Bon. Vous l’aurez compris, la tendance du moment c’est de penser que l’on va droit dans le mur et qu’on n’essaie même pas de freiner. Le fait que nous soyons au mois de septembre en approche rapide sur octobre est en train de totalement libérer les analystes, économistes ou autres professeurs qui se lâchent à tour de rôle sur le fait que l’on va se faire déglinguer tout bientôt. Sans compter que si vous vous baladez sur les forums de traders et que vous en parlez dans le quartier des banques (pour ceux qui suivent encore les marchés), l’angoisse est palpable. Hier nous étions sur la même tendance, mais en plus les chiffres de l’inflation sont venus complexifier la chose. Explication.

L’Audio du 15 septembre 2021

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C’est dur l’investissement en automne, on ferait mieux d’aller aux champignons

Tout d’abord il faut retenir que la baisse est lente et déprimante. Il ne se passe rien de très passionnant, mais on glisse lentement vers les abysses de la moyenne mobile des 50 jours. À ce stade-là, pas besoin de prendre des cours de plongée en apnée avec Jacques Mayol, mais c’est étonnant comme l’on peut sentir un sentiment de déprime très profond qui plane sur les marchés. À moins que ça soit la trouille, je ne sais pas. Toujours est-il que j’ai le farouche sentiment qu’à l’heure actuelle – alors que les gourous se précipitent sur les plateaux télé pour annoncer LEUR target 10-15 ou 20% plus bas – les intervenants n’osent plus y aller et en sont presque à chercher des moyens de se fouetter avec des orties en trouvant des raisons sur le pourquoi du comment de la baisse des marchés à venir.

Hier le thème de la journée c’était l’inflation, le CPI et les influences cachées du PPI par derrière. Si vous avez suivi cette chronique hier et avant-hier, vous saviez que LE sujet de la journée d’hier c’était les chiffres du Consumer Price Index – ça et la présentation du nouvel iPhone qui fait aussi trottinette électrique, drone et masque de protection contre le variant Delta, mais ça c’était une autre histoire – donc, le CPI était le sujet de la journée d’hier, mais aussi de celle d’avant-hier. 

Alors quoi ???

Bref, je ne vais pas vous faire languir plus longtemps – en plus vous avez certainement déjà vu les chiffres hier – mais disons que c’était plus faible que le mois passé et que dans un monde idéal ça aurait été plutôt une bonne nouvelle, puisque que ça veut dire que l’inflation se calme et que, du coup, la FED a eu raison de repousser son tapering à l’an prochain et la hausse des taux pour la réélection de Joe Biden (s’il est encore en vie). Sauf que dans nos esprits torturés, ça n’est pas aussi simple. Pas aussi simple parce que OUI, les prix à la consommation et donc in-extenso l’inflation sont sous contrôle, mais il se trouve qu’il y a un autre chiffre qui LUI n’est PAS sous contrôle, c’est le PPI !!!

Le Producer Price Index, autrement dit les prix à la production, est lui, en plein expansion, voir même en pleine accélération.

À ce stade-là, vous me direz sûrement : « et qu’est-ce qu’on en a à taper ? » – et vous aurez bien raison ! Sauf que si l’on creuse un peu plus loin dans les livres d’économie, on va rapidement se rendre compte que si les prix à la production pour les entreprises sont en forte hausse, alors que les prix à la consommation ne sont pas sur la même pente, cela veut dire que les entreprises ne sont pas capables de faire passer l’augmentation des coûts de production sur le consommateur. Ce qui est plutôt pas mal pour vous et moi – dans l’hypothèse où nous sommes consommateurs – mais en revanche, cela signifie que les marges des entreprises ont pris un abonnement chez Weight Watchers et que les chiffres des prochains trimestres pourraient s’en ressentir.

Courage, fuyons !

Alors attention, je ne dis pas que ces conséquences sont immédiates et que dans les 15 jours à venir Jeff Bezos et Elon Musk vont devoir faire attention à ce qu’ils dépensent, non. Ce que je veux dire c’est que si l’on veut voir le S&P500 monter à 5’000 avant la fin des vacances de ski 2022, il va falloir que les chiffres du prochain trimestre et de celui d’après soient plutôt bons. Et si les marges sont en train de s’effondrer, sachant que les valorisations ne sont pas au plancher, ça risque de poser un problème insoluble. Ou alors en vendant tout et en partant en courant avec les bras en l’air en hurlant que l’on va tous mourir.

Peut-être que je vais un peu loin dans ma description de l’avenir, mais disons que c’était l’interrogation de la séance d’hier. Ça peut ne durer que quelques heures ou alors ça peut tourner en obsession et apporter de l’eau au moulin de Jeremy Siegel, professeur d’économie à la Wharton School qui est venu nous dire hier que la fin du match était proche et que le marché était dans sa « dernière manche » avant de se faire péter les dents. Ça apporte également du carburant à la théorie d’un des stratèges de Morgan Stanley qui pense que l’on ne peut plus en avant et que les indices sont au bord d’une baisse de 10% (au moins). Mais même si l’on est capable de tourner la veste à la vitesse de la lumière si Powell apparaissait dans nos rêves toutes les nuits pour nous dire que ça va bien se passer, on peut en effet se poser des questions sur l’envol des matières premières qui commencent à coûter cher aux entreprises.

Si vous ne prenez que le secteur automobile par exemple :

1) vous avez tout d’abord un shortage dans les composants électroniques qui vous force à payer plus cher ce que vous arrivez à trouver

2) vous avez les métaux de base qui ne cessent de prendre l’ascenseur – si l’on ne cite que l’aluminium qui a pris un ascenseur pour la stratosphère depuis quelques temps – savez-vous combien d’aluminium il faut par voiture ?

3) vous avez les coûts de main d’œuvre qui augmentent puisque plus personne ne veut faire certains jobs, si vous voulez garer assez d’ouvriers, il faut payer plus cher.

En se basant sur cet exemple démontré à la va-vite sur un coin de table avec une tasse de café à la main alors que je suis encore en pyjama, on se rend rapidement compte que le constructeur automobile en question ne va pas non plus pouvoir tout répercuter sur le consommateur tout en bas. Ce qui revient à dire que si les prix à la consommation n’augmentent pas en accord avec les prix à la production, on pourrait avoir un problème avec les chiffres trimestriels des sociétés et le marché pourrait le payer cher. En revanche, si les prix à la consommation augmentent et que l’inflation part en vrille, Powell va devoir freiner la machine avec un tapering, puis une hausse des taux. Et là aussi, le marché pourrait le payer cher.

J’ai peur, j’ai envie de m’acheter un costume de citrouille

À ce stade de ma chronique matinale, je commence à avoir les mains moites et la transpiration qui coule entre les omoplates, la trouille sans doute. D’ailleurs pour illustrer mes angoisses, hier il y a deux sociétés américaines qui ont déjà annoncé qu’ils ont été incapables de répercuter l’augmentation des coûts sur leurs clients et ils ont donc révisé leurs chiffres trimestriels à la baisse. Il s’agit de 3M et de Sherwin-Williams. Faudrait pas que ça devienne une habitude non plus.

Bon. Après mes deux pages d’explications, il me semble que je suis en train de tourner bearish, j’ai déjà les poils qui poussent dans le dos et une furieuse envie de partir hiberner dans une caverne jusqu’au printemps prochain. Je ne sais pas si c’était une bonne idée de me lancer dans cette réflexion au milieu de la semaine… Heureusement, au milieu de tout ça il reste quand même Microsoft qui augmente son dividende et ses rachats d’actions et Apple qui a sorti l’iPhone 13. Et un iPhone, on le sait, ça peut tout guérir.

Après 13 y a 14

La société pilotée par Tim Cook a donc fait son show hier. Franchement, on est loin des présentations de Steve Jobs où TOUT était une révolution. Hier ça frisait plutôt l’emmerdement maximum. L’iPhone 13 ne sera toujours pas compatible Nespresso, mais pas compatible avec des services par satellite non plus. Pour faire simple, les upgrades de l’iPhone 13 sont vraiment mineurs, mais les experts pensent qu’il y a encore tellement de personnes qui sont encore collées avec un iPhone de plus de 3 ans qui ne peut même pas se connecter à la 5G et avoir le vaccin anti-Covid en même temps, que ce léger upgrade va tout de même se vendre comme des petits pains. Moi-même j’attends patiemment le 17 septembre pour passer commande. Les revenus annuels de l’iPhone devraient se situer autour des 194 milliards de dollars. Ce qui fait que ça devrait continuer à bien se passer pour Apple, même si par moment, la société devient presque un peu ennuyeuse.

En tous les cas, hier le titre terminait en baisse de 1% et on peut dire que ça ne fût point une révolution. Autrement ailleurs, on notera que l’on s’inquiète de l’augmentation des cas des COVID en Chine, ce qui fait que l’on vendait les valeurs du luxe, parce que comme tout le monde le sait, quand les Chinois sont malades, ils ne consomment plus de sacs Vuitton et de ceintures Hermès.

En Asie

Cette nuit les marchés asiatiques ont ouvert en baisse après des chiffres économiques décevants en Chine et certaines provinces qui sont en alerte rouge pour le COVID. Mais quelques heures plus tard, tout était revenu à la normale et pour le moment c’est très calme et très inchangé. Le pétrole semble vouloir s’installer au-dessus des 70$, surtout depuis que Bank of America est venu dire qu’il était en route pour les 100$ et ceci pour Noël, surtout parce que l’hiver serait rude et rigoureux malgré le réchauffement climatique. L’or est revenu au-dessus des 1800 pour une xième tentative de break-out et les cryptos sont de retour dans le vert. Et cela, même si la Chine se lance dans une nouvelle campagne anti-cryptos, cela ne semble plus rien faire à personne.

En cas d’accélération haussière sur le Bitcoin ou l’Ether, on pourrait voir à nouveau un engouement massif dans le secteur sachant que la moyenne mobile aura tenu et que Noël se rapproche.

Nouvelles neuves

Dans les nouvelles du jour, on retiendra que Biden a proposé un sommet avec Xi-Jinping et que visiblement, pour parler crûment, les Chinois n’en ont strictement rien à foutre. C’est une jolie petite humiliation pour Biden, mais c’est pas grave, demain il aura oublié qu’il avait proposé quelque chose et il aura même oublié qui est Xi-Jinping. Ailleurs, Pfizer semble prêt à demander l’approbation de la FDA pour que son vaccin anti-COVID soit autorisé pour les enfants dès 6 mois. Ça donnera encore l’occasion d’en parler pendant des heures sur Facebook. Et puis on notera que les Hedge Funds qui font de la crypto sont nettement meilleurs que les Hedge Funds qui n’en font pas, qui eux-mêmes sont meilleurs que ceux qui sont shorts face aux STARS de Wallstreetbets.

Boeing a annoncé hier que selon eux, la pandémie a effacé 2 ans de croissance dans le secteur aéronautique. Effectivement le fait qu’ils vendent des avions qui sont plus souvent par terre qu’en l’air n’a rien à voir. Notons encore que Cathie Wood voit le Bitcoin à 500’000$ dans 5 ans et qu’elle plus confiante que jamais dans l’Ethereum. Elle pense aussi que le patron de la SEC, Gensler, est très dur. En Chine, Evergrande est toujours en train de partir en vrille et on a l’impression que l’on est en train de regarder un immeuble en train de s’effondrer sans rien pouvoir faire, mais tout est en train de se passer au ralenti et pour l’instant, les marchés s’en balancent comme de leur première chemise.

Les chiffres du jour

Pour les chiffres du jour, nous aurons les CPI’s en Europe, mais également la production industrielle en Europe, ainsi que le niveau des salaires. Ensuite, aux USA, nous aurons les prix à l’importation et à l’exportation, puis le New York Empire State Manufacturing Index et également la production industrielle. Comme tous les mercredis, il y aura aussi les inventaires pétroliers, juste pour voir si Bank of America est dans le juste…

Pour le moment les futures sont en hausse de 0.23%, mais on est encore fragile et l’angoisse nous étreint – comme je l’ai longuement, trop longuement expliqué plus haut. Il me reste à vous souhaiter une belle journée, bien du courage et on se retrouve demain à la même heure pour une nouvelle chronique matinale décomplexée !!!

Thomas Veillet

Investir.ch

“Wall Street makes its money on activity, you make your money on inactivity.”

 – Warren Buffett