Avant d’aller plus loin dans cette chronique, je voudrais déjà vous dire de ne pas vous inquiéter, parce que tout va bien. Oui, tout va parfaitement bien et tout est sous contrôle. Les crises potentielles ne sont que des vues de l’esprit et même si elles devaient, potentiellement, nous péter à la gueule, les gouvernements du monde entier se donneraient la main pour régler le problème comme ils l’ont fait pour le COVID. Il n’y a donc pas lieu de s’inquiéter. D’ailleurs vous n’êtes pas inquiet. Donc je perds mon temps à vous raconter tout ça. Au pire la Chine rachètera l’Italie, comme à New York et les marchés finiront TOUJOURS par remonter un jour.

L’Audio du 29 juillet 2022

Télécharger le podcast

Par le menu

Nous allons donc prendre les choses par le menu. D’aussi loin que je me souvienne et d’aussi loin que le marketing digital existe, il me semble toujours avoir entendu que c’était un indicateur avancé du Produit Intérieur Brut. Si les sociétés qui font de la pub sur le net nous annoncent qu’elles en font moins, c’est parce qu’elles pensent que les consommateurs vont moins consommer et qu’il n’y a pas non plus de raison de foutre de l’argent par les fenêtres juste pour voir ton logo apparaître toutes les 8 secondes quand tu te balades sur Facebook. Et puis, si les sociétés qui vivent de la publicité digitale nous disent qu’elles ont moins de clients, moins de demandes, c’est justement parce que les sociétés font moins de pub. Ça a l’air plutôt logique et si j’en crois les traces du passé – passé dont généralement on ne se souvient pas environ 48 heures après qu’il ait été LE PRÉSENT – lorsque ce ralentissement se produit, inévitablement dans les semaines qui viennent, le PIB ralentit.

Dans un autre monde qui n’existe plus, on disait que lorsque nous avions deux trimestres de PIB négatif, nous étions en récession. Point final. Mais c’était justement dans un autre monde qui n’existe plus et aujourd’hui, on ne sait plus trop ce qui signifierait que nous sommes en récession, parce qu’apparemment c’est devenu une définition aléatoire qui peut être modifiée à volonté. Oui, dans la vie il y a des choses qui sont immuables et que l’on ne peut pas changer. Vous mettez la main sur la plaque de cuisson quand elle est encore rouge, ça brûle. Vous vous jetez dans une piscine, complètement habillé, vous serez mouillé. À moins bien sûr que vous fassiez partie des Avengers et que vous avez des super-pouvoirs, mais vous admettrez que dans le cas présent, ça n’est la majorité d’entre-nous. Il y a donc des choses immuables dans la vie, mais la définition de la récession n’en est pas une, puisque l’on peut la modifier à son bon vouloir. Surtout si vous êtes Secrétaire du Trésor ou Président grabataire des Etats-Unis.

Récession ou pas

Non, parce que si ça n’était pas le cas, hier le marché n’aurait pas terminé sa journée en hausse comme il l’a fait. Bon, il faut dire que l’on sortait d’une super-journée de mercredi parce que les marchés avaient explosé à la faveur de l’excellente nouvelle offerte par la FED – puisque la Banque Centrale avait monté les taux de 0.75% et que c’est super-chouette parce que ça lutte contre l’inflation. Encore un truc qui a changé par rapport au monde d’avant qui n’existe plus. Avant, quand on montait les taux, les marchés actions se faisaient défoncer. Mais c’était avant. Maintenant quand on monte les taux, on freine l’inflation, ce qui est bon pour les marchés, parce que l’inflation qui monte, c’est mal. Alors aujourd’hui, on sait que l’inflation va finir par baisser à force de lui tirer des balles dans les genoux et que c’est bon pour les marchés. Surtout s’il n’y a pas de récession induite par la hausse des taux. Chose qui ne peut pas arriver, puisque l’on a modifié la définition de la récession. Non, parce que sinon, hier, lorsque les Etats-Unis d’Amérique, première puissance économique mondiale et gendarme du monde, a annoncé son second trimestre de PIB en terrain négatif – le PIB étant sorti à MOINS 0.9% pour le second trimestre – on aurait pu éventuellement se dire que nous étions rentrés en récession et tout ça parce que la FED a monté les taux comme des malades depuis des mois.

Mais heureusement, nous ne sommes plus dans ce monde-là. C’est d’ailleurs ce que vient de nous expliquer Madame Yellen – Secrétaire du Trésor US et ancienne patronne de la FED – elle qui s’est empressée de venir parler JUSTE après la publication d’un second trimestre négatif. JUSTE au moment où le marché plongeait dans le rouge après avoir salué la veille l’EXCELLENTE NOUVELLE d’une hausse de 75 BP sur les taux directeurs. Heureusement qu’elle est intervenue. Sinon nous nous serions bêtement enfoncés dans notre bêtise, dans notre ignorance, en utilisant stupidement des définitions qui datent d’un autre âge et nous aurions eu l’air totalement ridicules. Quel soulagement.

Il faut s’ajuster

Je vous recommande donc de mettre vos livres de théorie à jour :

– Lorsque les taux montent c’est bon pour les actions parce que c’est mal pour l’inflation.
– Lorsque le PIB baisse deux trimestres de suite, ça n’est pas la récession – on ne sait pas trop ce que c’est, mais ça n’est pas de la récession.
– Pour avoir une vraie récession, il faudrait déjà que le chômage soit plus haut, que le consommateur ne consomme plus et que les Républicains soient au pouvoir, sinon ça ne fait pas de sens.

Sachant tout cela, on a pu se sentir nettement mieux et les marchés ont donc pu terminer au plus haut de la séance, parce que nous vivons dans un monde merveilleux où tout se passe bien et où plus rien ne peut nous arriver. Il suffirait d’ailleurs de pas grand-chose pour que le gouvernement américain actuel puisse trouver la solution pour que l’on devienne immortel. Il suffirait simplement de changer la définition de la mort – en effet, si on part du principe que lorsque l’on ne respire plus et que notre cœur ne bat plus, on est mort, effectivement, ça peut gêner. En revanche si l’on part du principe que pour mourir, ne plus avoir de battement de cœur ou ne plus respirer ne suffit plus ; il y a soudainement plein de nouveaux horizons qui s’offrent à nous.

Si vous le dites

En résumé, nous sommes dans un monde où tout est question d’interprétation. Pas de NÔTRE interprétation, non ! L’interprétation des génies qui nous dirigent. Donc ce matin, si je me base sur ce que Powell dit, sur ce que Yellen dit, sur ce que Biden essaie de dire quand il se souvient qui il est et ce qu’il fait dans la vie, on sait tout de suite que TOUT VA BIEN. On peut donc retourner vaquer à nos activités habituelles, comme nourrir les licornes ou passer le week-end avec des Sirènes à jouer au beach-volley pendant que le Big Foot est en train de tondre la pelouse.

Si je fais donc le bilan de la journée, après avoir pris ma potion magique fournie par le druide du village, je me dis que les marchés ne peuvent plus que monter et que ça, c’est quand même super-sympa. Heureusement que nous sommes entourés de si bonnes personnes qui sont là pour nous expliquer comme l’économie DOIT fonctionner et nous expliquer clairement comment NOUS DEVONS la comprendre, cette économie. Je suis soulagé.

Pour le reste

Et puis ce qu’il y a de génial, c’est que lorsque l’on regarde la suite, la suite d’hier soir, tout va encore mieux. Alors oui, ce matin Hong Kong est en baisse de 2.3%, la Chine plonge de 0.7%, mais c’est pour des raisons toutes différentes. D’abord parce que la Chine a déclaré qu’il n’y aurait pas de nouveau stimulus qui allait arriver et qu’ensuite, les contrôles COVID allaient continuer et que celui qui aurait l’outrecuidance d’éternuer en public serait immédiatement immolé par le feu, mais avec la bienveillance du gouvernement chinois. Et puis l’autre raison de la baisse des marchés asiatiques, c’est que l’on n’a pas encore eu le temps de traduire les paroles d’évangile de Madame Yellen et de Monsieur Powell et que là-bas, ils ne connaissent pas encore les règles de la nouvelle récession à libre interprétation.

Pendant ce temps, le pétrole est à 96.70$. Il rebaisse un peu parce que l’on croit toujours que la destruction de la demande est possible, même si la récession n’existe pas et même si la demande d’essence aux USA est en hausse de 8.5%, ça n’a strictement rien à voir. Autrement l’or est à 1735$ et le Bitcoin est presque à 24’000$, profitant de la croissance à venir, le tout dans une récession maîtrisée et une inflation sous contrôle et transitoire.

Les nouvelles du jour

Dans les nouvelles du jour, ça va être facile : TOUT VA BIEN. Les Bisounours sont au pouvoir, la dette italienne est une vue de l’esprit et ils pourront rembourser en pizzas. Ça fait un problème de réglé. Le ralentissement du marché immobilier aux USA, c’est pas grave, ça permettra à tous ces gens qui croulent sous les emplois d’acheter de l’immobilier à bas prix avec des crédits hypothécaires à 9% sur 30 ans. Du coup, ça les empêchera de penser qu’on les prend pour des cons, ils auront bien trop d’autres soucis à penser. Second problème réglé. La crise du gaz, on s’en fout : le froid ça conserve, ça nous permettra de passer du temps à raconter à nos enfants comment c’était AVANT quand la récession existait. Troisième problème réglé. La guerre en Ukraine, on s’en fout, parce que Zelensky a eu le temps de poser pour le magazine Vogue avec sa femme avec le même t-shirt qu’il porte depuis six mois, ça doit sûrement vouloir dire que la guerre c’est glamour et que finalement, c’est pas si grave. Donc franchement, il n’y a que du bon.

Vous rajoutez à cela que Apple a publié des chiffres moins pires que prévu, qu’ils ne peuvent pas dire que la demande baisse parce qu’ils n’ont pas de matériel en suffisance pour pouvoir vendre. Mais que les chaînes d’approvisionnement devrait retrouver leur normalité dans 3 mois. C’est Yellen qui l’a dit. Le titre montait de 3% after close. TOUT VA BIEN. Amazon était en perte sur le trimestre à cause de Rivian (encore), mais cette fois on le savait, donc c’était moins grave, voir pas grave du tout. Peut-être même positif. Tout le reste va bien chez Amazon, ils ne ressentent pas l’inflation comme chez Walmart et le cloud, c’est trop de la balle. Le titre prenait 14% after close. Quand je vous dis que tout va bien !!! Alors oui, il y a bien Intel qui a complètement foiré son trimestre, mais qui s’occupe encore d’Intel ? Qui a encore un PC à la maison ET SE souvient du password ?? Donc tout le monde s’en foutait. Le titre perdait 8% after close. Et puis ROKU a raté son trimestre également et a noté un gros ralentissement dans les dépenses de marketing digital, mais on s’en fout cette référence-là fonctionnait dans l’économie d’avant. Le titre est en chute libre de 25%, mais c’est une chute pleine de bienveillance et d’amour pour cette nouvelle économie qui va tellement bien. Et puis depuis 6 mois, le titre n’a perdu que 87% – ça serait pinailler que de se plaindre.

Moi je vous le dis, heureusement que Yellen et Powell sont là pour nous guider.

Côté chiffres

Pour ce qui est des chiffres économiques, nous aurons les CPI’s en Europe, en France, en Italie et en Espagne, mais c’est pas important parce que tout le monde SAIT que ça baissera plus tard. Il y aura aussi le PIB français et européen. Mais là aussi, il ne faut pas faire de fausses interprétations et ne pas oublier que l’économie 4.0 n’est plus la même dans ce monde où les références sont remises en question toutes les 20 minutes. Aux USA, il y aura le personnal spending et le sentiment du consommateur version Michigan ainsi que les pétrolières qui publieront.

Mis à part ça, ce soir c’est le week-end et moi je suis invité à le passer avec le Minotaure et une équipe de Centaures dans la propriété de Poséidon. Alors profitez bien de ce nouveau monde imaginaire et n’oubliez pas que TOUT VA BIEN et QU’IL FAUT AVOIR CONFIANCE.

Comme disait le serpent dans le Livre de la Jungle.

Thomas Veillet
Investir.ch

« If you are not willing to risk the usual, you will have to settle for the ordinary. » -Jim Rohn