Nous savons tous que la finance n’est pas une science exacte. Contrairement à ce que certains veulent nous faire croire et surtout faire croire aux clients, il faut reconnaître qu’au travers des années, on s’est largement rendu compte que rien n’est acquis et que ce qui semblait évident il y a 20 ans ne l’est plus du tout aujourd’hui. Toujours est-il que la séance d’hier est le parfait exemple que si la finance n’est pas une science exacte, tout ou presque est basé sur la psychologie de l’investisseur et la psychologie de l’investissement. Ce qui était une bonne nouvelle hier ne l’est plus ce matin, tout comme ce qui était une mauvaise nouvelle la semaine dernière ne l’est plus forcément..

L’Audio du 7 juillet 2021

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Et soudainement, le doute

Alors qu’il y a deux jours nous étions assez confiants sur la thématique du recovery économique – ce qui est assez facile, puisque c’est quand même ce qui nous tire en avant depuis 16 mois, voici que soudainement en observant certains chiffres qui étaient bons mais pas si bons que ce que l’on aurait pu espérer, nous sommes passés du côté obscur de la force et les indices sont allés tâter du terrain négatif, histoire de voir ce que ça pouvait faire. Nous sommes encore loin du krach boursier que certains martèlent dans les médias ces derniers jours, mais c’est surtout ce sentiment de doute qui s’est imposé dans nos esprits depuis hier matin qui fait le plus mal.

En Allemagne, les chiffres du ZEW démontraient toujours une reprise solide qui se dessinait à l’horizon et cela aurait dû, aurait pu suffire pour vivre une nouvelle journée de hausse, mais nous nous sommes soudainement rendu compte que les commandes à l’industrie allemande avaient été étonnamment faibles en mai. C’est alors que les ligaments du genou ont lâché et que les indices sont partis en mode dépressif pour terminer en baisse de près de un pourcent un peu partout.

Aux States aussi, mais moins

Le problème avec le doute, c’est que quand il est là, quand il s’immisce dans nos esprits, c’est très compliqué de le faire partir et de passer à autre chose. Et hier, aux USA, le doute s’est pointé sous la forme des chiffres de l’ISM. Je ne vais pas vous prendre la tête avec ce qu’est l’ISM et à quoi il sert, puisque généralement quand l’activité générale est plus dynamique, on s’en tape comme de notre première cravate. Mais comme hier c’était peut-être un peu trop calme, on a commencé à réfléchir sur l’ISM. Et puis quand on réfléchit à Wall Street, ça ne finit jamais très très bien. Donc l’ISM est sorti à 60.1 contre 63.5 attendu, mais surtout plus bas que le chiffre du mois.

Ce qui est le signe de plusieurs choses selon les experts.

Tout d’abord, si l’on analyse intensément ce chiffre et tout l’achalandage qu’il y a derrière, on se rend compte qu’un des problèmes qui commence à peser, c’est n’est pas le fait qu’il n’y ait pas de job, mais c’est surtout le fait que les « gens » n’en veulent pas de ces jobs. Actuellement, la pénurie dans le secteur hôtelier et restauration se fait de plus en plus ressentir et ça n’aide pas la croissance à s’installer dans le secteur. À croire que tous ceux qui étaient serveurs, cuisiniers ou qui bossaient à la réception d’un hôtel, ont tous profité de la pandémie pour devenir autre chose. On ne sait pas trop ce qu’ils sont devenus, mais c’est assez fou d’avoir d’un côté une industrie qui cherche du monde et de l’autre, environ 10 millions de personnes qui n’ont pas de job, mais qui ne veulent pas boucher les trous. Bon, c’est vrai que c’est l’été et que l’on s’est habitué à rester à la maison depuis plus d’un an, mais il va bien falloir faire rentrer du pognon à un moment ou un autre. Parce que je ne suis pas certain que trader chez Wallstreetbets soit une position durable sur le long terme.

Autre signe que représente cette faiblesse de l’ISM selon les experts ; c’est le fait que cela pourrait vouloir dire que nous avons atteint un pic dans le cycle de croissance post-pandémie. Et ça, ça fout les jetons parce que ça fait un peu effet domino et provoque l’évaporation de nos certitudes.

Patatra

La déception de l’ISM a donc mis la pression sur les rendements obligataires. Celui du 10 ans s’est immédiatement rétamé sur le bas de son canal ascendant, à 1.35%. Et c’est là que soudainement tout s’éclaire et que l’on tourne la veste dans notre perception des choses. Souvenez-vous, il y a quelques mois, lorsque les rendements montaient, on paniquait parce que cela signifiait l’arrivée inévitable d’un cycle inflationniste qui allait nous obliger à aller à la boulangerie avec une brouette de billets de banque tellement le coût de la vie allait augmenter.

Sauf que cette fois, le fait que les rendements diminuent, ça inquiète les intervenants qui commencent à penser que la croissance ralentit et que l’on va finir par caler, malgré tous les stimulus et autres soutiens. Soudainement ça n’est plus l’inflation qui nous fait flipper, mais le ralentissement d’une croissance que l’on avait imaginé permanente. Oui, je sais, il faut suivre, mais en finance c’est comme ça. Ce qui nous excitait il y a deux semaines, peut se transformer en maladie incurable en quelques heures. Juste en changeant nos points de vue, juste en interprétant différemment les choses.

Et paf le pétrole

Et puis ce n’est pas tout ! Hier le pétrole s’est pris une claque. Après avoir tapé son plus haut de ces 6 dernières années, on a appris que l’OPEP n’arrivait pas à se mettre d’accord parce que les Emirats se roulaient par terre dans le sable et refusaient de trouver un accord. Ce qui était UNE des raisons de la hausse il y a encore 23 heures et 12 minutes. Cette raison positive s’est donc transformée en raison négative et le baril est passé de 76.35$ à 72.88$ ce matin. La psychologie de marché est également intervenue sur le sujet et s’est brutalement rappelée à nous pour nous dire : « attention, si le pétrole baisse, c’est que la croissance ralentit, tout se recoupe avec l’ISM, il faut donc tout vendre »…

Mais NOOOOONNNN !!!! Le pétrole n’a pas baissé parce qu’on a subrepticement décidé de ne plus faire le plein de la voiture et de grounder Easyjet ! Le pétrole a baissé parce que l’OPEP ne trouve pas d’accord et que les traders ont pris les profits !!! ça fait six semaines que ça monte sans discontinuer, de temps en temps c’est aussi bien de rentrer un peu de cash sur le compte. Pourtant hier on s’en foutait. Hier nous avions décidé de donner un immense coup de pied dans nos certitudes d’avant-hier, pour nous reconcentrer sur les convictions de demain. On a décidé que dorénavant, tout ce qui nous plaisait ne nous plairait plus et que l’on ne verrait plus le verre à moitié plein, mais le verre à moitié vide. À moins que ça soit le contraire.

En prenant un peu de recul, on pourrait croire que la séance d’hier aura été une journée pivot dans nos esprits. Une sorte de gros coup de sac qui a fait disparaître les craintes de l’inflation pour les remplacer par les inquiétudes d’une éventuelle décroissance. On ne sait pas trop combien de temps cela va durer, probablement jusqu’à un autre chiffre qui nous permettra de dire le contraire.

À la fin c’est quand même le Nasdaq qui monte

Ce matin j’ai beaucoup parlé pour essayer de vous imager plus clairement notre immense faculté à tourner la veste et à changer de religion en moins de temps qu’il ne faut pour changer de religion. Mais ce qu’il faut surtout retenir, c’est que le marché n’a pas foutu grand-chose aux States. Si vous lisez la presse de ce matin, tout le monde est terrorisé parce que le Dow Jones s’est EFFONDRE de 200 points, mais on oublie toujours de dire que 200 points sur 34’500, c’est quand même pas la fin du monde. Et puis le Nasdaq a tout de même finit au plus haut de tous les temps parce que tout le monde s’est accroché au fait qu’avec la baisse des rendements obligataires, on allait tous se ruer sur la tech.

Ça et puis aussi le fait qu’Amazon a terminé au plus haut de tous les temps parce que le Pentagone a annulé le contrat Jedi qu’il avait attribué à Microsoft et a relancé un nouvel appel d’offres entre les deux sociétés. Amazon a pris près de 5% le jour où Bezos n’est plus Chairman et devient pilote de fusée et la société a pris 100 milliards de market cap en moins d’une semaine. Quand on parle de fusée, le graphique ressemble à un pas de tir à Cap Canaveral. Il y a aussi eu Nvidia qui enquille record sur record en déclarant encore hier que ça cartonne côté jeux vidéo et côté mining de cryptos. Le titre est à 827$ et a explosé de près de 40% depuis l’annonce du split qui sera effectif bientôt. La journée se termine en se disant que la croissance économique a peut-être fait un pic, mais que la tech ne s’arrêtera plus jamais de monter. Si l’on était psychiatre et pas analyste financier ou trader, on pourrait presque se dire que le marché, pas que le marché, la communauté toute entière du monde merveilleux de la finance, est en train de devenir Bipolaire.

Et aujourd’hui ? On fait quoi ?

Ce matin en Asie Les marchés sont en plongée alors qu’un accès d’aversion au risque a poussé les intervenants en direction des obligations et du dollar. Et puis on est surtout angoissé à l’idée de lire les minutes de la FED qui devraient souligner un virage hawkish de la politique monétaire américaine. Comme si on ne l’avait pas compris la dernière fois, mais on est comme ça dans la haute finance ; des fois faut nous répéter souvent. Le Japon recule de plus de 1%, Hong Kong de 0.75% et la Chine monte de 0.4%, mais ça fait longtemps que je ne comprends plus rien au comportement des marchés du coin.

On notera que l’or est à 1797$ et ne sait plus s’il est un hedge contre l’inflation, une valeur refuge ou tout simplement un truc pour faire des bijoux et des Vrenelis. Le Bitcoin est à 35’000, comme tous les jours et l’Ethereum semble prendre plus de place actuellement, mais en même temps j’y connais rien.

Pour les nouvelles du jour, on retiendra que le vaccin Pfizer semble soudainement moins efficace en Israël. On peut se demander pourquoi en Israël, mais ça fait longtemps que j’ai arrêté de me poser des questions. Au passage, il faudra noter que le variant Delta fait un carton en Espagne et les infections explosent. Probablement rien à voir avec le fait que tout le monde s’est jeté sur les plages pour les vacances. On se réjouit déjà de voir le bilan pour le Sud de la France et les mesures qu’Olivier Véran va mettre en place pour cet automne, histoire de confiner la France jusqu’en mai et de rouvrir pour voter en faveur du Roi sortant. En gros, on parle beaucoup du COVID ce matin. Peut-être même beaucoup trop.

Côté finance on parle de la fin de l’OPEP parce qu’ils ne s’entendent plus. On cause de DIDI qui a perdu 20% après que son app ait été retirée de l’Apple Store sur « ordre » du gouvernement. De Xpeng qui chute d’entrée à la bourse de Hong Kong pour son premier jour de cotation. Mais comme c’est des voitures électriques, ça me fait plutôt rire. Goldman Sachs est bullish sur American Express et on commence à parler du lancement de l’iPhone 13 alors qu’Apple s’approche du plus haut de tous les temps.

Chiffres du jour

Aujourd’hui il y aura la production industrielle en Allemagne et les JOLTS aux USA. Mais le truc qui va nous faire swinguer, c’est les Minutes du FOMC Meeting de juin qui seront publiées et qui devraient nous raconter ce que l’on sait déjà, les petits caractères en bas du contrat en plus. Pour le moment, les futures sont en baisse de 0.15%, on sent que l’ambiance est en train de tourner – pour le moment.

En ce qui me concerne, je vous souhaite une excellente journée, la fin de semaine sera chargée au niveau publications sur Investir.ch – et comme il fait un temps de mois de novembre, vous n’avez pas d’excuse pour ne pas lire. Alors n’oubliez pas de lire, de partager nos articles, de vous inscrire à notre newsletter, de nous rejoindre sur la page LinkedIn du site et… de revenir demain.

Excellente journée à tous !

Thomas Veillet – Investir.ch

“Without courage, all other virtues lose their meaning.” – Winston Churchill