Je ne fais fondamentalement pas partie du camp des « Bearishs ». Je ne l’ai jamais été et je refuse catégoriquement de parier sur la fin du monde et envisager que l’écroulement d’un système puisse être un moyen de faire de l’argent. Lors de l’explosion de la bulle internet, j’ai même dû prendre des cours et envisager une thérapie pour réussir à shorter le marché. Ce qui était, en ce temps-là, un des seuls moyens de « faire » de l’argent. Mais là tout de suite. En ce moment ; lorsque je regarde le marché, lorsque je prends note de ce qui se passe, de ce qui se dit, j’ai quand même l’impression que les étoiles sont en train de s’aligner pour que l’on se prenne la dernière vague dans les dents.

L’Audio du 15 juillet 2022

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Tout est aligné, et pourtant

Même pire, hier à 15h00, à trente minutes de l’ouverture de New-York, en voyant la tronche des futures, la tronche de JP Morgan et l’ambiance de fin du monde sur le DAX, qui pétait ses derniers supports, ses derniers remparts pendant que l’Euro/Dollar s’installait définitivement sous la parité et que l’on envisageait de passer le week-end en forêt pour couper du bois afin de préparer l’hiver, je n’aurais pas parié une seconde sur une clôture aussi impressionnante sur les indices américains.

Attention, quand je dis impressionnante, il ne sert à rien d’aller chercher les 3% de hausse sur le Nasdaq ou le Dow Jones qui cassait les 31’000 en montant. Non, je veux simplement dire qu’en relatif, quand on voyait dans quel état on était hier après-midi et le nombre de nouvelles négatives et de déclarations encore pires qui sortaient de tous les côtés, on n’avait juste une seule envie c’est de se coucher par terre, de se mettre en position fœtale et de recommencer à sucer son pouce en espérant que ça ira mieux demain.

Une seule bonne nouvelle et tout repart

C’était d’ailleurs peut-être ce qu’il fallait faire : serrer les fesses et attendre que ça passe.

Si l’on revient un peu en arrière et si l’on appuie sur la touche « rewind » du magnétoscope, pour revoir le début du film ; hier matin l’Europe donnait le ton avec une belle couleur rouge un peu partout. Le fait que tout est en train de ralentir, que l’ensemble des banques d’affaires et de tous les analystes en tous genres sont en train de revoir leurs perspectives à la baisse et que nous n’en sommes même plus au stade de peindre le diable sur la muraille, mais plutôt de lui ériger une statue au milieu de la rue, pesait nettement sur les indices du vieux-continent. Et encore je ne vous parle pas du fait que l’Euro se fait décalquer un peu partout et que si ça continue comme ça, il va falloir envisager de repasser au Deustche Mark et à la Lire Italienne. En parlant de Lire Italienne, alors que tout allait mal, en plus de ça Monsieur Draghi démissionnait du gouvernement italien. Et encore, ça c’est pas très grave, puisqu’en Italie, le dernier gouvernement qui a tenu plus de 18 mois c’était Jules César.

À la mi-journée et à quelques heures des publications trimestrielles et économiques les seuls qui souriaient en Europe, c’était Brigitte et Emmanuel Macron pendant le défilé du 14 juillet. Brigitte parce qu’elle était assise avec Naomi Campbell et que du coup, elle n’était plus la seule qui vivait avec un type qui a la moitié de son âge et Emmanuel, parce qu’il se tripotait les parties en se demandant s’il pouvait en faire bouger une sans toucher l’autre, pendant qu’il faisait joujou avec ses tanks sur les Champs-Elysées. Mais du côté des marchés, c’était l’hécatombe. Le secteur de l’énergie se faisait défoncer parce que la récession arrivait au galop et le reste baissait parce que tout le monde était en train de tout downgrader en catastrophe.

La panique s’empare des analystes

C’est d’ailleurs un des phénomènes assez symptomatiques du moment : les analystes sont en train de paniquer à tout va pour downgrader le plus de valeurs possibles AVANT que ces mêmes sociétés viennent publier leurs chiffres trimestriels. Le fait est que l’on est en train de se rendre compte que même si l’on a déjà pas mal revu nos attentes à la baisse, cela ne semble pas suffisant. Ces derniers jours nous venons d’assister à plus de 500 downgrades sur tout et n’importe quoi. Jamais, depuis la crise financière de 2008 nous n’avions vu souffler un pareil vent de panique sur les perspectives des sociétés venant des analystes financiers qui sont généralement plutôt calmes et posés. Voire parfois même catatoniques.

Et d’ailleurs, pour remettre une couche sur le sujet, hier JP Morgan et Morgan Stanley publiaient leurs chiffres dans une ambiances quasi-apocalyptique. Juste au moment où tout le monde n’avait plus que les mots « inflation hors de contrôle » et « 100% de chances de récession » à la bouche. Sans compter que l’on était certain à plus de 80% que la FED allait monter les taux de 1% dans 15 jours. C’est à ce moment très précis que Morgan Stanley a publié des résultats de merde et que JP Morgan a fait pire. Pire parce qu’en plus d’avoir annoncé des chiffres globalement en-dessous des attentes, l’énorme banque américaine a également annoncé une provision de plus d’un milliard pour les éventuels crédits qui ne seraient pas remboursés, sans compter que le CEO de la banque, Jamie Dimon, a plus ou moins annoncé que sa banque se mettait momentanément en « PLS » et qu’ils arrêtaient tous leurs rachats d’actions. Laissant entendre qu’ils se préparaient au pire économiquement parlant.

Le ciel se couvre

À 30 minutes de l’ouverture américaine hier, le titre de JP Morgan était en chute libre, le reste du secteur essayait de respirer dans un sac en papier pour éviter l’apoplexie. Bank of America baissait sont objectif annuel pour le S&P500 de 900 points, le ramenant à 3600 et Deutsche Bank nous apprenait que le marché avait « pricé » 100% de chances de récession. On ne sait pas trop comment ils ont fait pour interviewer Monsieur Marché et lui demander ce qu’il pensait, mais on s’en fout. Le fait est qu’hier après-midi, on avait l’impression d’être tout en haut de l’immeuble de Tony Stark dans les Avengers et que l’on était en train d’observer les extra-terrestres envahir la Terre alors que l’on ne savait même pas comment enfiler le costume d’Ironman et que l’on était bien conscient de n’avoir AUCUN super-pouvoir, parce que boire un demi-litre de bière cul sec ne fait pas partie de la liste des super-pouvoirs qui vous permettent de rejoindre les Avengers.

Vous l’aurez compris, hier c’était pas terrible. Ça puait même un peu les égouts et on sentait qu’il ne fallait pas grand-chose pour que tout parte en vrille et que ça pourrait secouer sévère. Et ça, c’est sans vous parler du PPI – l’indice des prix à la production qui était également au-dessus des attentes, laissant supposer que les entreprises n’allaient pas se gêner pour répercuter cette hausse sur nous, pauvre consommateur. Les étoiles étaient donc alignées pour faire paniquer le marché et le voir terminer au plus bas, peut-être même pire.

La FED qui sauve le monde

Et puis, alors que l’on avait l’impression que tout espoir était perdu. Que l’ensemble des indices mondiaux étaient dans le rouge foncé et que l’Europe semblait partie pour tout défoncer à la baisse et que les USA allaient tout faire pour rattraper le retard, la FED a parlé. La FED qui n’est pourtant plus notre amie depuis un petit moment, a tout de même réussi à trouver les mots pour nous remotiver encore une fois, histoire de faire clôturer les indices dans de meilleures dispositions pour boucler la semaine. Ce qui est assez fou, c’est qu’il n’aura pas fallu grand-chose pour tout changer. Comme quoi le battement d’aile d’un papillon peut vraiment déclencher une tornade à l’autre bout du monde.

Hier il aura suffi de quelques paroles « rassurantes » de la part de deux membres de la FED et de vaguement exclure une hausse de 100 basis point à la fin du mois et nous sommes passés de « on va tous mourir » à « peut-être que l’on a vu le bottom ». Pour faire simple 0.25% de différence sur les taux directeurs peuvent changer le monde. Les deux membres de la FED se sont donc exprimés en faveur d’une hausse de 0.75%, mais ont plus ou moins estimé qu’il ne fallait pas déconner et que 1% semblait quand même un peu exagéré. Comme je vous le disais plus haut, en milieu de journée, 80% des experts pariaient sur une hausse des taux de 1% et en fin de séance, ils n’étaient plus que 40%. Volatile c’t’équipe…

À la fin, c’était moins pire

Bref, pour faire simple : on est passé à « ça » de la correctionnelle, mais visiblement on ne veut pas rendre les armes et la grande question à laquelle nous allons devoir répondre ces prochains jours, c’est :

« Qu’est-ce qui est RÉELLEMENT dans les prix ? »

Et ça, bien malin qui pourra le dire. Surtout qu’entre aujourd’hui et le meeting de la FED, il va y en avoir des infos à digérer, sans compter qu’à partir d’une semaine avant la FED, ses membres n’auront plus le droit de parler et il n’y aura donc personne pour nous rassurer. Nous cajoler et nous soutenir. Ça va être chaud-patate.

En Asie

Ce matin c’est la fête au village, pour la première fois depuis une semaine, les futures sont en hausse de 0.3%. Oui, je sais, mais comme disait l’ours Baloo dans le livre de la jungle : « il en faut peu pour être heureux et il faut se satisfaire du nécessaire ». Du côté du Far East, le Nikkei est en hausse de 0.6% et c’est plus dur du côté d’Hong Kong et de la Chine qui reculent respectivement de 1.15% et 0.35%. Le pétrole est à 96.35$ et il ne remontera plus jamais parce que la récession est à nos portes. Adieu le coup sûr des 180$ et adieu les profits bien gras pour le pompiste du coin – quoi qu’il a encore un peu de marge – L’or est à 1706$ et semble s’enfoncer lentement mais sûrement dans la dépression. Pendant que le Bitcoin oscille toujours entre 20’000 et 20’500$, malgré les casseroles qui s’accumulent dans le secteur.

Dans les nouvelles du jour, La Chine a enregistré une croissance du PIB de 0,4 % au deuxième trimestre par rapport à l’année précédente, ce qui ne répond pas aux attentes. Les analystes interrogés avaient prévu une croissance de 1 % au deuxième trimestre. Par contre, les ventes au détail ont augmenté de 3,1 % en juin, on se contente ce qu’on peut. On retiendra aussi que Madame Yellen pense que l’inflation actuelle est inadmissible et que l’on peut aider en mettant une limite aux prix du pétrole Russe. Oui, il faut dire que les sanctions contre les Russes fonctionnent hyper-bien pour l’économie européenne. Et puis, au chapitre des résultats trimestriels, Taïwan Semi’s a sorti de très bons chiffres boostés par la demande du secteur automobile – comme quoi tout ne va pas si mal, même si certaines marques sont toujours complètement incompétentes pour livrer les voitures commandées (non, je ne citerai pas de marque, pas tout de suite en tous les cas). Le titre prenait 3% hier.

Pour le reste

Du côté des gourous, El-Erian pense que la FED n’aura pas d’autre choix que de monter les taux de 100 BP et Jeremy Siegel estime que le pire de l’inflation est derrière nous, MAIS que la FED va devoir continuer à rester très très hawkish le temps que les choses se calment.

Côté chiffres économiques, nous aurons les nouvelles immatriculations en Europe, les ventes de détails aux USA, l’Empires States Manufacturing Index et le Michigan Consumer Confidence. Juste de quoi voir si le consommateur est au bord du suicide ou pas et puis pour les trimestriels, dans le sillage de Morgan et Morgan, nous aurons une avalanche de financières avant l’ouverture avec Wells Fargo, Citi, BlackRock, US Bancorp, State Street et Bank of New York/Mellon.

Les futures sont en hausse, les taux ne monteront pas de 1% en juillet (enfin, on espère), il me reste à vous souhaiter une très belle journée, un magnifique week-end et on se retrouve lundi en étant en forme pour attaquer le reste du mois qui ne sera pas simple !

À lundi !!!

Thomas Veillet
Investir.ch

« Love the life you live. Live the life you love. » -Bob Marley