C’est marrant quand même. C’est marrant comment des situations qui nous faisaient monter il y a quelques jours nous font baisser aujourd’hui. Avant toutes choses, je dois vous prévenir ; si la semaine dernière c’était la semaine où « toutes les mauvaises nouvelles étaient des bonnes nouvelles et que toutes les bonnes nouvelles étaient des bonnes nouvelles » - enfin, surtout les premiers jours – la semaine qui commence à l’air d’être une semaine où tout ce qui a été pris comme « positif » avant, pourrait bien être interprété comme négatif aujourd’hui. Bon, pour notre défense on est quand même beaucoup monté et là on commence à se demander si l’économie va vraiment repartir pour de vrai aussi vite que les marchés sont remontés et si ressortir est une bonne chose quand bien même SI nous ressortons. La réponse semble être NON, puisque pour compliquer l’équation, les USA semble être en train de se prendre la tête avec les Chinois – vous imaginez ? Une crise sanitaire avec un virus que l’on ne maîtrise pas, le tout saupoudré de Trade War avec la Chine ? Hhhhhmmmm, ça sent la volatitilité qui remonte à 85% tout ça… et le trafic qui explose sur investir.ch, puisque plus les marchés vont mal plus vous venez nous lire…

L’Audio du 4 mai 2020

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Trop haut, trop vite

La semaine dernière nous avons changé de mois. Nous sommes passés d’avril à mai, comme à tous les ans à peu près à la même époque, mais cette année on a bouclé le mois d’avril avec une hausse historique que l’on n’avait plus vu depuis qu’un petit moustachu qui se déplaçait sur le siège arrière d’une Mercedes cabriolet a eu envie d’envahir la Pologne. Jamais on n’avait vécu un mois d’avril aussi fort, aussi violent à la hausse. Puis, soudainement, alors qu’en mai on est censé faire ce qu’il nous plaît, voici que l’on a commencé à se poser des questions. Ben oui, ce qu’il nous plaît, c’est de nous poser des questions. Alors on a commencé à poser l’équation sur une feuille de papier.

On s’est dit que oui, les gouvernements et les banques centrales avaient fait tout ce qu’ils pouvaient pour relancer l’économie, que la concertation de leurs agissements devraient, à terme, permettre au système tel qu’on le connait, de redémarrer. Et puis on s’est emballé. On s’est dit que ça allait être facile, que oui, il y avait des gens qui avaient perdu leurs boulots, mais que ça allait rapidement revenir dès qu’on pourrait ressortir, que les gars ils allaient recommencer à consommer comme des malades mais en mieux.

Parce que cette crise allait tout changer !!!

Depuis le début du confinement, on ne cesse de nous vanter l’amélioration de la qualité de l’air, le ciel plus bleu sans avions et la nature plus belle sans humains dedans. Bien des gens se sont mis en tête que l’après Coronavirus serait un monde meilleur, avec du partage, de l’amour et de la pollution en moins. C’était le scénario idéal qui se dessinait, puisque les gouvernements allaient nous couvrir d’argent, de bijoux, d’or et de pétrole gratuit et nous n’aurions plus qu’à vivre dans le partage, dans un monde où le télétravail serait roi et où les vélos seraient seuls dans les villes et autres agglomérations. Les gens ne partiraient plus en vacances à plus de 500 kilomètres de chez eux et les avions seraient uniquement dévolus à des déplacements vraiment très importants, les billets deviendraient chers et les sièges des avions plus larges et les compagnies serviraient à nouveau à manger et à boire sans que ça vous coûte la limite mensuelle de votre carte de crédit.

On commencerait tous à manger mieux, à consommer plus proche de chez nous, on réapprendrait ce que sont les fruits de saison et on consommerait intelligent… Et puis on a ré-ouvert les McDonald’s et on a vu fleurir des queues de trois heures au quatre coins de l’Europe juste pour aller manger du bœuf congelé avec des oignons coupés en machine et du ketchup même pas bio… Trois heures au volant de nos voitures pour aller manger de la merde dans un McDo. Comme quoi on n’a pas vraiment changé de mentalité et qu’il ne faut pas trop se faire d’illusions quant à l’arrivée d’un nouveau monde avec des monstres gentils qui mangent du gloubiboulga un peu partout.

Et puis, le doute…

Du coup on a commencé à douter. On a commencé à se rendre compte petit à petit que l’après ne sera peut-être pas un film de Walt Disney avec des princesses qui se marient à la fin et qui auront beaucoup d’enfants après – surtout qu’après deux mois de confinement, on a bien compris que vivre avec beaucoup d’enfants 24 heures sur 24, ça n’a rien d’un conte de fées avec des princesses et des lapins qui parlent.

On est en train de se dire que la réouverture sera peut-être plus lente que la fermeture et pendant ce temps, ce sont autant de gens qui sont en mode survie et qui ne vont pas se pointer chez Apple pour acheter un iPhone 11 à 1’200 dollars ou acheter une Tesla à 100’000$. Et c’est là que ça commence peut-être à coincer, notre rebond de 30% de ces derniers mois n’a-t ’il pas été un peu vite en besogne ? C’est indubitablement la question que l’on se pose depuis le dernier jour d’avril et visiblement, on n’a pas encore trouvé la réponse ce matin. Ou alors, si on l’a trouvé, elle n’est pas bonne.

Sans compter que oui, il y a 30 millions de chômeurs aux USA, mais en France le nombre de sans-emploi a également fait un bond historique et c’est pareil dans toute l’Europe.

Au-delà du chômage, il y aussi les PIB qui s’effondrent, puisque la France a annoncé une baisse de 5.8% et que le Ministre de l’Economie, Bruno Le Maire a annoncé que ça sera pire ensuite. Aux USA ce n’est pas mieux, un PIB en baisse de 4.9% et on s’attend à une baisse de 40% pour le second trimestre 2020. Du coup, alors que depuis quelques semaines on ne se préoccupait plus trop des chiffres économiques, sachant que nous serions soutenus quoi qu’il arrive, on commence à se demander si la courbe de la reprise économique ne pourrait pas être bien plus plate que la courbe de rebond des marchés ces dernières semaines.

On est un peu tendu et Trump vient jouer avec nos nerfs

Et puis, au milieu de cette « prise de conscience », il y a les Américains qui cherchent des responsables. Depuis vendredi dernier Trump laisse entendre que c’est tout de la faute des Chinois et dans la foulée, son Vice-Président qui est encore plus con que lui, déclare avoir des preuves comme quoi le virus ne provient pas du pangolin, que Batman n’y est pour rien, mais qu’il est simplement étiqueté MADE IN CHINA – fait maison dans les laboratoires locaux. Du coup, Trump ne suit plus Xi-Jinping sur Twitter, Xi-Jinping n’est plus ami avec lui sur Facebook et Trump l’a viré du groupe privé« make America Great Again » et a menacé de lui recollé des tarifs douaniers en signe de représailles. Oui, la Trade War semble donc de retour et je dois dire que l’on avait vraiment besoin de ça. En plus d’un virus tueur, une bonne petite guerre économique en prévision, il n’y a rien de tel pour retrouver bonne humeur et joie de vivre.

Et puis il y a le confinement

Avec tout ce que je viens de vous raconter, inutile de vous dire que tous les corbeaux sont de retour et les objectifs de correction fleurissent un peu partout. Les plus optimistes parient sur un « higher-low » qui marquerait définitivement le pire de la crise et le début du vrai rebond du bull market de la mort qui tue. Mais il y a aussi ceux qui pensent que l’on va retourner aux plus bas du 23 mars, ceux qui voient ça plus bas – Edwards, au hasard, qui parie sur 85% de baisse comme d’habitude – et puis ceux qui disent que ça va « tenir » mais que dans un an on va se faire démonter de 40% – sans préciser d’où nous partirons à ce moment-là. Oui, je crois que l’on peut le dire clairement : « Le Muppet Show » est de retour, mais avec plusieurs Kermitt la grenouille.

Mais ce n’est pas fini, il y a un autre stress qui semble arriver gentiment : la fin du confinement. Rappelez-vous, il y a quelques jours les marchés montaient parce que l’on pariait sur le fait que tout le monde allait ressortir et que ça allait être trop sympa de partir en week-end à Ibiza, faire la fête sur les plages et claquer du pognon. Sauf que depuis quelques jours, on a appris que la fête ça serait plutôt proche de la maison et que les vols EasyJet pour Ibiza, ben y en n’aurait pas et que ça serait moins festif avec des masques et des gants en latex, sachant que ça ne serait même pas une fête sur la thématique des infirmières.

Du coup, on a commencé à douter du bienfait ou pas de ce déconfinement, sans compter que dans certains pays – dans le Royaume de Macronie – on n’est même plus trop sûr de la date du déconfinement, le combat entre les rouges et les verts fait rage et l’incertitude est de mise. On en arrive à croire que la phrase d’Alain Berset n’a jamais eu autant de saveur au milieu de ce balai de bla-bla et d’hésitations. Et puis non content de flipper sur le fait que le déconfinement n’est même pas sûr, certains flippent sur le fait que ça pourrait se faire n’importe comment et que la courbe de contamination pourrait rapidement ressembler au graphique d’Amazon.

Bref, je vous le dis : je ne la sens pas cette semaine qui commence.

Les nouvelles du jour , l’Asie et le pétrole

Ce matin l’Asie est fermée aux trois-quarts, le Japon est en vacances et la Chine aussi, mais le reste ne se fait pas priver pour rappeler que l’ambiance est toute pourrie ; Hong Kong frise les 4% de baisse, l’Inde recule de 3% et Singapour aussi. Les futures sont en baisse de 0.8% et tout le monde se demande si la fin de semaine dernière n’est pas en train de nous faire le « replay » de ce qui s’est passé. Il faut dire que le ton accusateur employé par les Américains ne laisse pas l’Asie indifférent et on imagine que ça ne sera pas simple quand les Chinois vont répondre.

L’or remonte un poil et touche les 1708$. Pas besoin de vous faire un dessin pour savoir pourquoi ça remonte et le pétrole baisse de 4.4% à 18.90$ – là aussi, c’est tendu. Lui qui était remonté parce que les gens allaient ressortir pour se précipiter à la station-service et là, on se demande si on va vraiment ressortir, alors forcément. Inutile de vous dire que je suis prêt à parier un rein que dans la semaine il y en a un qui va paniquer en disant que l’échéance approche et que la consommation ne repartira jamais d’ici-là et si mon plan se déroule sans accroc, on devrait se refaire une petite panique d’ici les chiffres de l’emploi de vendredi. Chiffres qui devraient mettre tout le monde d’accord.

Dans les nouvelles du jour qu’il faudra retenir ; c’est que pour la première fois depuis longtemps on ne parle pratiquement que du Coronavirus et de plus rien d’autre – ou presque – ça faisait un moment. Il y a donc Trump et Pence qui s’en prennent aux Chinois au sujet du Coronavirus, le bilan américain qui est le pire depuis le début de l’épidémie puisque les USA annoncent plus de 2’900 morts en 24 heures. Juste au moment où tout le monde est en train de ressortir, ça donne envie. Il y a aussi Warren Buffet qui ne veut plus des compagnies aériennes à cause du Coronavirus et plein d’autres petites nouvelles avec le mot Coronavirus ou COVID19 dans le titre. On notera aussi que Trump prédit qu’un vaccin sera prêt pour fin 2020, mais il ne précise pas s’il sera à base de javel ou pas. Notons aussi que Gilead met à disposition son REMDESIVIR dès cette semaine. Impressionnant la vitesse à laquelle le produit a été approuvé et commercialisé, mais on ne va pas faire de polémique, espérons que ça soit une bonne nouvelle quand même.

Musk et Twitter une histoire d’amour

Et puis, pour changer un peu de thème, il faudra tout de même retenir qu’Elon Musk ne peut pas s’empêcher de faire parler de lui, puisque vendredi dernier, juste après avoir estimé que le gouvernement US était fasciste, il a aussi déclaré sur Twitter, dans un éclair d’intelligence que le prix de l’action Tesla était trop haut.

Alors on ne peut pas lui en vouloir de dire la vérité, mais disons que quand t’es CEO d’une boîte et que tu as la SEC sur le dos depuis des mois et que la dernière fois tu les as a copieusement insultés, il serait peut-être de bon aloi de fermer ta gueule. Sans compter que son board et ses actionnaires ont dû adorer cette manière de les considérer. On ne peut pas nier que ce type est probablement un visionnaire et qu’il a une manière exceptionnelle de mettre les choses en place et d’anticiper l’avenir, mais à un moment il va quand même falloir que quelqu’un le calme… Et ce jour-là, ça pourrait faire bizarre.

Côté chiffres économiques, nous n’aurons pas grand-chose, si ce n’est la confiance du consommateur en Europe, confiance qui doit être au top – il y aura aussi l’ISM à New York et les factory orders. On continue aussi avec la saison des trimestriels, les plus gros sont sortis, la suite ça sera du cosmétique. À noter que depuis la semaine dernière, Google, Amazon, Apple, Facebook et Microsoft représentent 20% du S&P500 a eux cinq. Pas convaincu que ça soit une super-nouvelle, mais bon.

Voilà, ce début de semaine ne semble pas commencer sous les meilleurs auspices alors que le doute et l’incertitude est partout. Sortira, sortira pas, telle est la question. En ce qui me concerne, je vais continuer à apprivoiser ma nouvelle machine à coudre, mais à voir comment je m’en sors, je crois que je ne suis pas près de sortir avec un masque fait maison et c’est peut-être mieux comme ça.

On se retrouve demain pour le bilan officiel de ce premier jour de la semaine.

À demain.

Thomas Veillet

Investir.ch

“and although the W came along in the tenth century, modern Germans still seem to manage perfectly well by using a V instead. Except when the German managing director of Aston Martin tries to say ‘vanquish’.”

 

― Jeremy Clarkson, And Another Thing: The World According to Clarkson: Volume 2