Hier matin à la même heure les futures étaient légèrement en hausse, les commentaires globaux avaient l’air encourageants et laissaient entrevoir une journée pas trop mauvaise. Visiblement les chiffres de l’emploi étaient déjà de l’histoire ancienne et on avait vraiment l’impression que la journée pourrait être calme. Haussière, mais calme. Et c’est même comme ça que ça avait commencé. Sauf qu’en milieu de journée, il y a quelqu’un qui s’est visiblement rendu compte que l’inflation et l’énergie pouvaient être un problème. À moins que ce soit l’énergie et l’inflation qui soit un problème. Ou alors carrément l’énerflation.

L’Audio du 12 octobre 2021

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Pas perdre de temps

Comme disait le maître : Je ne vais pas y aller par quatre chemins. J’irai droit au but. Je vais vous parler franchement. Je ne vais pas tarder à vous parler franchement : le pétrole a doublé en 12 mois et ça pourrait poser un problème inflationniste un peu plus important que prévu.

Bon, ce n’est pas que c’est une nouvelle exceptionnelle et force est de constater que le prix du baril n’est pas passé instantanément de 40$ à 80$, laissant un gap qui devra être comblé un jour. NON ! Le baril est monté régulièrement, progressivement et pendant toute la hausse, tout le monde l’a regardé monter sans se poser de question. Un peu comme le mec qui était de garde sur le Titanic a regardé passer les icebergs sans trop se prendre la tête parce qu’à la fin : hey, on sait tous que le Titanic il ne peut pas couler.

Sauf que là, tout d’un coup, hier, en plein milieu de journée alors que l’on est en train de fêter Christophe Colomb et de saluer comment il a traité les indigènes en arrivant aux USA, d’ailleurs on se demande même comment en 2021 on considère que Christophe Colomb a encore sa place dans l’histoire et que l’on a n’a pas encore déboulonné sa statue au nom de toutes ses exactions, puisque c’est très à la mode. Mais ceci est un autre problème – les intervenants se sont donc rendus compte que si le baril montait, que si le gaz montait, que si le charbon montait et qu’en plus on continuait à rouler en voiture, faire des croisières en bateaux prendre des avions et EN PLUS vouloir se chauffer en hiver… À ce prix-là, on allait rapidement avoir un problème. Pour ne pas dire un gros problème. Oui, parce que moi je n’ai pas fait de grandes études, mais disons que quand je fais le plein de la voiture pour 35% de plus qu’il y a six mois et que je roule toujours autant, je me dis que ça va quand même commencer à poser problème un jour ou l’autre.

Alors soit, je suis hyper-content de contribuer au paiement du salaire d’Alain Berset et de ses potes, puisqu’une bonne partie de l’augmentation passe également en taxes et quand on voit les politiciens que l’on a, on peut qu’être au bord de l’orgasme rien qu’à l’idée de payer des taxes, mais je me dis que « quand même », à un moment ça va coincer.

Or noir et gaz naturel

Et c’est exactement ce qui s’est passé hier : on a commencé à se dire que ça va forcément commencer à gripper les rouages de l’économie à un moment ou à un autre. Quant au concept d’inflation contrôlée, je crois que l’on peut gentiment la classer dans la liste des animaux en voie de disparition. On se réjouit d’ailleurs du meeting du FOMC en novembre pour entendre Jerome Powell nous expliquer le concept et sa pérennité dans les croyances des investisseurs.

Donc, après une ouverture en hausse et après une prise de conscience rapide sur le fait que ça pourrait se compliquer au niveau inflation et au niveau énergie – deux choses qui sont d’ailleurs étrangement liées – en ajoutant à cela une nouvelle révision à la baisse du PIB américain par Goldman Sachs et la journée était pliée. Les Européens ont encore pu « à peu près tenir le coup » à cause du décalage horaire, mais la clôture aux USA était franchement pas terrible, au plus bas de la séance et pleine de doutes et d’interrogations. D’ailleurs en regardant la tronche des futures ce matin, celle des marchés asiatiques et en plus à cause du fait qu’ils annoncent une météo pourrie et bientôt la neige en pleine, autant vous dire que pour ce qui de la séance d’aujourd’hui, ça risque d’être encore pire.

Non, je vous le dis clairement, là ce matin c’est moche est ça pue. Et quand on regarde les justifications de la baisse d’hier, il n’y a pas de raisons que ça change ce matin. Powell ne parlera pas aujourd’hui, sans compter que ça n’est pas Clarida et Bostic qui EUX parleront qui vont changer la face du monde. Les chiffres que l’on attend n’ont pas le pouvoir d’inverser la tendance, le pétrole est en baisse, mais ça n’est pas les 30 cents qu’il perd en ce moment qui va me soulager à la pompe et du coup, je crois que l’on peut classer ce mardi 12 octobre dans les journées pourries. Sans compter que lorsque l’on regarde les graphiques, que ce soit du DAX ou du S&P, on assez envie de se poser dans un fauteuil avec de la bière et un kilo de popcorn et regarder le marché se péter la figure pendant un ou deux jours.

Mémoire courte et cheveux longs

Oui, parce qu’il ne faut pas non plus paniquer. Il ne faut pas oublier non plus que ce qui nous fait peur ce matin peut être oublié cette après-midi. Que ce qui nous angoisse terriblement à l’instant présent pourrait être une raison d’acheter dans 24 heures. Et n’oublions pas surtout que nous avons une mémoire de poisson rouge. Et encore, c’est presque insultant pour le poisson rouge. J’aurais pu dire une mémoire de monocellulaire mais c’est plus difficile à visualiser et c’est moins chouette à regarder dans un aquarium.

Donc, là tout de suite, ça pue. On va certainement me reprocher de ne pas être assez optimiste, mais que voulez-vous ; l’avantage en tant que chroniqueur boursier, c’est que je peux tourner la veste tant que je veux et je peux presque toujours donner l’impression d’être dans le camp de ceux qui ont raison et qui vous l’avait dit. Pour être franc avec vous : là tout de suite quand on voit ce qu’on voit, qu’on entend ce qu’on entend et que l’on fait le plein d’essence comme j’ai fait le plein d’essence hier, on a raison d’être couché sur le sol en position latérale de sécurité à écouter de la musique douce pour calmer notre rythme cardiaque et faire une régression en enfance.

Je crois que le seul truc qui pourrait nous sauver et nous rassurer là tout de suite – mis à part un nouveau stimulus de 1’000 milliards ou le retour de Donald Trump à la Maison Blanche – ça serait une saison des publications trimestrielles extraordinaire, sauf qu’il va falloir se magner parce que ça commence vraiment mercredi et que les vrais chiffres qui pourraient nous motiver sortent dans deux semaines et que je ne suis pas certain que nous ayons deux semaines. Sachant que la saison des krachs se termine dans 19 jours, ça va faire serré pour que l’on soit en forme pour le rallye de fin d’année. J’ajouterai également que si vous voulez vous faire peur, regardez le graphique du SOX.

L’Asie en dépression à nouveau

En ce qui concerne les marchés asiatiques, je ne vais pas vous faire un dessin. C’est assez simple et ça se résume en deux mots :

– Energie

– Inflation

Ou un seul si vous préférez : Enerflation.

Oui, que ce soit à Tokyo, à Hong Kong ou à Shanghai, ce matin on a tous peur des prix de l’énergis qui pourraient provoquer une vague d’inflation dont on se passerait bien. Bref, ils tiennent plus ou moins le même discours que je vous ai tenu trois lignes plus haut. Le Nikkei, le Hang Seng et Shanghai sont tous en baisse de 1% dans une harmonie assez rare pour être signalée.

Pour le reste, le baril est donc en phase de pull-back – un pull back timide puisque selon l’instant le baril est toujours au-dessus des 80$. L’or, je passe parce que tout le monde s’en balance et qu’il me faut un peu de place pour le Bitcoin. Oui, le Bitcoin est au centre du monde à l’heure actuelle, parce que le patron de JP Morgan, Môôôssieur Jamie Dimon a déclaré il y a quelques heures que le Bitcoin ne valait pas un centime et qu’il était « sans valeur ». Dans un monde normal, ça aurait provoqué une vague de panique, mais comme Dimon a mis un point d’honneur à faire des commentaires négatifs sur le Bitcoin depuis 7 ans, la communauté entière des cryptomonnaies s’est donnée la main pour se foutre ouvertement de sa gueule sur le net, sur Twitter, sur Instagram et même dans les journaux classiques.

Il faut donc retenir que le Bitcoin est à près de 57’000$ et qu’il fait un gigantesque doigt d’honneur au patron de JP Morgan a cette occasion, mais il est vrai qu’il l’a un peu cherché. Oui, un peu cherché car si l’on fait la liste de ses commentaires sur le sujet et de ses actes, on peut dire qu’il l’a vraiment cherché.

En 2014, il déclare que c’est un moyen horrible de stocker son argent…

En 2015, il annonce que le Bitcoin va mourir et qu’il doit être interdit…

En 2016, sur une subite inspiration, il annonce que « ça ne va nulle part »..

En 2017, il en est certain : c’est une fraude…

En 2018, il publie un tweet pour dire qu’il n’en a rien à foutre (don’t give a shit en anglais)

En 2019, il ne dit rien, mais JP Morgan commence à offrir des cryptomonnaies à ses clients.

En 2020, après 2 ans d’absence, il annonce que ce n’est pas sa tasse de thé.

Et aujourd’hui, le patron de JP Morgan estime que « ça ne vaut rien »…

Alors entre vous et moi, je ne suis pas convaincu qu’il ait raison ou tort, mais son conseiller en communication pourrait simplement lui recommander de fermer sa gueule. Ça ne ferait de mal à personne et ça lui éviterait de déclencher l’hilarité dans le monde des cryptos.

Nouvelles du jour

Côté nouvelles du jour, je vais être très clair, il n’y a rien à dire. Sinon le fait que tout le monde est angoissé que l’on parle d’inflation et d’énergie « crunch » un peu partout et que j’en ai déjà assez parlé plus tôt dans cette chronique. L’angoisse est palpable et les marchés européens sont prêts à ouvrir à la cave. Va falloir se dépêcher de tourner la veste ou de trouver une raison d’acheter, parce que sinon d’ici demain on va nous rappeler à coup de gros titres que le krach de 1987, c’était le 19 octobre et que celui de 1929, c’était le 24 et le 29… Donc statistiquement, c’est dans la seconde partie du mois que ça se passe. Comme Halloween.

En revanche, pour ce qui est des chiffres du jour, il y aura quand même le ZEW en Allemagne et les Jolts aux USA. Ça nous donnera un peu de matière à discuter et de faire comme si les chiffres économiques nous intéressaient lorsque tout va mal. Les futures sont donc au fond du bac, l’Europe va ouvrir au fond du bac et moi je vais explorer la Suisse profonde. Il me reste à vous souhaiter une très belle journée (quand même) et on se retrouve demain avec un titre qui contient le mot « krach » dedans, parce ça fait vendre.

Bon café, bon croissant et soyez forts. On se voit demain !!!

Thomas Veillet

Investir.ch

« Here’s something to think about: How come you never see a headline like ‘Psychic Wins Lottery’?”

Jay Leno