La peur de l’inflation est de retour. Après une semaine de relative confiance sur le fait que les marchés se calmaient, que les matières premières étaient en baisse et que ce cocktail allait FORCÉMENT mener à une inflation un peu plus confortable pour nous et pour la finance mondiale, on a choisi de replonger dans la peur et la dépression. Peur de voir que l’inflation ne baisse pas autant que ça. Peur de voir le COVID revenir – ce qui semble être chose faite en Chine avec la version « bataille navale » du virus – le BA.5.2.1 – et dépression, parc qu’on a l’impression que l’on ne va jamais s’en sortir. S’en sortir de cette relation troublée entre inflation et récession.
L’Audio du 12 juillet 2022
Le retour du COVID
Au-delà du fait que demain nous aurons droit aux chiffres du CPI, les intervenants devaient absolument trouver une autre raison de vendre. Surtout que l’on ne sait pas trop à quoi s’attendre pour les chiffres de l’inflation et que tout le monde y va de son avis et de son interprétation perso : « trop tôt pour que ça baisse », « trop de risque que ça monte encore », « trop dangereux de ne se baser que là-dessus » ou encore : « c’est quoi le CPI ??? ». DONC, en attendant que demain à 14h30 nous arrêtions de respirer pour voir si le CPI est au-dessus, en-dessous ou égal à 8.8%. Soit 0.2% de plus qu’en mai. Et qu’ensuite, nous ayons droit à un défilé d’analystes qui viendront nous dire : « moi je vous l’avais dit, moi je savais, moi je ne l’avais pas dit trop fort, mais qu’il faudra attendre le CPI de juillet pour y voir plus clair », nous nous sommes donc concentrés sur le retour du COVID et son nouveau variant à la con qui se nomme BA.5.2.1. Une chose est certaine, les premiers variants avaient quand même des noms plus cool. Une lettre grecque est quand même plus sympa à prononcer qu’un numéro de plaque de voiture ou le prénom d’un des enfants d’Elon Musk.
Toujours est-il que les Chinois – à peine après avoir rouvert à peu près tout – sont à deux doigts de tout refermer. Ça commence à être un poil gonflant et ça n’est même plus drôle. En tous les cas, dans la ville de Macao, on a ordonné la fermeture des casinos pour une semaine et tout le secteur s’est fait déglinguer au travers de la planète. Mais au-delà de tout ça, c’est la crainte d’un nouveau ralentissement Made in COVID qui pesait sur le marché – ça et la trouille des chiffres de demain. Il est vrai qu’après 7% de rebond sur le Nasdaq, il valait mieux prendre les profits et comme disait mon père : « Vaut mieux être un trouillon vivant qu’un héros mort ». L’ensemble de la planète bourse qui faisait les malins vendredi soir et se montraient confiant pour l’inflation, l’absence de récession et une saison de publication plutôt cool, on tsoudainement tourné la veste et ont trouvé plein de raisons de dire que ça n’allait pas.
La liste
En tous les cas, si vous avez le courage d’ouvrir un autre journal que l’Equipe ce matin en revenant d’avoir été chercher le pain à la boulangerie, vous verrez que les arguments pour dire que l’on va tous mourir et qu’il vaut mieux partir en courant à la plage pour aller – tout simplement faire autre chose que de la finance – sont légion.
Il y a tout d’abord l’Euro/Dollar qui se fait défoncer tous les jours et qui commence (depuis hier) à faire peur aux Américains. Oui, parce qu’aussi fou que cela puisse paraître, les multinationales américaines font 30% de leur pognon à l’étranger. Alors forcément, au bout d’un moment à parité c’est un peu moins drôle d’exporter. Par contre, ce qui est tout bonnement hilarant ; c’est que l’Euro/Dollar est passé de 1.15 avant que Poutine ne disjoncte à 1 et c’est seulement depuis hier que l’on se demande si « à tout hasard, ça ne pourrait pas peser sur les chiffres du trimestre, de l’année, voir du reste de la décennie ». C’est un peu comme les dates de péremption ; il ne se passe rien à 1.14, rien à 1.10, rien à 1.08, rien à 1.05, toujours rien à 1.0199999 et tout d’un coup : BAM !!! On se réveille. Et puis ça n’est pas tout. Il y a aussi le gaz russe qui commence à faire flipper l’Europe.
Le robinet de Vladimir
Là aussi, c’est plutôt rigolo.
Enfin, c’est rigolo maintenant qu’il fait 35 degrés dehors et que notre préoccupation est de trouver un short assez court et un t-shirt assez léger pour aller à la plage. Ça risque d’être un peu moins rigolo quand il faudra acheter une Ford Interceptor et rouler au travers du « back country » pour trouver de quoi se chauffer cet hiver. Ou simplement aller couper du bois en forêt pour ceux qui n’aiment pas les V8 et qui préfèrent la proximité de la nature. En tous les cas, hier le Ministre Français de l’économie, l’éminemment sympathique et le très charismatique Bruno Lemaire – auteur de romans érotiques à ses heures – s’est montré très pessimiste au sujet de l’approvisionnement en gaz ces prochains mois et il estime qu’il est très probable que Poutine coupe définitivement cet approvisionnement. Comme quoi, les sanctions contre la Russie, ça marche quand même super-bien. Je ne sais pas qui a eu cette idée de génie, mais entre la balance commerciale européenne qui s’effondre et le fait que ça coûtera bientôt moins cher de se chauffer en brûlant des billets de 200 Euros, on voit que c’est vraiment efficace économiquement parlant. Bon, la bonne nouvelle, c’est que tant qu’on flippe avec l’approvisionnement en gaz, personne ne prend le temps de demander à Macron ce qu’il a foutu avec Uber à l’époque. Ça masque.
Pour résumer tout ça ; ON A LA TROUILLE de ce que pourrait donner l’inflation demain – un analyste a même été dire que selon lui, le chiffre pourrait même être au-dessus des 10%, ce qui entraînerait inévitablement une hausse de 100 points de base à la fin du mois. ON A LA TROUILLE de voir l’économie entrer en récession à tout moment. ON A LA TROUILLE que les publications trimestrielles nous pètent à la figure. ON A LA TROUILLE du retour du COVID et son variant ABC1234. ON A LA TROUILLE que la Chine se referme, que le gaz n’arrive plus et qu’en plus, Elon Musk ne rachète plus Twitter.
Ah non. Ça c’est déjà fait.
La débandade
La journée aura donc été merdique un peu partout. Les secteurs de croissance étaient sous pression, le Nasdaq abandonnait plus de 2.3% et en Europe, on commençait à flipper parce que l’Euro/Dollar était au plus mal. La Danske Bank a fait un profit warning à cause de la faiblesse de l’Euro et on s’est soudainement rendu compte que toutes boîtes qui traitent en Euro d’une manière ou d’une autre, allaient s’en prendre plein les dents. C’est-à-dire tout le monde. En sympathie les financières ont suivi le mouvement de la Danske Bank – qui est habituellement plus citée pour ses opérations de blanchiment que pour son bilan comptable – mais hier c’était soudainement LA RÉFÉRENCE de la finance mondiale. Le DAX finissait encore sa journée au fond du bac, mais toujours au-dessus des supports. Et puis le CAC40 terminait sa journée juste en-dessous des 6’000 points. Bref, une bonne ambiance de merde qui détonnait largement avec ce que l’on avait vécu la semaine dernière.
Inutile de vous dire que ce matin l’Asie est dans le rouge. Le Nikkei recule de 1.8%, le Hang Seng de 1.2% et la Chine de 1%. Inutile de chercher des raisons ; c’est les mêmes qui ont poussé l’Occident à s’angoisser hier. Le pétrole est à 102.40$, l’or est à 1729$ et le Bitcoin repasse sous les 20’000$. D’accord, pas de beaucoup, mais à l’instant, nous sommes à 19’900$, ce qui, techniquement, représente tout de même un niveau EN-DESSOUS des 20’000$.
Les nouvelles du jour
Dans les nouvelles du jour, on parle de l’affaire Twitter. Du fait que Twitter hurle à la mort et que Musk se fout de leur gueule sur les réseaux en répondant par des « memes » sur Twitter. D’ailleurs je ne comprends pas pourquoi Twitter n’a pas encore fermé le compte de Musk comme ils l’avaient fait avec Trump. Bref, l’affaire va durer, mais ce matin le Barron’s s’inquiète du ralentissement de la publicité digitale et du fait que Twitter va faire face à bien d’autre soucis que le non-take-over de Musk. Le journal parle d’une baisse potentielle de 30% supplémentaire. Autrement, il y a Bill Ackman qui ferme son SPAC et qui rend le pognon à ses investisseurs parce qu’il n’a pas trouvé de candidat viable pour être racheté.
Du côté des gourous, Morgan Stanley se montre super-méfiant pour les publications du trimestre qui commencent vraiment ce soir. Il faut dire que Morgan Stanley est vraiment méfiant sur à peu près tout depuis quelques mois. On retiendra également un article très intéressant qui annonce les objectifs des banques d’affaires pour le S&P500 dans 6 mois. Tout le monde scrute attentivement ce qu’ils annoncent, histoire de savoir quoi faire. Après tout, c’est vrai, jusque-là ils ont été tellement justes dans leurs prévisions que l’on aurait tort de s’en priver.
En gros, Citi voit les 4’200, Oppenheim est à 4’800, Crédit Suisse pense que l’on sera à 4’300, Morgan Stanley pense que ça sera plutôt 3’400 et Wells Fargo envisage 3’900, l’immobilisme total. Vous vous sentez mieux ??? On parle aussi du Fonds 3 Arrows Capital qui vient de réduire 10 milliards de dollars en poussière et – comme d’habitude – on se demande comment ça a pu arriver. Ça a pu arriver parce que « Greed is good » et que lorsque l’on promet des rendements débiles, on veut tous y croire. Comme ceux qui ont cru en Madoff. Autrement la CEO de GAP quitte la société avec effet immédiat – les chiffres ne sont pas bons – et cela augure d’une sale saison à venir pour les CEO’s – heureusement que l’on a inventé le « golden parachute ». C’est au moins un truc que l’on a appris de la crise de 2008 ; on vire toujours les CEO’s, mais on ne dit plus combien ils touchent en partant.
Les chiffres du jour
Pour le moment, les futures sont au plus mal, le S&P500 devrait ouvrir – en théorie – en baisse de 0.6% et on attend les prévisions économiques de la BCE ce matin, ainsi que le ZEW en Europe. Cette après-midi, nous aurons le début de la saison des trimestriels avec Pepsi, le REDBOOK. Et pendant ce temps, la pendule fait tic-tac-tic-tac en attendant le CPI de demain.
En ce qui me concerne, je crois qu’il ne me reste plus qu’à vous souhaiter une excellente journée et je vous retrouve demain pour parler du 214ème épisode de la saison 8 de l’INFLATION. C’est devenu presque aussi pénible à regarder qu’une « telenovela ».
À demain !
Thomas Veillet
Investir.ch
« In the end, it’s not the years in your life that count. It’s the life in your years. » -Abraham Lincoln