AMD a publié de très bons chiffres, manque un peu de visibilité, mais les fondamentaux sont excellents. Microsoft a encore annoncé un trimestre exceptionnel, c’est également la fête au village chez Johnson & Johnson, tout comme chez GE. Mais pour être franc, tout le monde s’en fout et la seule chose qui intéresse le marché, c’est l’histoire de GameStop. La société qui est virtuellement en train de se vider de son sang et qui affiche des fondamentaux qui ne veulent rien dire, vient de passer la barre des 10 milliards de capitalisation boursière en gagnant encore près de 100% hier. Sans compter que le titre bondissait encore de 50% after close parce qu’Elon Musk en a parlé dans un tweet. Un tweet d’un mot : « GAMESTONK » et GameStop a pris 5 milliards de valeur en plus.

L’Audio du 27 janvier 2021

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Il faut voir le bon côté de choses – si on était Zuckerberg on se marrerait

En Europe on a fait abstraction de tout. Abstraction sur la hausse des cas de COVID. Abstraction sur les vaccins qui ne sont pas livrés. Abstraction de l’organisation digne d’une République bananière pour la distribution des dits vaccins. Abstraction des nouvelles restrictions sanitaires et autres confinements ou couvre-feu à deux balles. Abstraction des tensions politiques en Italie. Abstraction du fait que Biden est déjà en train de faire pire que Trump avec la Chine. L’Europe a fini en hausse parce que, je cite : « les investisseurs sont positifs pour la saison des résultats ». Comme il en faut peu pour être heureux.

Et c’est vrai. Lorsque l’on observe les chiffres publiés ces dernières heures, les effets de la pandémie, de l’explosion du chômage et de la destruction de la classe moyenne n’a absolument pas l’air d’avoir la moindre incidence sur les chiffres des sociétés. Ou pratiquement pas. Par exemple, hier Microsoft a cartonné dans tous les secteurs, le « cloud » continue de fournir le champagne et le caviar, pendant que les revenus publicitaires étonnamment élevés profitaient également à Facebook et Google. Facebook qui va publier ce soir après la clôture et qui a déjà repris 14% depuis que c’était une boîte toute pourrie qui avait coupé le droit de parole à Trump et qui avait tenté de nous « voler » encore un peu plus de données en modifiant les conditions de WhatsApp et en poussant tout le monde chez Signal et Telegram. Comme quoi même un poisson rouge a plus de mémoire qu’un investisseur.

Hier il y a aussi eu Biden qui est très volubile et qui passe son temps à faire des discours et des promesses. Il faudrait quand même que quelqu’un lui dise qu’il n’est plus en campagne, qu’il a gagné et qu’il peut se mettre au boulot, plutôt que de brasser de l’air à faire des discours. Toujours est-il qu’hier il a quand même sorti un truc qui n’est pas tombé dans l’oreille d’un sourd, puisqu’il a décidé de remplacer TOUTE LA FLOTTE DES VÉHICULES FÉDÉRAUX par des véhicules électriques. 245’000 véhicules qui vont devoir passer à l’électrique. On se réjouit de voir comment il va les trouver et comment il va charger tout ce petit monde. Mais visiblement, ça n’est pas le plus important. Le plus important c’est de passer pour un Président écolo trop cool qui va bosser en vélo et mange bio. On se réjouit qu’il fasse ses déplacements en vélo électrique, ça, ça sera un Président qui croit en ses idées. Bon, entre deux Workhorse a pris 30% pour fêter ça. C’est vrai – selon les derniers chiffres, Workhorse a livré 365 véhicules en 10 ans – ça fait plus que 244’465 à trouver, si tout va bien, la flotte fédérale devrait être remplacée pour le 149 anniversaire de Joe Biden. Mais bon, entre vous et moi, 30% de hausse pour un titre qui ne gagne pas une thune, c’est presque conservateur quand on voit ce qui intéresse le marché aujourd’hui…

Révolution

Ce qui intéresse le marché aujourd’hui, c’est GameStop. On ne va pas chercher plus loin, ni se voiler la face ; on ne parle plus que de ça. À côté, le décompte du nombre de morts étiqueté COVID peut grimper en direction des 500’000, Biden peut courir dans tous les sens sur son vélo électrique pour commander des vaccins, les chiffres économiques peuvent continuer à être merdiques, la SEULE ET UNIQUE CHOSE qui obsède le marché, c’est la folie de GameStop.

Alors j’en ai largement parlé hier, mais il se trouve que ça continue. 100% de hausse durant la séance, 50% after close à cause d’un tweet de Musk qui n’a pas pu s’empêcher de s’en mêler et le monde merveilleux de la finance qui est en train de se rendre compte qu’il peut se faire mettre à terre si une bande de traders révolutionnaires se mettent ensemble et décident de péter la gueule à tous les « shorts » de la planète. On peut se demander si nous sommes en train d’assister à une révolution ou juste à une aberration du système, et que dès que la SEC va se réveiller (s’ils se réveillent), les choses vont redevenir normales. Quoi qu’il en soit, nous sommes en train d’assister à quelque chose d’inouï qui n’a plus aucun sens du point de vue fondamental. Mais si on va par-là ; est-ce que vendre à découvert des titres d’une société que l’on ne possède pas, pour essayer de les racheter plus tard et moins chers, est-ce bien déontologique tout ça ??? On peut se poser la question, on ne le fait jamais parce que le monde merveilleux de la finance dit que c’est normal, donc on fait « comme si », mais quand même.

Soit GameStop ne vaut pas ce qu’elle se paie aujourd’hui et il n’y a pas besoin d’avoir fait un CFA et un CFPI pour le savoir. Ce n’est qu’à cause de manipulations et d’achats concertés que les « Rogues Traders » de WallStreetBets ont réussi à tuer les shorts et à faire monter le titre à ces niveaux. Les pertes des Hedge Funds se comptent en milliards et ils sont en train de se serrer les coudes mutuellement pour essayer de s’en sortir. La question que l’on peut se poser est de savoir si tout cela est bien légal….

Un business model revisité

Si l’on prend le temps « deux secondes » de se poser et d’analyser ce qui se passe sur GameStop, on a quoi ? On a équipe de spéculateurs qui veulent faire du fric, alors ils se chauffent mutuellement sur une boîte qui ne vaut rien en s’inventant des « price target » grâce à des croissances hypothétiques et une restructuration révolutionnaire. Lesdits spéculateurs ont pris le temps d’observer que le titre en question était massivement shorté par les « professionnels » des Hedge Funds et ils ont aussi pris le temps de comprendre comme fonctionnait une option et ce que se passait quand le gars qui te vend une option se retrouve short call et doit courir après le titre. Le tout dans un environnement où la volatilité explose.

En résumant au plus simple ; un groupe de personnes appelle d’autre personnes pour leur recommander d’acheter un titre auquel ils croient en partant du principe que les revenus futurs justifieront le prix que l’on paie aujourd’hui. L’effet troupeau fait que le titre montre très vite à des valorisations complètement débiles, mais on trouve toujours des gens qui disent que ce n’est pas encore assez cher.

Ça ne vous rappelle rien ?

Ben si, les gars de WallStreetbets font à peu près la même chose que font les banques d’affaires quand elles disent à leur armée de vendeurs d’appeler tous leurs clients pour leur dire d’acheter tel ou tel titre parce que LEUR ANALYSTE pense que ça va à 1’000$. Alors lorsque l’on entend Wall Street qui couine dans tous les coins comme quoi ça n’est pas correct – et moi le premier – est-ce bien parce que ça n’est pas correct ou est-ce simplement parce que leur business model est en train de se faire bouffer par des amateurs ? Après tout, lorsque les chauffeurs de taxis professionnels ont vu arriver les « amateurs » de chez UBER, ils ont fait la gueule. Alors oui, on peut reprocher les méthodes de cowboys et les menaces corporelles de certains, mais à la fin ; pousser les gens à acheter des trucs à n’importe quel prix, pour des raisons qui sont parfois un peu ésotériques, c’est quand même ce que fait Wall Street depuis que Wall Street existe… Et que l’on ne vienne pas me dire que les brokers ne recommandent que des titres qui ont une « vraie valeur », ça serait clairement un mensonge. Ceci dit, ça ne fait jamais plaisir de voir quelqu’un venir marcher sur SES PLATEBANDES soigneusement entretenues depuis des années.

Pour le reste

Ce matin, l’Asie, le pétrole, l’or et le Bitcoin ne font rien. Forcément on est bien trop occupé à chercher le prochain GameStop et la liste est déjà sortie. Ceux qui ont compris le concept se sont simplement jeté sur les titres les plus shortés aux USA et ceux qui ont le « free float » le plus faible. On peut donc imaginer que les prochains titres que vont cibler les gars de WallStreetBets et tous ceux qui vont devenir leurs émules se trouveront probablement dans la liste ci-dessous :

Certains ont d’ailleurs déjà commencé à bouger. En plus de cette liste non-exhaustive, on notera aussi que BlackBerry semble déjà être dans le pipe, le titre ayant explosé pour des obscures raisons liées à la 5G et des posts « d’experts » en finance qui estiment que ça vaut « au moins » 400$… Il y a quelque chose qui me dit qu’on n’a pas fini d’en parler – en tous les cas jusqu’à que l’orchestre s’arrête de jouer.

Pour le reste des nouvelles, on parle de GameStop, des chiffres de ce soir avec Apple, Facebook et Tesla, ainsi que de la FED qui devrait parler après ses deux jours de meeting. On parle aussi de GameStop, de Blackberry et de GameStop et d’Elon Musk qui fait des tweets. Et puis on parle aussi un peu de GameStop et de WallStreetBets. On notera aussi que le FMI qui a dit que l’économie devrait se reprendre en 2021, à moins que les nouvelles variantes du COVID ne mettent l’économie à terre. Mais ça devrait bien se passer avec les vaccins de Pfizer et de Moderna qui semblent pouvoir s’adapter à tous les virus moyennant un « upgrade ». On se croirait chez McAfee…

Pour le moment les futures sont légèrement en baisse et GameStop massivement en hausse. Bienvenue en mars 2000 et passez une excellente journée, moi je vais m’acheter un BlackBerry, paraît que c’est l’avenir. Si, ils l’ont dit sur Reddit.

À demain.

Thomas Veillet

Investir.ch

“We spend the first twelve months of our children’s lives teaching them to walk and talk and the next twelve telling them to sit down and shut up.”

– Phyllis Diller