Après une série de séances bien pourries, ça devait forcément se finir par une « sorte de rebond ». Je dis « une sorte », parce que franchement, étant donné ce que l’on s’est pris dans les dents depuis deux semaines, on aurait quand même pu s’attendre à mieux. Mieux que ce poussif sautillement sous prétexte « d’opportunité d’achat », alors qu’au moindre chiffre décevant on sera prêt à tout rebalancer au premier prix qui nous tombera sous la main. On peut comprendre que les intervenants soient plein de doutes, il suffit d’ouvrir le premier journal qui vous tombe sous la main et vous verrez que l’Apocalypse économique que l’on vous prédit n’est pas ce que l’on peut qualifier de motivant.

L’Audio du 11 mai 2022

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Toujours la même purée

On ne va pas se mentir, les sujets sont toujours les mêmes et la journée aura été principalement passée à soupeser le pour et le contre. Le « pour » étant le camp de ceux qui pense que la récession ne passera pas par nous, que les taux vont monter mais que la FED va maitriser l’inflation tout en laissant subtilement l’économie fonctionner en lui tapant gentiment sur les fesses. Le camp des « contres » ; c’est exactement l’inverse.

L’Europe aura donc terminé la cession sur une note positive alors que les intervenants justifiaient leurs achats avec le terme rassurant « d’opportunités d’achat ». En gros, tu ramasses tout ce qui est tombé du camion et qui se traite un peu trop bas par rapport aux histoires que l’on se racontait il y a trois semaines et ensuite tu vas mettre un cierge à l’église en espérant que Largarde ou Powell ou encore n’importe quel clown qui bosse pour une banque centrale, ne viennent pas te dire qu’il craint que nous n’ayons point encore « pricé » une éventuelle récession.

Moins facile à New York

D’ailleurs, pendant que les Européens rachetaient du bout des doigts, c’était même carrément moins évident aux USA. Le Nasdaq remontait de 1% – mais on pouvait largement comprendre, étant donné ce qu’il s’est pris dans la tronche depuis une semaine. Par contre le reste était extrêmement poussif. Le S&P500 terminait en hausse de 0.25% alors que le vénérable Dow Jones baissait MÊME de 0.26% et baissait pour la sixième séance consécutive. Je ne sais pas si c’est un détail pour vous, mais pour certains, ça veut dire beaucoup. Ça veut dire que même les gros titres de « value » ne sont plus considérés comme une alternative à la peur et que l’on se demande toujours ce que l’on pourrait bien faire si la récession devenait vraiment un problème.

Il faut dire que ça ne devient pas simple d’éviter le sujet, puisque la plupart des experts en économie avec un master en boule de crystal sont en train de prendre d’assaut les palteaux pour donner leurs avis et nous mettre en garde contre le fait que nous n’avons pas encore assez baisser et que le S&P500 VA ENTRER EN BEAR MARKET, que c’est une évidence et que 2022 aura été une année de merde jusque-là et que ça risque bien de continuer jusqu’en 2023. Sans promettre aucunement que l’arrivée en 2023 va changer quoi que ce soit. Oui, hier on avait oublié le Monsieur qui avait calculé que le Bear Market se terminerait le 19 octobre à 12h47 et que le S&P500 serait à 3’000 et on a donné la parole au Monsieur qui disait que la récession, ou plutôt l’éventuelle récession, n’était pas encore dans les prix à 4’000 sur le S&P et que lorsque nous serons à 3’500, alors là, on pourra dire qu’on y est. Ça nous laisse un joli printemps devant nous.

Danger à l’horizon

Après, on peut être frustré par le rebond anémique d’hier, mais dans notre désir absolu de trouver des réponses à la mollesse de la journée américaine d’hier, je crois que l’on peut largement attribuer ce manque d’enthousiasme, enthousiasme qui aurait fait passer un troupeau d’escargots pour une bande de potes à l’ouverture de la saison d’été à Ibiza, à l’angoisse de voir arriver la publication des chiffres du CPI cette après-midi.

Alors les chiffres du CPI ; c’est quoi ?

Si vous n’étiez pas avec nous en ce début d’année, parce que vous aviez justement décidé de passer vos journées au fitness pour préparer l’ouverture de la saison à Ibiza et qu’en ce temps-là, les problèmes des marchés financiers et les désirs expansionnistes de l’ami Poutine vous passaient au-dessus de la tête, sachez que le CPI aura été une des raisons pour laquelle le Nasdaq est en Bear Market et pas à 22’000 comme on pouvait raisonnablement l’espérer si l’on se basait sur sa tendance haussière de ces dernières années. Le Consumer Price Index, comme on l’appelle quand on n’est pas encore intime avec lui, aura été le grand inquisiteur de ce presque premier semestre 2022.

CPI

C’est lui qui a mis la puce à l’oreille de Powell quand il s’est rendu compte que l’inflation n’était plus transitoire et qu’il allait falloir arrêter les conneries avec l’argent facile et que les taux allaient remonter à la vitesse de la lumière. C’est encore lui qui a atteint des niveaux plus vus depuis 40 ans. Et celui que l’on regarde avec angoisse tous les mois pour savoir si on va payer notre pain quotidien un peu plus cher que le mois dernier et si le plein d’essence du V8 va coûter plus cher que le loyer très bientôt.

Autant vous dire qu’avec ce chiffre qui doit sortir tout à l’heure, l’angoisse était palpable hier. En effet, on a entendu dire par-ci-par-là que ce mois, il pourrait y avoir ENFIN des signes de ralentissement de l’inflation. Ce qui pourrait avoir l’avantage de nous laisser respirer un peu mieux et de nous donner un tout petit espoir par rapport à cette histoire de récession et de hausse des taux. En revanche, si les bruits de couloirs sont faux et que le chiffre de cette après-midi est pire que le précédent et au plus haut depuis 50 ans, je ne garantis pas le soft-landing économique et je ne garantis pas non plus que les airbags du marché fonctionnent correctement en fin de journée. On attend donc un CPI à 8.1% aux USA et à 7.4% en Allemagne. C’est un peu comme un penalty, si ça passe, on est les champions et si ça passe pas ; on est dans l’avion.

L’Asie

Ce matin toute l’Asie est dans le vert et ça faisait un moment que nous n’avions plus assisté à ça. Le Japon avance de 0.3%, pendant qu’Hong Kong et la Chine grimpent de 1.5% après avoir touché leurs plus bas depuis des mois ces derniers jours. On sent comme un pari, ou un vent d’espoir. Comme si les gens se plaçaient en embuscade au cas où le CPI descendait à 3% sou l’effet magique de Powell et son équipe de troubadours.

Pour le reste, le pétrole est à 101.48$ et tant que la Chine ne déconfine pas et qu’ils ne sont pas négatif en termes de cas COVID, on dirait que ça ne remontera pas. Bien que 2.12 le litre me paraisse encore trop cher, je préfère le voir à 101.48$ qu’à 200$ comme annoncé par les experts il y a quelques semaines, au moment du débarquement des Russes en Ukraine. L’or est définitivement dans le coma. Le métal jaune semble incapable de monter ne serait-ce qu’un jour et ce matin il se traite à 1836$. Pour le moment la moyenne mobile des 200 jours fait office de support. Mais combien de temps ? Ensuite, ça sera 1800$, puis adieu veaux, vaches, cochons. Un peu comme le Bitcoin. Ce matin la monnaie miracle a donc stoppé sa chute et se traite courageusement à 31’000$, reste à savoir à quel moment Monsieur Musk va venir la manipuler pour qu’elle remonte – oui, parce que là tout de suite, on dirait que plus rien ne peut fonctionner sur cette planète si Musk ne s’en mêle pas. D’ailleurs, il attend quoi pour racheter la Russie et virer le CEO ???

Les nouvelles du jour

Pour ce qui est des nouvelles du jour, Musk – eh oui, encore lui – a annoncé qu’il allait faire revenir Trump sur Twitter. Il a déclaré que de l’avoir évincé à l’époque était moralement inacceptable. Ce qui est fou, c’est qu’à l’époque, ceux qui avaient dit que ça n’était pas normal de priver Trump de l’accès à Twitter avaient été cloués au pilori et copieusement vilipendés sut Twitter. Mais aujourd’hui, comme c’est Musk qui dit, tout le monde se pâme d’admiration devant sa déclaration. L’humain est globalement très con.

Dans la série, je suis un âne, Biden a débloqué encore une nouvelle aide pour l’Ukraine. Les Américains n’ont même pas une assurance maladie décente et l’autre grabataire se sent investit d’une mission divine : détourner les fonds US pour supporter sa guerre perso en Ukraine. Et pendant ce temps, il claironne partout à qui veut l’entendre qu’il veut lutter contre l’inflation et que c’est sa priorité. Comment ce mec a pu arriver à ce poste. Bon, tu me diras que nous on a quand même bien Guy Parmelin.

Il faudra aussi retenir que Coinbase a complètement foiré ses chiffres trimestriels et se traitait en baisse de 10% de plus hier soir. Peloton a creusé sa perte et s’estime mal capitalisée, les sanctions trimestrielles continuent donc de tomber et ça continue à faire super-mal. Pendant ce temps, le fonds de Cathie Wood continue d’engranger des souscriptions. Malgré une chute de 75% – on continue de moyenner à la baisse. Tesla a repris 1.5% hier malgré que leur usine chinoise soit fermée et que tout le monde s’attend à des chiffres pourris pour les ventes locales et pour terminer, Pfizer fait son shopping avec l’argent de nos vaccins et rachète Biohaven Pharma pour près de 12 milliards. Biohaven prenait 68% hier. Celui qui a vendu tous ses Bitcoins y a deux jours et qui a tout mis sur Biohaven avec des calls 100 échéance fin du mois, doit être plutôt content.

Chiffres du jour

Pour les chiffres du jour, nous aurons le CPI en Allemagne, le CPI aux States et c’est ce qui va principalement nous occuper. Pour les trimestriels, vous pourrez observer attentivement Walt Disney, Rivian et Beyond Meat. Ces trois-là publieront ce soir after close, mais ça promet d’être drôle : Disney parce que tout le monde va regarder ses chiffres de streaming pour voir si ça va faire comme Netflix, Rivian tout le monde va voir si Amazon va aussi vendre sa participation et Beyond Meat parce qu’à chaque publication trimestrielle, c’est le grand-huit.

À l’heure où je vous parle, c’est-à-dire 6h50, les futures sont en hausse de 0.36% et je ne sais même pas comment je suis arrivé au bout de cette chronique tellement je suis malade. Le pangolin à la chauve-souris qui ne passe pas, sans doute. Passez une excellente journée et on se retrouve, comme d’habitude, demain.

Thomas Veillet
Investir.ch

“Be yourself; everyone else is already taken.”

– Oscar Wilde