Il y a l’Europe et puis il y a les USA. C’est ce qu’il faudra retenir de la séance d’hier et c’est également ce qu’il va falloir retenir de la séance d’aujourd’hui. Hier matin l’optimisme était de mise un peu partout sur la planète et je ne cessais d’entendre dans les médias – que ce soit sur le net ou à la télé ; « que le pire était passé, que l’inflation était probablement en train de faire son « pic » et que nous assistions à la naissance d’un nouveau petit bull market ». Autrement dit ; nous sommes en train d’assister à la mort du Bear Market, parce que les chiffres trimestriels des sociétés sont « moins pires ». Reste à savoir si c’est la réalité ou juste nous qui avons trop angoissé.
L’Audio du 21 juillet 2022
Question de point de vue
Oui, parce qu’il est vrai que lorsque l’on regarde les chiffres de Netflix, qui sont quand même LA raison principale du rallye sur la tech hier soir, on ne peut pas nier le fait que si l’on fait abstraction du fait qu’ils ont « juste perdu moins d’abonnés que prévu », l’ensemble des résultats ne justifie absolument pas un rebond massif, mais devrait plutôt enjoindre à la prudence. Sauf que l’on a tendance à avoir tellement anticipé le pire, que la moindre amélioration est considérée comme une « EXCELLENTE SURPRISE ». Dans un marché normal et qui serait moins basé sur le fait de vouloir jouer avec trois coups et deux parties d’avance, les chiffres de Netflix publiés il y a un peu plus de trente heures n’aurait absolument pas dû déclencher un engouement pareil. Tout au mieux un haussement d’épaules, mais sans plus.
Sauf qu’en ce moment, nous vivons dans un monde parallèle où l’on trouve ABSOLUMENT génial le fait qu’une société batte ses propres prévisions merdiques qu’elle avait fait elle-même il y a trois mois. Et l’ensemble du marché fonctionne sur le même modèle. La durée d’un investissement est devenue tellement courte, que plus personne ne prend le temps de voir loin et se base sur des chiffres ou des infos qui sont bricolées à l’arrache par le département marketing d’une société ou pire ; par un groupe d’analystes qui se basent sur les chiffres qui ont été fournis par le même département marketing de la société. Ce qui fait que, naturellement, ça devient de moins en moins facile de trier le bon grain de l’ivraie. Donc, depuis quelques jours, on entendait de plus en plus d’experts nous annoncer que le Bear Market était mort et que tout allait bien à nouveau. C’est un peu un résumé de la chose, mais c’est pas loin.
L’Europe doute quand même
Sauf qu’hier matin, alors que tout avait bien commencé en Europe et que les USA nous promettait une belle séance emmenée par Netflix qui venait de prouver aux yeux du monde qu’ils avaient réglé tous leurs problèmes ou presque. Surtout presque. Les traders européens ont commencé à se demander si tout allait aussi bien que l’on voulait bien nous le vendre. Le Premier Ministre Russe Lavrov, celui qui aurait fait passer un « Obersturmbannführer » de la dernière guerre pour un « gentil organisateur » du Club Med, a laissé entendre que « finalement » la Russie ne contenterait pas de l’Est de l’Ukraine et qu’il y avait encore bien d’autres endroits qu’ils voulaient envahir. Il n’a pas précisé si le 16ème arrondissement de Paris et la grande banlieue zurichoise faisait partie de son plan, mais ses mots ont en tous cas servi à refroidir l’ambiance. Chose que même les climatiseurs n’arrivent plus à faire en ce moment.
En plus des douces paroles de l’Obersturmbannführer Lavrov, il y avait aussi les interrogations sur l’approvisionnement en gaz qui devrait reprendre ce matin – mais à petite vitesse – l’Europe est d’ailleurs en train de demander à tout le monde de faire des efforts pour ne plus trop consommer d’énergie et de faire des économies pour cet hiver. On sent que la tension des politiques est palpable. Peut-être même plus en Allemagne qu’ailleurs, même si en France hier, il fallait quand même voir le discours d’Olivier Véran. Le guignol qui est passé de Ministre de la Santé à porte-parole du gouvernement – oui, Macron a réussi à lui faire croire que c’était un « upgrade » – Véran a donc encouragé le bon peuple français à faire des économies en « débranchant le wifi quand ils ne sont pas à la maison et en éteignant les lumières dans les pièces vides ». Il faut absolument voir la vidéo, c’est totalement pathétique et on dirait que le pouvoir politique français s’adresse à des enfants de 8 ans. Et encore.
L’Italie au bord du gouffre
Donc, entre la peur du manque d’énergie, Lavrov qui se prend pour Napoléon en Ukraine, sans oublier le fait que Draghi semble être plus proche de la sortie que jamais et que la BCE va parler aujourd’hui. On pouvait noter un manque d’envie du côté des acheteurs. Même si l’on continue à nous dire un peu partout que le pic d’inflation, c’était en juin et les chiffres de juillet montreront que tout est sous contrôle et qu’ensuite Joe Biden va demander la création d’un nouveau jour férié qui se nommera la Saint-Powell, fer de lance de la lutte contre l’inflation et Dieu du pilotage à vue de l’économie.
Cependant, alors que les Européens semblaient très reluctants à acheter, les Américains se disaient que si Netflix a roulé tout le monde dans la farine avec ses prévisions ultra-merdiques qui se sont avérées ultra-moins-merdique à la fin et ultra-à-côté de la plaque surtout ; pourquoi est-ce que l’ensemble du marché n’aurait pas fait pareil. Et puis, surtout la tech. La journée de Wall Street se sera donc clairement recentrée autour du Nasdaq et de tout ce qui pourrait éventuellement peut-être devenir hyper-spéculatif en cas d’emballement de ce nouveau soi-disant Bull Market qui vient de naître. On notera tout particulièrement l’intérêt autour des sociétés liées aux cryptos. En effet, le réveil du Bitcoin ces dernières heures et le fait que Coinbase ait annoncé qu’ils N’AVAIENT PAS D’EXPOSITION ni à Three Arrows Capital, ni à Celsius aura presque suffi à faire remonter le titre de 50% en quatre jours de trading. De nos jours, le fait de NE PAS ÊTRE DANS UN PLAN POURRI justifie à lui seul une hausse explosive.
Bref, pour faire simple, les Européens avaient la trouille et les Américains surfaient sur la vague du succès inexistants de certaines valeurs technologiques. Et une fois la séance terminée, on se demandait quand même si on ne s’était pas peut-être un peu emballé. C’est en tous les cas ce que pensent des gourous comme Grantham qui s’attend à 25% de baisse sur le S&P500 – comme à chaque fois qu’il prend la parole d’ailleurs – ou encore Kathie Stockton qui pense que nous sommes simplement dans un rebond de Bear Market et que le retour de manivelle sera violent et déprimant, comme à chaque fois.
En Asie
Ce matin en Asie, le Japon est légèrement en hausse, mais le reste est en baisse. Hong Kong recule de 1.4% alors que la Chine baisse de 0.4%. C’est d’ailleurs la vigueur de l’économie chinoise qui pose problème sur les marchés actuellement. Ou plutôt l’absence de vigueur. Mais on parle aussi du fait que l’inflation fait toujours peur, même si tout le monde nous explique que « c’est fini l’inflation » et qu’il suffit juste d’attendre la publication des chiffres du CPI pour le mois de juillet pour que l’on voit que tout va bien et c’est réglé une fois pour toute. Comme le COVID, trois, quatre, cinq ou six shots de vaccin, peut-être sept, et c’est réglé.
Pour le reste, le baril reste sagement sous les 100$ et l’or a finalement cassé les 1’700$ en descendant. Il faut dire que depuis que l’on sait que l’inflation, c’est terminé, plus besoin de se protéger contre. Ça a tellement bien fonctionné auparavant. Le métal jaune se traite à 1’688$. Le Bitcoin est aussi revenu après une forte progression de près de 3’000$, ce matin l’or digital s’échange à 22’700$.
Que du bonheur dans les nouvelles du jour
Pour ce qui est des nouvelles du jour, on ne parle que trois choses :
1) Point un : Tesla qui a publié ses chiffres. Des chiffres moins pires que les attentes, malgré les ventes toutes pourries qu’on nous avait prédit – que Tesla nous avait prédit – la société s’en sort bien et publie des chiffres nettement au-dessus des attentes du marchés, des analystes et de mon chauffeur de taxi. On notera une petite pression sur les marges – chose assez inhabituelle chez Tesla – mais comme Musk a annoncé que le reste de l’année sera explosif et que ça sera champagne et cotillons pour tout le monde, pas de raison de s’inquiéter. Sans compter que Tesla a vendu 75% de ses Bitcoins en perte – mais pas autant en perte que prévu. On peut donc dire que les chiffres sont excellents. Le titre prenait 1.5% after close et la plupart des analystes conservent leur target 100% plus haut à 12 mois.
2) Point deux : Madame Lagarde et la BCE qui seront sous les spotlights toute la journée avec l’annonce de la hausse des taux et du discours qui va avec. Actuellement, on est en train de jouer la décision à « feuille-caillou-ciseaux » et ça devrait être quelque part entre 0.25 et 0.5% de hausse. Comme ils ne peuvent pas monter entre les deux, va falloir faire un choix et ça, c’est le truc qui va nous occuper ce matin. Et puis dès que l’on aura notre réponse, on va se dépêcher d’attendre mercredi prochain pour savoir ce que la FED va faire.
3) Point trois : L’Italie qui est toujours un peu plus dans le pâté. Hier soir le vote de confiance en faveur de Draghi semble s’être transformé en échec total et le Premier Ministre Italien, ex-Goldman Sachs et ex-BCE, se trouve encore un peu plus proche de la sortie – en supposant qu’il ne soit pas déjà dehors – ça ne devrait que moyennement arranger la BCE et l’Europe en général, vu qu’ils ont déjà largement assez d’ennuis à gérer en ce moment, sans se coltiner en plus l’Italie qui part en vrille. Cependant, il faut tout de même noter que l’Italie a eu 162 gouvernements au cours des 131 dernières années, avec une durée de vie moyenne d’environ 3 mois. L’administration Draghi, avec près de 18 mois au pouvoir, a donc fait nettement mieux que les autres et ils vont sûrement nous trouver un nouveau clown qui sera censé tout régler – je crois qu’Eros Ramazotti est libre en ce moment, ça devrait faire l’affaire. À moins que Berlusconi ait une solution à apporter.
Chiffres du jour
Pour ce qui est des chiffres du jour, il y aura AT&T, Nokia, Philip Morris et American Airlines avant l’ouverture. À propos de compagnies aériennes, on retiendra qu’hier soir after close, United Airlines a publié un trimestre immonde, la faute au pétrole et à l’augmentation des coûts, le titre perdait 7% after close. Après la clôture de ce soir, nous aurons SNAP qui pourrait être également très drôle. Il y aura aussi Mattel, mais ça sera moins drôle. Côté chiffres économiques, comme tous les jeudis, il y aura les Jobless Claims dont tout le monde se fout tant que c’est pas 100% à côté de la plaque. Et puis il y aura aussi le Philly Fed et bien sûr le show de Madame Lagarde qui commencera vers 14h30 et qui devrait se terminer tard dans la nuit.
Pour le moment les futures sont en baisse de 0.2% et tout le monde est en train de se demander si nous sommes dans un nouveau Bull Market ou si c’est juste un rebond dans un Bear Market. Réponse d’ici le milieu de la semaine prochaine. Je vous souhaite une excellente journée et on se retrouve demain pour boucler la semaine !
Thomas Veillet
Investir.ch
« Life is what happens when you’re busy making other plans.” -John Lennon