Comment se fait-il que les États-Unis soient absents de l’infrastructure télécom. En effet, ils sont si puissants dans la technologie et ont inventé le téléphone avec Graham Bell, donnant naissance à la Bell Company, puis à l’American Telephone and Telegraph Company (AT&T) ?

Un peu d’histoire

Cette faiblesse vient de la déréglementation et de l’absence d’un standard unique dans le mobile. L’Europe avait choisi le standard mobile GSM en 1987, alors que le régulateur US a laissé les opérateurs mobiles choisir leur standard GSM, TDMA, ou CDMA. L’existence de multiples standards a été renforcée par le Telecommunication Act de 1996, qui a enlevé le monopole d’AT&T.

AT&T s’est alors séparée des activités d’équipements télécoms pour donner naissance à Lucent Technologies, qui devait évoluer dans un environnement très concurrentiel avec beaucoup de nouveaux entrants, ce qui empêcha les économies d’échelle. Lucent a parié sur les normes CDMA et UMTS, qui n’ont jamais décollé ni en Europe ni en Asie. Et aux US, les vendeurs n’étaient pas convaincus que GSM deviendrait un standard global. Après le boom initial, suivant la dérégulation, l’industrie des télécommunications US a décliné dès 2001 et Lucent et Motorola ont commencé à souffrir. En 2006, Alcatel et Lucent fusionnaient, puis en 2016, Nokia absorbait Alcatel-Lucent. Motorola finissait également par se faire absorber par Nokia. Les US possèdent encore un acteur majeur de la télécommunication, Cisco, mais il est essentiellement une plateforme pour les entreprises.

Aujourd’hui, la guerre technologique entre États-Unis et Chine ne faiblit pas. Donald Trump veut à n’importe quel prix stopper Huawei. Le Chinois est leader mondial dans l’infrastructure 5G avec Nokia et Ericsson, chacun ayant une part de marché de 25%. Trump n’a pas réussi à convaincre les Européens de bannir le Chinois. Le coût aurait été trop important et le temps aurait manqué aux opérateurs mobiles pour changer les équipements Huawei contre d’autres. Puis, Donald Trump n’a jamais apporté la preuve de l’espionnage chinois. Il fulmine depuis que Boris Johnson a maintenu Huawei comme fournisseur d’équipements télécom non-cœur. La tentative de boycott américain ni a rien changé, le Chinois étant considéré comme le meilleur, y compris par rapport à Nokia et Ericsson, tant sur le plan technologique que tarifaire. Donc le gouvernement américain doit trouver une autre parade pour éloigner Huawei.

Malgré ses multiples efforts (y compris le contrôle des exportations), l’administration Trump n’a pas réussi à désorganiser les chaînes d’approvisionnement de Huawei, ni à restreindre son accès aux principaux marchés en 2019. En bref, Huawei a exploité des failles permettant aux fabricants américains de vendre des composants, à condition qu’ils soient fabriqués à l’étranger. Dans un mode réactif récent, les agences du gouvernement américain sont en train de préparer de nouvelles réglementations pour y faire face (sur les « seuils de minimis » et sur l’univers des produits concernés) … Des règles plus larges restreignant l’accès chinois à la technologie américaine sont également à l’étude, comme les interactions interpersonnelles, ainsi que les coopérations académiques transfrontalières. Mais l’enrichissement du bouclier législatif prendra du temps et il ne s’est pas avéré efficace pour contenir Huawei dans le passé …

En octobre dernier, on apprenait que les États-Unis réfléchissaient à subventionner Nokia et Ericsson

Le procureur général William Barr a récemment évoqué l’idée de prendre le contrôle de Nokia et d’Ericsson. Cette déclaration était un probable ballon d’essai, qui vient de faire l’objet en début de semaine d’un démenti formel de l’administration Trump. Il n’empêche: Nokia a une capitalisation boursière de $24.5 milliards et Ericsson de $29 milliards. Les deux sociétés européennes sont relativement vulnérables, car elles n’ont ni le soutien d’un puissant pays, ni l’accès à un marché géant comme la Chine ou les Etats-Unis. Au- delà de l’état, des sociétés américaines pourraient très bien tenter de racheter Nokia et Ericsson. Les Européens se doivent de conserver ces deux fleurons, parce qu’ils représentent un avantage technologique et sont un moyen de pression européenne face aux États-Unis. De la bagarre boursière en perspective?

Conclusion

L’Europe devra à tout prix protéger Nokia et Ericsson face aux États-Unis. Mais en a-t-elle les moyens, notamment politiques, sachant que Trump est « prêt à tout »?

Nokia et Ericsson demeurent des valeurs de base, incontournables, au sein d’un portefeuille thématique sur la 5G.

 

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