Le secteur automobile peine sur les plans boursier et industriel. Il fait face à deux problèmes importants: une réduction drastique de la production de voitures, donc des revenus en moins, et une hausse des prix des semi-conducteurs, donc une augmentation des coûts de production. Une situation délicate après une année 2020 quasiment à l’arrêt et un besoin de liquidités pour financer la transition technologique vers le tout-électrique.
La plupart des constructeurs avait déjà annoncé une réduction de 25% de la production pour 2021 à cause d’une pénurie de semi-conducteurs, mais Toyota vient d’annoncer une réduction de 40% de sa production mondiale. La pandémie, avec son lot de contraintes sanitaires et logistiques, perturbe les chaînes de production. Une situation qui devrait perdurer en 2022. Dans l’immédiat, les consommateurs commencent à être réticents à l’idée d’acheter une voiture neuve, car soit les constructeurs n’offrent plus toutes leurs gammes complètes, donc un choix réduit, soit les délais de livraison sont insoutenables, parfois au-delà d’une année. Cette situation explique la hausse des ventes et des prix des voitures d’occasion.
La coïncidence de la pandémie, de l’expansion des nouvelles technologies (5G, gaming, biens de consommation électroniques, cloud) et des énergies alternatives – l’urgence climatique accélère les investissements dans le solaire, l’éolien et les EV/batteries – expliquent la pénurie de semi-conducteurs. Un véhicule électrique consomme 3 à 4 fois plus de semi-conducteurs. Mais pas seulement. Les productions de NXP Semiconductors et de Samsung Electronics avaient été affectées par le gel au Texas en février et en mars la plus grande usine de Renesas Electronics avait subi un incendie au Japon, après un tremblement de terre en février. Renesas s’impose comme le 3ème plus important fournisseur de puces à l’industrie automobile, derrière Infineon et NXP, mais devant Texas Instruments. La société japonaise Rohm prévoit une offre tendue en 2022.
Les fabricants de semi-conducteurs ont aussi leurs problèmes avec l’approvisionnement en matières premières, comme l’eau ou les métaux essentiels. Le processus de fabrication demande beaucoup d’eau et la sécheresse à Taiwan, qui compte pour 60% de la production mondiale, met la production sous pression.
Pour être en mesure de se commuter de manière quasi instantanée, les circuits doivent donc être fabriqués avec un matériau semi-conducteur – une substance dotée d’une résistance électrique proche à la fois d’un matériau conducteur et d’un matériau isolant; le silicium est le matériau semi-conducteur le plus utilisé, du fait de ses bonnes propriétés et de son abondance naturelle. Mais il existe également des dizaines d’autres métaux semi-conducteurs, comme le germanium, l’arséniure de gallium ou le carbure de silicium. Les contraintes sanitaires dans les pays producteurs de minerais et les disruptions logistiques dues à la pandémie se répercutent sur l’approvisionnement des métaux et accroissent ainsi les coûts de production. La semaine dernière, Infineon et TSMC ont annoncé une hausse des prix des semi-conducteurs de 10% à 20%. Les autres vont suivre.
Les principales raisons d’une possible pénurie structurelle de semi-conducteurs:
- les véhicules électriques utiliseront 3-4x plus de puces,
- pour des raisons de fiabilité, les constructeurs automobiles et les équipementiers auront tendance à privilégier les «vieilles» technologies, alors que les fonderies et les designers de semi-conducteurs préfèrent investir dans les puces à forte valeur ajoutée,
- la consommation de produits électroniques dédiés au gaming va fortement augmenter.
Il y a des points positifs liés à cette situation:
- on est face à un problème d’offre et non de demande. On peut s’attendre à un puissant rebond des ventes lorsque la situation se normalisera,
- les stocks de voitures devraient rester bas, renforçant le «pricing power» pour les constructeurs automobiles et
- les constructeurs pourraient être forcés à réduire leurs gammes, ce qui se traduirait un meilleur mix, donc un impact positif sur les marges.
On suivra l’IPO prochaine de Rivian, une société américaine qui fabrique des pick-ups électriques. Rivian vise une valorisation de $80 milliards (!), alors qu’elle ne vend pas encore de véhicules, soit supérieure à celles de Ford, GM ou Stellantis. Les actionnaires de référence de Rivian sont Amazon, Ford et Cox Automotive.
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