permanente associée au Trade Deal pour afficher de nouveaux records insolents alors que le Trade Deal en question n’est même pas encore signé.

Alors on pourrait se dire que lorsqu’il sera officiellement signé et que Trump nous montrera un bout de papier avec plein de gribouillis en bas de la page, le marché va prendre l’opportunité de « vendre la nouvelle », mais c’est même pas sûr. Les forces occultes qui poussent les indices à la hausse semblent avoir totalement changé les règles et ne savent faire plus qu’une chose : acheter. Acheter sur faiblesse, mais aussi acheter sur force. Et puis après tout, après le Trade Deal 1.0, il y aura encore le 2.0, puis le 3.0, puis la réélection de Trump et puis on est dans une année électorale et en général ; on ne baisse jamais lors d’une année électorale. Sans compter que les banques centrales sont dans le camps des bulls et pas dans celui de cons de toréadors. Alors pourquoi ne pas acheter à la fin ?

Sans compter qu’hier les Américains ont tout de même déclaré que la Chine n’était plus un pays qui manipulait sa monnaie. Contrairement à ce qui avait été dit il y a quelques mois. Tout va bien. Tout va presque trop bien. On se croirait presque dans un film de Disney. Un film où les gentils gagnent à la fin, ils se marient, ils ont plein d’enfants et roulent en Tesla.

Faire la fête comme en 1999

Pourtant, même si les marchés ne cessent de monter, même si l’on enquille des records sur des records et que l’on découvre chaque jour des niveaux d’altitude jamais vus, il y a tout de même un oiseau qui est de plus en plus présent, c’est le corbeau. Aujourd’hui on ne peut plus ouvrir un journal financier, plus se connecter sur un site comme Marketwatch, Bloomberg ou encore CNBC, sans tomber sur un type avec un beau costume et une cravate sombre qui nous annonce que ça ne peut pas durer.

Dans Tintin et l’Etoile Mystérieuse c’était un type avec une barbe un tambour et une toge blanche qui annonçait la fin du monde via des araignées géantes, de nos jours c’est types en costards avec des cravates sombres qui nous disent que les arbres ne montent pas au ciel et que tant va la cruche à l’eau qu’à la fin elle se casse.

Théorie de l’euphorie

En tous les cas, il y a une chose où tout le monde est d’accord avec tout le monde, c’est que c’est dans l’euphorie que ce marché va finir par tourner au vinaigre, la question reste donc : Comment on mesure l’euphorie ? – Est-ce que c’est quand certaines boîtes technos affichent des performances de 100% sur 12 mois ? – Peu probable, en 1999 on avait fait beaucoup mieux avant de se péter la gueule. Est-ce que l’euphorie c’est quand votre chauffeur de taxi, votre coiffeur ou votre esthéticienne vous donne des conseils boursiers en vous épilant le maillot ?

Attention, il est important que ce soit l’esthéticienne qui vous épile le maillot pas le chauffeur de taxi.

Si c’est ça l’euphorie, on n’y est pas encore puisque pour le moment, les bruits qui courent dans la rue c’est plutôt : « Ouais dis-voir alors ? C’est quand qu’on se pète la gueule à la bourse debleuuuu ? ». Et puis si l’on regarde les graphiques qui deviennent verticaux et que l’on compare avec le passé, on voit assez rapidement que l’on peut faire encore mieux. Non, pour l’euphorie il faut que TOUT LE MONDE soit dedans. Que les méfiants craquent, que ceux qui disent qu’on ne les y reprendra plus finissent par acheter un ETF sur la tech et ceux qui prêchent la fin du monde depuis 5 ans se fassent tatouer un bull sur les fesses pour recouvrir ce foutu ours polaire qui est de toute façon voué à disparaître !

L’inquiétude

Quoi qu’il en soit ; on monte. Et quoi qu’il en soit, plus on monte, moins on a d’oxygène pour réfléchir et plus on peut lire des appels à la prudence, des mises en garde est des statistiques qui disent que l’on est trop optimistes, que ça ne peut pas durer. Sauf que ça dure et que rien ne semble pouvoir déboulonner ce marché. J’avoue que même moi je commence à douter et que je trouve tous les matins depuis trois jours que mon indice favori, le Philadelphia Semiconductors Index a mauvaise mine. Alors ? Grippe hivernale temporaire ou est-ce qu’il a chopé la variole ?

Tout ça pour vous dire qu’il n’y a rien de nouveau, que le Trade Deal va se signer, que le marché est tout content et que ça monte chaque fois un peu plus et que le jour où ça va vraiment baisser, non seulement vous ne pourrez pas dire qu’on ne vous avait pas prévenu (quand je dis « on » je parle de la communauté du monde merveilleux de la finance) et quand ce qu’il y a de bien, c’est que l’on sait que chaque jour qui passe, nous rapproche un peu plus du jour où ça va baisser. Enfin, tant que l’on n’a pas inventé pour de vrai la De Lorean qui peut nous faire aller dans le passé.

Pour le reste

Pour le reste, l’or est à nouveau « has been », jusqu’à la prochaine attaque de drones. Tout comme le pétrole. Le baril est à 58.08$ et l’once d’or se traite à 1538$.

Ce matin l’Asie est partagée. Partagée entre le Nikkei qui monte de 0.65% parce qu’il est trop content que les Américains ne pensent plus que les Chinois manipulent la monnaie et le reste, le Hang Seng et la Chine qui se foutent totalement de ce que pensent les Américains qui veulent juste du concret et ne font strictement rien en attendant.

Nouvelles du jour

Pour ce qui est des nouvelles du jour, on apprend que Visa achète une Fintech nommée Plaid pour 5.3 milliards don 4.9 en cash. La boîte était valorisée à la moitié de ce prix il y a un peu plus de 12 mois. Pendant ce temps Google frise le 1 trillion de valorisation, il devrait donc – s’il n’y a pas de krach dans la semaine à venir – rejoindre Apple et Microsoft. Du côté des spécialistes du rating, on s’autorise à penser dans les milieux autorisés, que Boeing pourrait voir son rating révisé à la baisse. Il est vrai que maintenant que le titre a perdu 25% depuis les plus hauts, il est temps de venir dire que c’est de la daube. Un grand classique dans le monde fabuleux des ratings obligataires, une compétence dans l’anticipation et une vision hors du commun.

Dans les sujets passionnants on apprend aussi que la Reine d’Angleterre s’est mise d’accord avec son petit-fils – on ne sait pas si le fait de quitter le navire va lui coûter son immortalité, mais le peuple est soulagé. Autre sujet de préoccupation sur l’ancienne île européenne, les taux. Hier la Livre était sous pression à cause qu’il se pourraient que la Banque d’Angleterre baisse les taux. En tous les cas les experts ont identifié des signes avant-coureurs qui ne font aucun doute. Hier Carney a pris deux bières à la place d’une et ça, ça ne trompe pas.

On retiendra encore que selon un ancien du team Obama qui connait bien le Moyen Orient ; jamais le régime iranien n’a été aussi proche de l’effondrement. En tous les cas, si les Ayatollahs quittent le navire et vont se planquer à Crans-Montana, Trump aura réussi un truc avec un seul drone que pas un de ses prédécesseurs n’aura même pu rêver. Dans un tout autre domaine, après les chiffres pourris que Ford avait annoncé hier en Chine, les ventes totales de voitures sur place sont en baisse de 8.2% pour 2019. On parle de sinistre dans l’industrie locale. Pas grave, Musk leur a implanté une usine de voitures électriques, ça devrait tout régler.

Chiffres à venir

Côté chiffres économiques, il y aura le CPI aux USA et c’est tout. Par contre il y a aussi Kuroda qui va parler, le gouverneur de la Banque du Japon ne devrait rien annoncer de transcendantal comme depuis 20 ans, mais on ne sait jamais. Par contre au sujet des résultats trimestriels, c’est parti pour de bon puisque cette après-midi nous aurons les publications de Delta, Citigroup, Wells Fargo et JP Morgan.

Pour le moment les futures ne font rien mais la prudence reste de mise à quelques heures ou jours – on ne sait pas trop – de la signature du Trade Deal. Il me reste à vous souhaiter une très belle journée et on se retrouve demain pour de nouvelles mises en garde et de nouvelles nouvelles angoissantes.

Thomas Veillet

Investir.ch

“If you tell people where to go, but not how to get there, you’ll be amazed at the results.”

 

George S. Patton