Des fois je me dis que si ce qui se passe dans le monde aujourd’hui avait été un scénario rédigé exprès pour Hollywood, les producteurs n’en auraient pas voulu parce que ça n’était pas assez crédible ou tout simplement « trop exagéré ». Il est vrai que, là où nous en sommes, il ne manque plus qu’un tremblement de terre sur la faille des Sans Andrea et que les aliens débarquent à Washington pour que l’on ait un best-of de ce qui s’est imaginé dans la tête de l’ensemble des scénaristes hollywoodiens qui se sont fait des soirées LSD ces 15 dernières années. Pourtant c’est juste la réalité et ça ne semble jamais vouloir s’arrêter.

L’Audio du 7 mars 2022

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Vivons l’instant présent

Je pense qu’étant donné le nouveau rebondissement de ce lundi matin – le disjonctage du prix du baril – il n’est pas forcément nécessaire de revenir sur ce qui s’est passé vendredi dernier.

Oui…

Bon.. D’accord..

Je reviens dessus, mais pas longtemps.

Les marchés européens n’ont donc que très moyennement supporté l’épisode de la centrale nucléaire qui se faisait bombarder en Ukraine. Visiblement le concept des « frappes chirurgicales » ne s’applique qu’à l’armée américaine, puisque l’on a beaucoup moins confiance sur les capacités de l’armée russe à éviter un réacteur nucléaire qu’en celles de l’US Air Force de shooter un bédouin qui transporte un lance-roquette sur sa mobylette au milieu du désert avec un drone qui vole à 9 kilomètres d’altitude. Pourtant, en Europe on a l’expérience des explosions nucléaires et on devrait savoir que les nuages toxiques bourrés de plein de saloperies qui ont la capacité de nous transformer en Hulk tout vert, ont tendance à s’arrêter à la frontière des pays qui font partie de l’alliance atlantique.

Peu importe le passé, le présent est une autre histoire et à chaque jour suffit sa peine.

Depuis quelques semaines, faire de l’investissement avec une vision à plus de 3 heures est devenu tout simplement utopique. Pendant que Poutine et Zelensky se mettent sur la tronche, le monde merveilleux de l’investissement se contente de surfer la vague des informations et des contre-informations. Vendredi c’était donc la fin du monde sur les marchés du Vieux-Continent et quand on voit les graphiques du CAC, du DAX et du SMI – sans parler de l’indice italien qui vient de retomber dans ses vieux travers de 2011 – on a l’impression que c’est une forêt de couteaux qui tombent.

Et puis y avait les chiffres de l’emploi

Et puis, vendredi il y avait aussi les Non-Farm Payrolls. Oui, vous savez, les chiffres de l’emploi américain, ce truc qui nous a obsédé pendant des mois et des mois et qui nous empêchaient presque de dormir tous les premiers jeudi soir de chaque mois rien qu’à l’idée que les chiffres puissent nous déplaire et que l’on ait soudainement des envies suicidaires. Ces mêmes chiffres qui étaient considérés comme « un des chiffres les plus importants pour les futures décisions de Jerome Powell et de ses amis ». Ces mêmes chiffres qui, aujourd’hui n’intéressent presque plus personne parce que tu comprends, les Russes sont en train de bombarder une centrale nucléaire…

Eh bien toujours est-il que l’on attendait 400’000 nouvelles créations d’emplois et que le chiffre officiel qui a été annoncé est de 678’000 nouveaux jobs. Alors je ne vais pas faire de remarques sur le fait que l’on s’est gouré de 278’000 personnes et que 278’000 personnes ça fait quand même du monde si tu les alignes en file indienne en bas du bureau. Mais ça serait dire du mal et critiquer l’utilité des prévisions économiques et mettre en doute la qualité de la recherche des banques d’affaires. Et tirer sur l’ambulance, c’est interdit par le code de déontologie de la chronique financière, tout comme frapper un homme à terre est très mal vu également.

Mais toujours est-il que ce nouveau chiffre montre encore une fois – si le doute était encore permis, que l’inflation ne ralenti pas et que les chiffres du CPI qui sortiront jeudi ne devraient pas montrer le moindre ralentissement. Ce qui – in extenso – devrait permettre à Powell de monter les taux d’un quart de pourcent, comme il l’a annoncé lors de son témoignage devant le Congrès la semaine dernière.

Le pétrole en mode fusée

On peut donc légitimement penser que la problématique de l’inflation n’est pas encore réglée et que le boulot de la FED n’a pas non plus l’air de se simplifier. En effet, il ne va pas être simple de monter légèrement les taux pour essayer de freiner l’inflation, alors que le consommateur est en train de flipper complètement et passe ses journées sur le net pour trouver des tuttos sur « comment fabriquer son abri antiatomique soi-même avec trois planches et une perceuse » ou « comment faire son propre masque à gaz avec une canette de bière vide et un collant usagé ».

Sans compter que pendant que Powell prévoit de se battre contre l’inflation à coup de 0.25% tous les trois mois, on a le pétrole qui monte de 10% toutes les trois heures. Et sachant que chaque hausse de 10 dollars sur le baril c’est 500’000 infarctus par jour en voyant le prix du litre à la station du coin de la rue, on imagine bien que le travail des banquiers centraux ne va pas être simple. C’est un peu comme si on vous badigeonne le corps avec du miel et que l’on vous lâche dans la fosse aux ours à Berne avec pour tout moyen de défense, un sabre en plastique acheté après l’attraction « Pirates des Caraïbes » à DisneyLand.

Et puis alors si on imaginait que ça n’allait pas être facile de juguler l’inflation avec un baril qui franchissait la barrière mythique des 100$ la semaine dernière, je vous laisse imaginer ce que l’on va imaginer ce matin avec le baril qui a touché les 130$ durant le week-end. Je ne saurais trop vous recommander de courir faire le plein ce matin avant qu’ils nous montent le prix de l’essence à 3 francs le litre. Oui, parce que n’oublions jamais que les stations-service sont très forts pour monter le prix de l’essence à chaque hausse du baril, mais bien moins prompts à le faire dès que ça baisse – parce que tu comprends, faut éponger les stocks.

Les Alliés ne veulent plus du pétrole russe

Ce matin, le lundi 7 mars 2022, ce ne sont pas les bombardements russes sur les centrales nucléaires qui font flipper les marchés, mais le fait que le baril a tapé les 130$ parce que Biden et ses alliés Européens, la marionnette Macron en tête, sont en train de se demander s’ils n’allaient pas s’autoriser à « black lister » le pétrole russe. Chose qui a immédiatement déclenché une accélération haussière sur le baril, sans compter que, dans la foulée, deux analystes ont annoncé que –  « selon eux » – le baril pourrait atteindre les 200$ d’ici tout soudain. Nous sommes donc repartis dans les targets délirants comme nous l’avions fait en 2009 – époque maudite où le baril à 300$ était un coup sûr selon l’analyste de Goldman Sachs. La bonne nouvelle, c’est que quand les analystes n’ont plus aucun complexe pour augmenter leurs objectifs à coup de 100$, c’est que l’on arrive en général au bout du mouvement haussier.

Autant vous dire que la panique haussière sur le pétrole et les conséquences inflationnistes que cela va inévitablement avoir – sans compter le fait que chaque fois que le baril a passé les 100$ ces 50 dernières années, nous avons eu une récession direct derrière – n’encourage pas les gens à trouver que le soleil brille et que les oiseaux chantent ce matin… Les futures sont largement dans le rouge (-1.25%) et l’Asie se fait littéralement massacrer. Le Nikkei est en baisse de près de 3%, le Hang Seng recule de 3.5%, la Chine de 2% et c’est pas mieux à Mumbai. Le pétrole se traite à 126.20$ sur le WTI et à 130.17$ sur le Brent. L’or est à 1984$ et revient un poil après avoir touché les 2’000$, quant au Bitcoin qui n’est plus une valeur refuge, il s’échange à 38’000$, de retour en bas du canal latéral.

Les nouvelles du jour

Dans les nouvelles du jour, en dehors du fait que le pétrole et la guerre en Ukraine trustent les premières pages des journaux, on retiendra aussi que Tik-Tok, Netflix, Mastercard et Visa ont également coupé tout lien avec la Russie. Que les négociateurs sont tout près de trouver un accord pour que les Iraniens puissent vendre leur pétrole légalement – comme quoi on est capable de l’impossible quand on ne sait plus quoi faire pour faire baisser le prix du baril – Warren Buffet vient d’annoncer une participation énorme dans Occidental Petroleum, Poutine a décidé que les sociétés russes devraient dorénavant payer leurs coupons en roubles, il se pourrait même qu’ils aient le choix de payer en roubles ou en billets de Monopoly, ce qui devrait avoir plus ou moins la même valeur.

Un analyste de Goldman Sachs pense que tout est survendu et qu’il faut racheter. Et puis Cathie Wood continue de penser que ces 5 prochaines années nous allons assister à des performances stratosphériques de la part des marchés financiers – et surtout dans la haute-technologie. C’est courageux. Surtout que l’on ne sait toujours pas ce que l’autre cinglé a dans la tête. Et puis, pour terminer, nous avons Elon Musk qui demande que l’on produise plus de pétrole et que l’on fore à puissance maximale pour faire baisser le prix du baril. Comme quoi on peut avoir des convictions écologistes mais être capable de les mettre de côté pour le bien de tous.

Conclusion

Les futures sont donc au fond du bac, l’Europe devrait ouvrir encore en baisse et la volatilité va remonter en direction des 40% – point d’inflexion où, d’habitude, les algos débarquent pour sauver le monde. Est-ce que cela fonctionnera encore cette fois ? La réponse dans quelques heures. Une chose est sûre, ça ne sera pas facile de se dépatouiller de crise actuelle qui ressemble plus à une « perfect storm » qu’autre chose. Quand tu as l’inflation qui explose, le baril qui explose encore plus vite et la FED qui a des munitions en caoutchouc pour lutter contre et qui doit (en plus) agir avec parcimonie et intelligence alors que le consommateur est terrifié par le comportement de Vlad l’empaleur, tout cela paraît bien compliqué pour désamorcer la bombe en étant certain de couper le bon fil pour ne pas faire sauter toute la planète.

Excellente journée à tous, bon début de semaine et à demain.

Thomas Veillet

Investir.ch

« There never was a good war or a bad peace.”

Benjamin Franklin