Depuis 10 jours on cause beaucoup, on tient un paquet de théories, mais à la fin on ne fait pas grand- chose. On n’a même rien fait du tout sur les marchés financiers. Alors oui, on s’est pas mal occupé sur le pétrole, on a trouvé pas mal de choses à raconter sur le sujet et c’est presque devenu intéressant, mais pour le reste, soyons francs, on n’a rien foutu. Le S&P500 se traîne dans un « range » de 150 points et chaque jour qui passe nous pesons le pour et le contre en hésitant sur la direction à prendre. Un jour on est tout émoustillé parce que le confinement va prendre fin et qu’un ersatz de vie normale pourrait reprendre avec tout le bal de consommation délirante qui va avec et le jour suivant on est inquiet parce qu’il va quand même y avoir des conséquences sur l’économie, voir même peut-être une récession, voir même que les gens ne vont plus acheter de téléphone portables et se parler dans le bus – enfin, s’ils ont trouvé des masques.

L’Audio du 24 avril 2020

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Le manque de visibilité

Quoi qu’il en soit, le marché pédale dans la semoule en attendant de savoir s’il faut acheter pour jouer la fin de la crise ou s’il faut vendre parce que le marché va sûrement se RE-Faire défoncer un de ces 4, lorsque tout le monde va se recontaminer parmi en sortant trop tôt dans la rue, en reprenant les transports publics trop tôt et en renvoyant les enfants au casse-pipe en premier – ah oui mais non, les enfants ça compte pas, parce qu’ils ne peuvent pas le choper, le Coronatruc – ou alors ils sont porteurs sains et nous le refilerons en rentrant à la maison – pour autant qu’on les laisse rentrer à la maison – en attendant, les faire dormir dans le garage est peut-être une option.

Mais je m’égare. Du point de vue strictement professionnel, donc du côté de l’investissement, on a vraiment besoin d’avoir de la visibilité pour la suite des évènements. Comme d’habitude, on n’aime pas quand on ne sait pas et là tout de suite, on ne sait vraiment pas comment ça va se passer. Plus personne ne peut « faire des projections », puisqu’on NE SAIT PAS si le déconfinement va fonctionner, on NE SAIT PAS pour combien de temps on va vivre avec ce virus à la con, on NE SAIT PAS si on aura un vaccin avant 2021, on NE SAIT PAS si ce truc peut muter ou pas, on NE SAIT PAS si les gens vont avoir envie de consommer une fois qu’ils seront dehors et on NE SAIT PAS si la vie sera pareille qu’avant…après et si elle n’est pas pareille, comment elle sera.

Intel en exemple

Tenez, prenons l’exemple d’Intel. Hier soir la star historique du secteur des semi-conducteurs a publié des chiffres qui étaient globalement pas mal. Si l’on regarde le même trimestre il y a un an en arrière, sur la même période, sachant qu’en 2019 il n’y avait pas de Coronavirus ; on peut dire que c’était pas mal. Sur le « net income » seulement ; en 2019 ils avaient ramené 3.97 milliards entre le 1er janvier et le 31 mars. Cette année, on parle de 5.66 milliards sur la même période mais AVEC le Coronavirus Inside. Si l’on observe les revenus, en 2019 nous étions à 16 milliards et des poussières, aujourd’hui, c’est 19 milliards.

Alors je ne sais pas ce que pensaient les analystes ou même ce qu’ils attendaient. Et pour être franc, je m’en fous totalement, mais disons que vu comme ça, c’était pas trop mal. Sauf que de nos jours et surtout de nos jours sous confinement, il ne suffit plus de faire du « pas mal », il nous faut de la visibilité, des projections solides sur l’avenir, on a besoin d’être rassuré. C’est bien, sauf que là tout de suite, économiquement parlant, on a à peu près la même visibilité que si vous plongez la tête dans une fosse septique et que vous ouvrez les yeux… Non seulement il faut vouloir, mais en plus vous ne verrez strictement rien. C’est là où nous en sommes. D’ailleurs c’est ce qui a fait mal à Intel hier soir ; des chiffres corrects, mais une impossibilité magistrale de nous dire où ils vont, où l’on va, aura coûté plus de 5% de baisse sur le titre after close. 5% de baisse sur Intel et 2% de baisse sur tout le secteur semi-conducteur en marque de sympathie.

Du chômage, du chômage et encore du chômage

La journée d’hier aura été clairement placée sous le signe du « je ne sais pas alors j’hésite ». Il faut dire qu’entre les chiffres des Jobless Claims aux USA – 4,4 millions de demandes d’indemnités qui poussent le nombre total à plus de 26 millions de chômeurs, soit 15% de la population américaine active – à la louche – et puis le site de l’OMS qui a fait fuité « par erreur » les premiers résultats – des mauvais résultats – du test du médicament de Gilead, il n’était pas simple de se sentir plein de sérénité et de se mettre en position de réflexion. Pour résumer, on est allé en haut, puis en bas et finalement on n’a pas fait grand-chose. On n’a pas fait grand-chose parce que l’on ne sait foutrement pas où est-ce que l’on va. On a beau se faire des grandes théories sur le déconfinement et Ô comment ça va être trop super de retourner sur les terrasses, au resto et de pouvoir enfin prévoir nos vacances à l’autre bout du monde, on NE SAIT ABSOLUMENT PAS comment ça va se passer.

Ça peut aller très bien et de mieux en mieux avec un virus qui meurt et qui disparaît dans d’atroces souffrances à cause de la chaleur de l’été qui arrive (ça c’est la Trump-Theory). Ou alors on a le double effet « kiss-cool » ou le « double-whammy » – vous appelez ça comme vous voulez et on se fait la seconde vague de la mort qui tue (c’est le cas de le dire) et les chefs de guerre que sont devenus nos politiciens, nous renvoient à la maison jusqu’à Noël, pendant qu’ils trouvent de nouveaux plans de sauvetage pour essayer de récupérer ce qui restera de l’économie. Quoi qu’il en soit, c’est sûrement ce manque de visibilité et cette incertitude crasse qui fait que l’on pédale dans la semoule depuis 10 jours. Et tant qu’on ne sera pas dans le concret, je crains que l’on doive pédaler encore un moment.

Heureusement il y a le pétrole

Mais heureusement, si aujourd’hui on n’a plus de visibilité sur rien, il reste le pétrole, puisque depuis une semaine tout le monde est devenu expert sur le sujet et tout le monde sait OÙ il va. Non seulement tout le monde sait OÙ il va, mais en plus tout le monde sait QUAND il y va. En tous les cas le pétrole n’a plus de secret pour personne et tout le monde a un avis dessus.

Actuellement le baril se traite à 17.62$ – sur le contrat de juin. Depuis les plus bas de mercredi dernier, l’or noir a repris près de 70% – je parie que vous avez plein d’amis autour de vous qui ont acheté au plus bas. C’est étonnant le nombre de personne qui expliquent partout comment elles ont acheté bas et vendu haut, mais que ces mêmes personnes ne racontent jamais quand elles perdent de l’argent. Ah mais oui, suis-je bête, ces personnes ne perdent jamais d’argent. My mistake.

Bref, en dehors du rebond technique sur le pétrole, selon les experts – et ils sont nombreux – hier le baril remontait parce que « les tensions au Moyen Orient remontaient et que c’était inquiétant » – Oui, Trump a déclaré vouloir détruire l’Iran et surtout les navettes iraniennes qui dérangent ses porte-avions dans le Golfe. Je ne vais pas dire que je vous l’avais dit, mais je l’ai quand même dit dans la chronique d’hier, des fois sur un malentendu, ça fonctionne. Donc le pétrole remonte. L’or est toujours prêt à bondir et l’Asie est grosso modo en baisse de 0.5% parce que l’incertitude pèse et la déception sur le médicament de GILEAD est immense. Il faut quand même retenir qu’il y a une semaine cette histoire de médoc nous avait sauvé la journée du vendredi en explosant le marché à la hausse.

Nouvelles du jour

Ce qui est passionnant au niveau de ce médicament, c’est que Gilead annonce vendredi dernier la mise en place des tests – et en l’espace de 6 jours, l’OMS arrive déjà à nous publier des rapports comme quoi ça ne fonctionne pas ! Gilead a d’ailleurs répondu à cette annonce en disant que les données récupérées n’étaient pas suffisantes pour être validées, à cause du nombre trop faible de patients concernés. En tous cas, j’espère que le gars qui a mis « par erreur » ce rapport sur le net aura eu le temps ou l’intelligence d’acheter des puts sur GILEAD, le titre s’est vautré de 5.5% sur l’annonce. En tous les cas, on se fout totalement des déclarations de Gilead, puisque ce matin le FT titre en première page :

« Les marchés en baisse parce que le médicament contre le Coronavirus échoue en phase de test ». Et ils ajoutent en sous-titre : Les investisseurs avaient espéré que le traitement faciliterait le combat contre le Covid-19.

Visiblement les « investisseurs » en question doivent trop regarder de films américains, parce que pour ce que j’en sais, on ne trouve pas de traitement contre un virus en 48 heures parce que l’on a retrouvé une fiole magique contenant la souche du virus original et le mode d’emploi pour le détruire pour autant que l’on retrouve la pierre magique qui est enfouie au fond d’une grange au milieu d’une forêt du Midwest américain, une forêt qui est tenue par des suprémacistes blancs qui sont prêt à tout pour anéantir l’équipe du SWAT qui viendra chercher la pierre. Mais heureusement à la fin il y a un type avec des super-pouvoirs et un bouclier avec une étoile dessus qui sauve tout le monde, récupère la pierre magique, fabrique un remède dans une casserole sur un feu de camp et sauve le monde. Ensuite, il part boire l’apéro en confinement avec Iron Man.

Après GILEAD, Kim Jong

L’autre sujet du matin c’est Kim Jong Un. Selon des sources anonymes et non confirmées, il serait moins malade que ce que l’on raconte. Trump pense même que les infos qui circulent sont inexactes. Entre vous et moi : qu’est-ce que ça peut bien nous faire, l’état de santé du Playmobil !?? C’est pas non plus le CEO d’Apple ! Toujours est-il que les médias financiers semblent très attentifs à la chose. Probablement par rapport à l’instabilité que sa mort pourrait provoquer dans la région, bien que moins stable que lui, on voit assez mal ce que l’on pourrait nous trouver, sachant que pour l’instant l’autre candidat instable est encore Président des Etats-Unis et que, sauf erreur de ma part ; le cumul des mandats n’est pas autorisé par la constitution américaine.

Pour finir

En gros, les chiffres trimestriels ne sont pas forcément mauvais mais le manque de visibilité dérange. Les chiffres économiques sont pourris, mais on s’en fout parce qu’une fois que tout rentrera dans l’ordre, tout rentrera dans l’ordre. Sauf quel l’on ne sait pas quand est-ce que tout rentrera dans l’ordre et que l’on a probablement besoin de voir COMMENT le déconfinement va se passer en PRATIQUE et pas en théorie, pour voir si tout peut rentrer dans l’ordre ou s’il faut retourner se battre avec la ménagère de moins de 50 ans pour ramasser un stock de PQ pour les 6 prochains mois.

En tous les cas, les futures sont en baisse des trois fois rien ce matin, mais c’est tout de la faute de GILEAD et de son médoc pourri et aussi un peu d’Intel qui ne voit rien venir. On attendra encore les chiffres d’American Airlines, American Express et Verizon avant l’ouverture. Il n’y aura rien après la clôture parce que nous sommes vendredi et que publier des chiffres trimestriels après la clôture de vendredi soir et l’apéro qui va avec, c’est pêché. Quand on parle de visibilité, on se réjouit d’ailleurs de voir les chiffres d’American Airlines, je suis certain qu’ils en ont à revendre de la visibilité. Surtout depuis que les ¾ de leur flotte est clouée au sol.

Voilà, je crois que tout est dit pour ce matin, pour cette semaine. Moi je vous retrouve lundi pour la suite des évènements avec une visibilité toujours aussi médiocre à pourrie, mais avec un wagon de tweets en plus de la part de Trump, alors on ne sait jamais ce que le Messie nous réserve.

Excellent week-end à tous et à lundi !

Thomas Veillet

Investir.ch

“I couldn’t find the sports car of my dreams, so I built it myself.”

 

Ferdinand Porsche