Nous sommes lundi matin. C’est à peu près la seule certitude que nous puissions avoir en cette fin de mois de juillet. La semaine s’est terminée en baisse à New York, alors que l’Europe s’accrochait aux rideaux et tenait le coup. Vendredi c’est les réseaux sociaux et la publicité digitale qui en aura pris plein les dents, soudainement les dépenses de marketing semblent fondre comme neige au soleil et que SNAP a mené la danse avec des chiffres immondes pour le second trimestre consécutif et des commentaires qui donnent assez envie de prendre un billet d’avion pour aller frapper le management avec une batte de baseball. Mais ce trimestre cauchemardesque a aussi des conséquences ailleurs.

L’Audio du 25 juillet 2022

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Contagion

Depuis l’apparition du COVID, nous en avons appris un paquet sur le concept de la contagion. Sauf que là, on parlait d’un virus et que lorsque l’on parle de finance, il ne suffit pas de juste se laver les mains avec de l’abricotine 8 fois par jours et de porter un masque. Lorsqu’il s’agit de finance, on peut commencer à se dire que lorsqu’une boîte à moitié pourrie comme SNAP se fait défoncer sur ses résultats – 40% à la casse vendredi soir quand même – c’est que le mal est peut-être plus profond, comprenez que la pub sur les réseaux sociaux est soudainement un peu moins l’El Dorado pour les influenceurs qui partent à Dubai et que les entreprises qui parachutaient des tonnes de dollars sur le net pour faire « du business » commencent à se demander si tout cela vaut bien la peine et si, balancer des pubs tous azimuts sur Facebook, Instagram, Snapchat et Twitter, fait vraiment du sens et si c’est bien rentable. Surtout que les mois à venir pourraient éventuellement peut-être se compliquer un peu plus – et ce, même si Madame Yellen dit que tout va bien et que nous ne sommes pas en récession parce que l’emploi va bien – oui, parce que ça fait quand même deux semaines que les « big techs » commencent à réduire la voilure pour se « prémunir des mois difficiles qui arrivent ». Et on peut largement se dire que quand Microsoft, Google, Apple, Amazon et les autres commencent à sentir le roussi, ils ne peuvent pas TOUS se tromper…

Toujours est-il que le bain de sang de SNAP pourrait être prémonitoire pour la suite des évènements et remettre en question la durabilité même du rebond dans lequel nous sommes actuellement. La semaine dernière le S&P500 a tenté de casser les 4’000 points à la hausse, mais la clôture de vendredi soir aura mis tout le monde d’accord sur la possibilité de de pouvoir le faire et, en ce début de semaine de FOMC Meeting, il ne sera pas facile de trouver l’énergie tout de suite pour y aller. Nous allons donc devoir commencer la semaine en sachant raison garder et en conservant en tête qu’il y a plein de questions qui vont donner des réponses durant les 5 prochains jours.

Big trouble ahead for big techs ?

En dehors du fait que la publicité sur les réseaux sociaux, c’est plus ce que c’était. En dehors du fait qu’un des articles les plus mis en avant dans le monde de la finance c’est le fait qu’Elon Musk a eu une aventure avec la femme du patron de Google, Sergueï Brin, et que c’est à cause de ça qu’ils ont divorcé. On peut donc se demander comment Elon Musk fait pour gérer ses journées. Sachant qu’en dehors du fait de gérer Tesla, Starlink, ses fusées et ses intentions d’aller sur Mars. Mais qu’en plus il semble obsédé par le fait d’avoir un enfant tous les trois mois, peu importe la mère, il a l’air incapable de résister à tout ce qui porte une jupe. En plus de cela, nous aurons les chiffres trimestriels de plein, plein de monde et que les publications des GAFAM’s seront des plus importantes, sans compter le reste des membres du S&P qui seront de sortie avec des Visa, Pfizer, Roku, Exxon, Chevron, McDO et Coca pour ne citer qu’eux. Et au vu des déclarations prudentes de bons nombres de ces sociétés, il y a de quoi s’inquiéter sur la qualité des chiffres qui vont être annoncés, mais en plus sur la guidance qui va être communiquée.

Et ça n’est pas tout. Ça n’est pas tout parce qu’en plus des chiffres qui vont être publiés, on sent que pas mal d’analystes commencent à se demander si cette saison de publication qui bat son plein, n’est pas aussi le début d’un changement d’attitude dans le secteur technologique et que les années d’or sont peut-être terminées dans le secteur, que les mecs qui gagnaient des millions par année pour bosser depuis la maison en pyjama, c’est peut-être plus trop tendance. Ce qui pourrait remettre en question l’eco-système techno dans les mois à venir. Et puis, toutes ces considérations micro-économiques vont devoir être gérées avec les déclarations que va faire la FED après son meeting de deux jours qui commencera demain.

Powell sur des œufs à coup de 75 BP

Mercredi soir, la FED va donc annoncer qu’elle monte ses taux directeurs de 75 Basis Points. C’est en tous les cas ce que 99.99% du marché attend. Sauf que le problème ne réside pas uniquement dans l’amplitude de la hausse qui va être annoncée mercredi soir. Mais aussi et surtout dans la manière dont cette dernière sera exprimée et ce que l’on pourra comprendre des intentions de la FED pour les mois à venir. Sans compter que toute information claire et précise sur les devenirs de l’inflation du point de vue de Jerome Powell sera bonne à prendre.

Autant vous dire que nous sommes dans « la semaine de tous les dangers » et que si l’on arrive à se sortir de cette semaine à peu près intact, ça devrait finir dans le « Hall of Fame » de la finance. Sans compte que bons nombres d’entre nous vont utiliser ces 120 prochaines heures pour savoir si nous sommes effectivement en pleine naissance d’un nouveau bull market ou si c’était simplement un X-ième rebond dans un marché baissier et que pour réellement « pricer » cette récession qui nous attend, nous devons D’ABORD ALLER À 3’000 avant d’aller à 5’000.

En Asie

Ce matin en Asie nous sommes déjà en mode « crainte sur la croissance » et craintes sur tout le reste. Il faut dire que déjà pour toutes les raisons que je viens de citer, il y a déjà de quoi avoir les pieds froids, mais en plus quand on ajoute le fait qu’il y a toujours plus de craintes sur la dette européenne, que le 10 ans italien a toujours une sale gueule et que si l’on compare aux rendements du 10 ans allemand, il y a de quoi perdre les pédales. La semaine commence donc en baisse de 0.8% un peu partout avec les futures américains qui sont aussi dans le rouge de 0.10%.

Il y a aussi le Bitcoin qui revient des 23’000$, niveau où il était il y a encore 7-8 heures, pour se traiter à 21’800$. Je ne sais pas s’il y a le moindre rapport, mais ce matin je suis tombé sur un article qui relate la « disparition et la réapparition à Dubai » des deux co-fondateurs du Fonds Three Arrows Capital. Ces derniers étaient portés manquant depuis que les autorités cherchaient des réponses sur la faillite du fonds – laissant tout de même des créanciers pour plus 2.8 milliards – et les deux gars sont réapparus à Dubai et ont donné une interview pour expliquer que – BIEN SÛR, ça n’était pas leur faute et qu’ils voulaient tout recommencer à Dubai parce que les règlementations étaient plus souples qu’à Singapour. L’interview est tout bonnement irréelle. Entre les deux types qui expliquent qu’ils n’ont pas utilisé 50 millions pour acheter un yacht de façon illégale et que tout était documenté dans les papiers du fonds et l’un des fondateurs qui conclut l’interview en disant : « Nous pensons que c’est dans l’intérêt de tous si nous pouvons conserver notre intégrité physique et garder un profil bas ».

Et ne pas payer ce que l’on doit accessoirement. Lorsque l’on voit comment ces gars s’en sortent et quand on voit ce qui s’est déjà passé dans ce domaine par le passé, on se rend compte que définitivement, on n’apprend rien et on oublie tout. Pendant ce temps, le pétrole est autour des 94$ et l’or se traite à 1724$.

L’absence ou presque de nouvelles du jour

Il est assez impressionnant de voir qu’à l’aube de cette semaine qui s’annonce complexe, compliquée et complètement folle, il n’y a quasiment pas ou peu de grosses nouvelles. On constatera simplement que les Chinois sont en train de virer tout le monde chez le management d’Evergrande, mais en même temps, ça fait 8 mois que tout le monde se fout de l’avenir d’Evergrande – pendant une période c’était LA PRÉOCCUPATION PRINCIPALE DU MONDE MERVEILLEUX DE LA FINANCE, et puis soudainement on a découvert que l’inflation n’était plus sous contrôle et on a oublié le sujet, ce qui fait que ce matin : tout le monde s’en fout.

On notera aussi qu’il y a deux ou trois voix qui commencent à s’élever aux States pour dire que le risque de crash immobilier est pratiquement aussi élevé qu’en 2008 pendant la crise des subprimes, sauf que cette fois c’est parce que les taux hypothécaires prennent l’ascenseur à toute vitesse. Mais là aussi, tout le monde s’en fout. Pour le moment. Comme tout le monde se foutait de cette éventualité lorsque Michael Burry hurlait à la mort six mois avant que Lehman fasse un AVC. Bref, il n’y a pas de news ce matin.

Les chiffres du jour

Côté chiffres trimestriels, aujourd’hui c’est encore léger. Nous aurons les résultats de Philips, NXP ou encore Whirlpool et Logitech. Pas de quoi se rouler par terre d’angoisse non plus, mais va falloir garder de l’énergie, parce que la semaine va être longue. Pour ce qui est des chiffres économiques, nous aurons l’IFO en Allemagne – ce qui, avec les histoires du gaz russe, risque d’être assez chaud – et puis il y aura aussi le Trade Balance en Chine et le Chicago Fed National Activity, ainsi que le bilan de santé de Biden après sa contamination au COVID.

Pour le moment, nous sommes assis sur nos chaise en attendant que ça démarre pour de vrai, mais une chose est sûre, la semaine va être sportive. Alors pensez à vous coucher de bonne heure et à bien rester hydratés. Je vous souhaite un très bon début de semaine et on se voit demain matin, même heure, même endroit.

Thomas Veillet
Investir.ch

« Many of life’s failures are people who did not realize how close they were to success when they gave up. » -Thomas A. Edison