La Russie a réinjecté du gaz dans le pipeline Nord Stream 1, après 10 jours d’arrêt pour des raisons de maintenance. Mais la situation reste très préoccupante, car les exportations russes sont à 30%-40% du niveau d’avant-guerre. Et la Russie peut à tout moment stopper totalement ses exportations de gaz vers l’Europe.

Cela dépendra des livraisons d’armes occidentales à l’Ukraine et de ses impacts sur l’avancée de l’armée russe en Ukraine, ainsi que des sanctions occidentales. Sur les dernières sanctions, l’UE va interdire les importations d’or d’origine russe et geler certains actifs de la banque Sberbank, mais sous la pression internationale, en particulier l’Afrique (plus de 50% des importations de blé venaient de Russie et d’Ukraine), l’UE devrait assouplir certaines sanctions envers des banques russes pour faciliter le transport de céréales hors de Russie et d’Ukraine. Il est important que le commerce mondial des produits agricoles et alimentaires ne soit pas stoppé.

Mais le risque de coupures de gaz par la Russie est important. Il faut s’y préparer. L’Agence internationale de l’énergie (AIE) préconise de réduire de 30% la consommation de gaz et a émis dix recommandations pour y parvenir, qui touchent principalement l’utilisation des véhicules. L’UE veut réduire de 15% la consommation de gaz qui permettront d’affronter une éventuelle interruption des approvisionnements russes en gaz, en particulier en diminuant le chauffage et la climatisation des bâtiments. Les politiques n’osent pas encore parler de rationnement, mais mettent en avant la responsabilité des citoyens pour économiser du gaz et du pétrole pour l’hiver prochain. Quoiqu’en Allemagne, les choses s’accélèrent : certaines municipalités coupent l’eau chaude la nuit dans les infrastructures publiques, un grand propriétaire immobilier a prévenu que le chauffage serait limité à 17 degrés l’hiver prochain et un grand groupe envisage le retour au télétravail l’hiver prochain pour éviter de chauffer les bureaux. Selon le FMI, l’Allemagne est le pays le plus à risque avec une perte potentielle de PIB cumulée entre 2022 et 2024 de 4,8% par rapport au PIB de 2020. On ne va pas échapper à des mesures contraignantes, comme dans le transport privé et le chauffage, mais elles devront se faire au niveau européen et elles seront imposées après les vacances d’été, à notre avis.

Les pays européens ne sont pas logés à la même enseigne. Certains pays dépendent à 100% du gaz russe.

2022.07.22.Part des importations de gaz russe
Source : Bruegel/Heravest

L’Europe annonce des réserves de gaz remplies à 55% à début juillet contre 45% une année auparavant. L’objectif de la Commission européenne est un niveau d’au moins 80% au 1er novembre 2022 et d’au moins 90% au 1er novembre 2023. La France aimerait 100%. Cela sera-t-il suffisant pour chauffer l’Europe cet hiver? Il va falloir mutualiser les stocks, ce qui ne sera pas simple, car 5 pays cumulent 75% des capacités de stockage, l’Allemagne, l’Italie, la France, les Pays-Bas et l’Autriche. Les mieux lotis sont le Portugal avec 100% de remplissage des stocks, suivi de la Pologne, du Danemark, de la République Tchèque et de l’Espagne. En revanche, la Belgique, l’Italie, l’Autriche, la Slovaquie, les Pays-Bas, la Roumanie, la Hongrie et la Bulgarie ont des taux remplissage insuffisants.

En 2021, l’Union européenne a consommé 400 milliards de mètres cubes de gaz (bmc). Sur ces 400 milliards, 90% étaient importés, soit 155 milliards de Russie et 205 milliards d’autres fournisseurs, principalement de Norvège et d’Algérie. En janvier 2022, les Etats-Unis importaient 4 bmc de GNL et se sont engagés à fournir 20 bmc de GNL fin 2022 et 60 bmc fin 2023. Les capacités totales européennes de stockage de gaz naturel se situent à 110 bmc. Les plus grandes capacités de stockage sont en Allemagne (22% du total), en Italie (18%), aux Pays-Bas (13%), en France (12%) et en Autriche (9%).

En conclusion, l’Europe était en flux tendu et si la Russie devait stopper totalement ses exportations de gaz vers l’Europe, de toute évidence, l’Union européenne n’aura pas assez de gaz pour sa consommation annuelle. Les stocks remplis à 80%, l’Europe aura juste assez de gaz pour passer l’hiver. Sur la consommation annuelle, le solde sera largement déficitaire, une situation qui durera au-delà de 2022. Sur une année, il va manquer 130 bmc, soit 30% des besoins de l’UE, ce qui explique que l’AIE recommande une réduction de 30% de la consommation.

Deux conclusions s’imposent : à court terme, le rationnement est inévitable et, à moyen-long terme, il faut trouver rapidement d’autres fournisseurs. Dans le négatif, ce contexte de crise relance l’intérêt du charbon pour les 2 prochaines années au moins – l’Europe n’a pas le choix – et dans le positif, l’UE va accélérer les investissements dans les énergies renouvelables. En termes d’investissements, nous évitons les sociétés européennes actives dans l’infrastructure de distribution et dans les achats d’énergies primaires russes. Nous achetons les producteurs d’électricité avec une composante verte importante comme RWE, Iberdrola, SSE, Orsted pour les plus grands, et Solaria, Neoen, Encavis pour les plus petits. Nous achetons aussi Equinor et Cheniere Energy.

 

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