La journée d’hier n’aura servi à rien. Il y a bien deux ou trois chiffres trimestriels qui ont fait vibrer deux ou trois titres et qui nous ont confirmé qu’il y avait encore quelques investisseurs qui étaient réveillés dans la chaleur du mois d’août, mais on ne va pas se mentir ; la préoccupation est clairement centrée sur les chiffres de l’emploi de cette après-midi et sur le fait que l’on est peut-être en train de sortir du Bear Market et d’entrer dans un nouveau Bull Market. Tout le monde en doute et personne n’est vraiment convaincu, cela suffira-t-il pour prendre les Bears à contrepied ? Ou est-ce que l’économie va filer un coup de frein qui restera dans les annales ?

L’Audio du 5 août 2022

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Une journée dans le vague ou dans les vagues

Grosso modo, les indices européens ont fini dans le vert très clair. La conviction n’est pas très franche et sans le feu vert (aussi) des Américains, les indices du vieux-continent ne pouvaient pas aller très loin. Au moins on ne parlait plus de Pelosi et soudainement la Chine n’intéressait plus personne – pour autant que ça ait intéressé quelqu’un ces derniers jours – aux États-Unis, le Dow Jones et le S&P500 terminaient en baisse, pendant que le Nasdaq continuait son irrésistible ascension. L’indice technologique est en hausse de 20% depuis les plus bas du mois de juin et on commence à se demander si l’on n’est pas en train de démarrer quelque chose de nouveau, quelque chose comme un « NOUVEAU BULL MARKET ».

Il faut dire que ça paraît quand même trop facile. Le problème de l’inflation n’est pas réglé et de loin – d’ailleurs hier la Banque d’Angleterre a monté ses taux de 50 points de base en prévenant que l’inflation pourrait rapidement passer au-dessus des 10% et en mettant en garde les sujets de la Reine Elisabeth qu’ils n’allaient pas vers une mer d’huile avec une brise de de 3 nœuds dans les voiles et que ça pourrait être un peu plus compliqué que ça avec une récession longue et douloureuse qui se pointe à l’horizon. Et c’est là que c’est hilarant : vous avez une banque centrale qui monter les taux et qui dit que ça va être la merde, qui donnent l’impression d’être au bord de la dépression, peut-être même du suicide et le marché anglais ne termine même pas en baisse. Alors oui, je sais que le marché anglais, ça reste quand même un marché bien particulier, mais quand même. On sent que plus rien ne peut faire baisser les indices mondiaux, tellement on a peur de rater la prochaine hausse. En 2008 on ne voulait surtout plus rien perdre, alors on vendait tout et en 2022, on ne veut surtout pas avoir du manque à gagner ou du manque a RE-gagner, que l’on n’ose plus vendre.

Rien n’est réglé

Pourtant, comme je le disais au début du paragraphe ; rien n’est réglé. L’inflation n’est absolument pas sous contrôle, l’absence de récession n’est absolument pas garantie. Et de loin. Les chiffres trimestriels sont moins pires que prévus, mais les guidances restent globalement très prudentes, tout comme les niveaux d’engagements. Sans compter que le nombre de sociétés qui licencient carrément, reste relativement élevé. Les chiffres de l’emploi américains qui seront publiés ce soir seront d’ailleurs indubitablement la clé de voûte de la suite du Baby-Bull Market dans lequel nous sommes ou alors tout simplement le déclencheur d’un nouveau sell-off, sachant que pas mal d’indicateurs montrent que nous sommes surachetés.

Cette après-midi, le département américain du commerce va donc annoncer combien d’emplois ont été créés en juillet. Combien de vendeurs de glaces ont été engagés et combien de garçons de plage ont trouvé un job pour trois semaines en plus d’un job dans un restaurant le soir et dans une usine pour surveiller les stocks pendant la nuit. Les « Experts à Wall Street » attendent un chiffre de 250’000 contre 372’000 le mois passé. Mais pour être franc avec vous, on dit déjà que 250’000 est un chiffre que l’on a tiré au hasard et qui est relativement conservateur – cependant dans les milieux autorisés des « Experts à Wall Street », un milieu où ni vous ni moi ne sommes – on se dit déjà que si c’est en-dessus de 200’000 c’est bien. Et ça voudrait dire que l’économie « tient le coup » et que nous ne sommes « pas encore » en récession. En revanche, si le chiffre sortait sous les 200’000, il va falloir attacher sa ceinture et se mettre en position « brace, brace, brace » pour un atterrissage que l’on qualifiera de « BRUTAL », tout en s’attendant à voir le mot « RÉCESSION » fleurir un peu partout dans les médias financiers.

À la croisée des chemins

Nous voici donc à la croisée des chemins, soit les indices continuent de performer à la hausse et nous allons aller chercher les moyennes mobiles des 200 jours pour commencer à parler de « nouveau bull market séculaire » et nous allons avoir un défilé de stars de la finance sur le plateau de CNBC qui viendront tous nous dire « je vous l’avais dit ». Sois, je préfère rester encore une semaine en vacances pour ne pas voir la descente vertigineuse en direction de la moyenne des 50 jours. En tous les cas, lorsque je regarde les opinions des grosses Berthas de la recherche financière américaine, je me dis que la confiance n’est pas là. C’est d’ailleurs parce que personne n’y croit que ça pourrait continuer à monter.

En tous les cas, JP Morgan, Goldman Sachs, Morgan Stanley, Bank of America et j’en oublie, sont tous en train de nous dire que l’on ne va pas se débarrasser de l’inflation en deux coups de cuillères à pot, que la récession nous pend au nez et que les volumes et les « in-flows » qui accompagnent ce « rallye d’été » ne sont pas suffisamment convaincants pour que la hausse soit vraiment durable. Sans compter que les mêmes banques d’affaires estiment que l’on a toujours un risque majeur sur le prix du pétrole (à 130$) alors que le baril ne fait que baisser depuis quelques jours. Actuellement l’or noir est à 88.90$, mais tout le monde prévient que ça n’est pas « jouable » et que les volumes d’extraction sont insuffisants pour justifier un prix si bas sur le long terme. D’ailleurs afin que nous ne soyons pas surpris en tant que consommateur, les stations-services suisses ont décidé de garder le prix de l’essence comme si le baril était à 130$ – comme ça on est habitué.

En conclusion

Nous voici donc dans une zone d’interrogation totale. Cette fameuse zone où l’on se dit : « bon, je dois encore acheter ou on va finir par s’en prendre une ??? ». Normalement, nous devrions avoir un début de réponse ce soir et si les indices ne suffisent pas, il faudra attendre le CPI de la semaine prochaine pour savoir si la FED est trop forte et si l’inflation a vraiment fait son PIC. Restera à ensuite à savoir si c’est « déjà dans les prix ou pas ». Une chose est certaine, ces prochains jours, c’est la psychologie des marchés saupoudrés de fondamentaux économiques douteux qui seront en première ligne dans le monde merveilleux de la finance et tout ça alors que la FED et la BCE sont en vacances.

Du côté des compagnie individuelles, on notre les « bons chiffres » de Door Dash – vous savez, la boîte qui vous livre des repas tièdes dans des boîtes en carton – eh bien les chiffres étaient moins pires et la perte de « seulement » 30 cents par action. Le titre prenait 13% after close et se traitait à 92$. Ça reste bien loin des 256$ du mois de novembre, mais apparemment c’est une bonne nouvelle. On notera aussi Coinbase qui a repris presque 100% sur la semaine et qui hier, annonçait un partenariat avec BlackRock pour donner un accès direct aux cryptos aux gros clients institutionnels. Le titre a pris 10% de plus hier. Le 27 juillet Coinbase se traitait à 55$, hier elle a touché les 115 et terminait à 90$. On voit que les mouvements de certains titres sont parfaitement sains et pas du tout manipulés. On retiendra aussi que Tesla a voté un nouveau split et qu’Elon Musk prédit une « récession légère » qui devrait durer 18 mois et des rachats d’actions possible sur Tesla. Oui, parce que Musk est aussi économiste en plus du reste.

Et maintenant quoi ?

Pour le moment, les futures sont en hausse de 0.3%. La France va publier sa balance commerciale, mais tout le monde s’en fout parce qu’à 14h30 on saura si on est dans un nouveau Bull Market ou pas, un fois que l’on connaîtra les chiffres de l’emploi. Je mentionnerais encore une chose : ce matin j’ai cherché les conditions nécessaires pour annoncer la mort officielle du Bear Market, la réponse est longue et complexe, mais disons, pour faire simple, que c’est pas encore gagné. Par contre, vaut mieux vivre aux USA où l’on croit encore que tout est encore possible, qu’en Angleterre où l’on est convaincu que tout est foutu.

Il me reste à vous souhaiter un excellent week-end, un très beau vendredi et rassurez-vous, les vacances sont bientôt terminées, vous allez remettre les enfants à l’école et on pourra enfin parler de la saison des KRACHS !!!

À lundi !

Thomas Veillet
Investir.ch

“The best way to predict the future is to invent it.”

– Alan Kay