Vous avez aimé « est-ce que le chômage diminue ? », vous avez adoré « on crée des jobs à la pelle », vous vous êtes goinfré de popcorns devant « l’inflation a fait son pic », vous allez tomber amoureux du dernier « blockbuster » en date. Mieux que Top Gun Maverick, mieux que Titanic, plus mythique que le premier Terminator et la saga des Rocky, cette semaine vous allez assister à la sortie de « Est-ce que le consommateur consomme ??? ». Après avoir réussi à oublier tous les problèmes de la planète, toutes les guerres, les doutes sur les chaînes d’approvisionnement, le fait que toute la bouffe augmente et que cet hiver on va se chauffer au bois, cette fois on teste le consommateur !

L’Audio du 15 août 2022

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Fin de semaine en fanfare

Alors que la semaine dernière se sera terminée en fanfare, en explosion de joie et de confiance après les chiffres de l’inflation qui ont été publiés mercredi dernier, cette semaine nous allons devoir trouver un autre os à ronger. Un autre sujet sur lequel nous pourrons nous concentrer et tirer des conclusions pour l’avenir. Ça tombe bien, parce que dans les jours qui viennent, nous allons assister à la publication des chiffres des ventes de détail, histoire de voir si le moteur de la croissance américaine (aka le consommateur) est toujours suffisamment en confiance pour continuer à tirer la machine en avant et surtout, voir si la hausse d’à peu près tout (sauf du pétrole – depuis 2 mois en tous les cas) n’a pas eu raison de sa volonté d’acheter à peu près tout et n’importe quoi et surtout, de dynamiser la croissance.

Dynamiser la croissance, chose indispensable pour que l’on continue à croire que la hausse des taux massive mise en place par la FED depuis le printemps n’a aucune influence sur la croissance économique et que les USA sont l’exemple parfait de l’économie qui fonctionne toujours à plein régime et qui doit probablement être fabriquée en « adamantium », comme Wolverine. Cette semaine nous allons non seulement avoir les publications des ventes de détails, mais EN PLUS, les publications trimestrielles des grands-magasins. On se rappellera (pour la petite histoire), qu’au début de la saison des publications, Walmart avait fait un « profit-warning », entraînant tout le secteur avec eux. Bon, il faut dire que depuis, nous avons appris qu’il pleuvait des jobs et que l’inflation avait fait son pic, mais il fût un temps pas si lointain, on craignait le pire pour l’état mental et physique du consommateur.

Le sentiment à son top

En tous les cas, si l’on observe le sentiment de marché et les opinions de tout un chacun qui sont régulièrement publiées dans les médias financiers, on voit que l’armada des « négatifs » qui appellent à la méfiance et annoncent un risque de retour au plus bas avant de pouvoir parler de « nouveau bull market », ont clairement perdu de l’audience pour faire place aux nouveaux bullishs qui ne tarissent plus d’éloges sur ce qui se passe dans les marchés et qui ont érigé la FED au rang de Demi-Dieu, tout en attendant de sa part qu’elle ralentisse le rythme de ses hausses de taux. Rien que ce matin, j’ai eu la joie et le bonheur de lire une tripotée d’articles qui recommandent aux investisseurs de prendre « plus de risques », de parier sur la croissance et d’oublier la « value ». Sans compter les Méga-Bulls de chez Fundstrat qui pensent que les indices auront récupéré toutes leurs pertes annuelles d’ici Noël. En même temps que le Bitcoin sera à 100’000$.

L’optimisme est donc de mise en ce lundi matin et je crois que celui qui osera dire le contraire, ou même simplement remettre en question le fait que TOUT NE VA PAS BIEN UN PEU PARTOUT DANS LE MONDE, se fera instantanément lapider par la diaspora des investisseurs qui semblent avoir définitivement tiré un trait sur le Bear Market et sur le fait qu’il y a encore deux ou trois problèmes à régler sur la planète. Trois fois rien, mais quand même.

Plus jamais faible

Puisque nous sommes en mode « plus jamais faibles », plus rien ne nous fait peur et la question restera donc de savoir ce qu’il faut acheter. Si l’on en croit les experts, le S&P500 a cassé sa résistance technique à 4230 et plus rien ne peut l’arrêter. Sans compter qu’il est en retard, étant donné que lui n’a repris « que » 17.5% depuis le fond du trou. Pendant que le Nasdaq s’envole sans regarder derrière. On commence aussi à nous dire que des titres comme Tesla et Amazon sont en train de construire des ébauches de « Golden Cross » et que si cela se confirme, on voit mal ce qui pourrait nous arrêter pour aller accrocher des « plus hauts historiques » avant la fin de l’année.

Il est clair que je m’emballe, mais j’essaie simplement de traduire le sentiment qui a l’air de prendre possession du marché, des investisseurs et des consommateurs. Bien que l’on paie son carton d’œufs 38% plus chers que l’an dernier et que le beurre coûte bientôt plus cher que du platine, on a l’air de croire, de se raccrocher au fait que les instances qui nous dirigent font absolument tout juste, alors que les mecs sont simplement absents en train de faire du « Jet ski » à la plage. Je dois dire que je pouvais largement comprendre le fait que les marchés explosaient à la hausse en plein COVID, pendant que les banques centrales nous arrosaient de pognon de tous les côtés et rivalisaient d’astuces pour baisser les taux en négatif. Par contre, là tout de suite, lorsque j’ouvre un journal et qu’il faut que je tourne 22 pages avant d’arriver au chapitre « bonnes nouvelles pas déprimantes », j’ai quand même de la peine à me rouler par terre de joie comme mon chien quand il trouve une bouse de vache pendant la promenade.

Les nouveaux visionnaires

Tout ça pour vous dire que ce matin, le sentiment est à son top et tout le monde est en forme. Même si c’est lundi matin. Vendredi passé, l’Université du Michigan a publié ses chiffres de la confiance du consommateur pour le mois et tout va bien. Monsieur Consommateur est optimiste et il pense même acheter un nouveau fer à friser pour Madame et un lave-vaisselle tout neuf dans les six prochains mois. On est limite au bord de l’euphorie économique. Et puis surtout, surtout et ça, c’est important : selon un nouveau sondage auprès des consommateurs, ces derniers s’attendent à une inflation qui va s’établir autour de 3% pour les…. Tenez-vous bien : 5 à 10 prochaines années !!!

Et le marché a ADORÉ la nouvelle. En gros, tu prends ton micro tu vas à la sortie d’un grand-magasin et tu prends la première ménagère de moins de 50 ans ou la première grand-mère avec son déambulateur et tu leur pose la question suivante :

« Que pensez-vous du taux d’inflation marginal publié par le département du commerce pour les 5 à 10 prochaines années ? »…

Après tu compiles les données qui sont sûrement hyper-fiables, étant donné que tout le monde a un avis très pointu et basé sur les données de reproduction des bulots sur la côte normande, et tu fais un article pour le Wall Street Journal qui est repris par le Barron’s et Business Insider qui déclare que « le consommateur est confiant sur le devenir de l’inflation ». Donc. Je résume. Il y a des mecs à la FED qui ont accès à une montagne de données économiques, qui sont des « experts » en économie et qui ont tous un doctorat en quelque chose. Et ces mecs-là sont INCAPABLES de voir que l’inflation n’est pas transitoire à trois mois et est presque aussi bien sous contrôle que les dinosaures du Jurassic Park. Mais par contre la ménagère de moins de 50 ans et mamy en déambulateur sont suffisamment fiable comme opinion sur l’inflation pour en tirer un article de première page ???

Je ne sais pas, mais y a un truc qui m’échappe. Je dois être un peu trop vieux ou aigri, mais y a un truc qui m’échappe.

La Chine pas dans le même train

Pendant que l’on explose de joie en Occident et que tout va bien et que l’inflation n’est plus un problème et que cet hiver on mettra un pull parce qu’on n’aura plus de chauffage, la Chine vient de publier ses chiffres de la production industrielle et des ventes de détail. Les deux sont nettement en-dessous des attentes et moins bon que le mois dernier. On est donc en train de se demander si le « rebond » chinois n’est pas en train de s’étouffer dans un œuf de dragon ou dans des raviolis à la vapeur un peu trop cuits. En tous les cas, la Banque Centrale Chinoise le pense, puisque cette dernière vient de baisser ses taux directeurs pour essayer d’empêcher leur économie de caler en plein décollage.

Je sais bien que ça n’est pas si grave, puisque l’on se fout cordialement de l’économie chinoise depuis bien longtemps et surtout depuis que l’on sait que la FED a repris le contrôle de l’inflation américaine, mais quand même. Les futures sont en baisse de 0.25% et on sent un début de panique qui nous gagne. Si c’est pas de la panique, il y a un doute quand même. Pour le moment le pétrole est à 91.31$ et plus personne ne s’en occupe, même si on va en reparler cette semaine avec la visite de Xi-Jinping en Arabie Saoudite, histoire de voir si la réception de ce dernier est moins froide que celle qui avait été offerte au grabataire de la Maison Blanche il y a quelques semaines.

Pour le reste

Dans le reste des choses à savoir, on notera que le Bitcoin frôle les 25’000$ et que l’or est à 1810$. Autrement, dans les super-bonnes nouvelles, il faudra noter que les autorités allemandes estiment qu’ils doivent réduire leur consommation de gaz de 20% s’ils ne veulent pas se retrouver à couper du bois et brûler des euros dans la cheminée tout l’hiver. En gros après avoir crevé de chaud tout l’été à cause de la canicule, il se pourrait bien que l’Europe crève de froid à cause des sanctions contre la Russie. Sanctions qui, je le rappelle, fonctionnent toujours super bien. Comme l’avait dit l’adorable Bruno Le Maire : « L’Europe va mettre la Russie à genoux ». D’ailleurs la France craint de ne pas avoir assez d’électricité pour cet hiver alors que leurs centrales nucléaires carburent aussi bien que celle de Fukushima.

Dans la série « les Américains sont complètement cons », on retiendra qu’après Madame Pelosi qui est allée se balader à Taïwan pour provoquer les Chinois, voici que maintenant ils envoient un groupe de politiciens sur place pour entretenir les tensions, il est vrai qu’il serait vraiment dommage que Biden n’ait pas sa guerre à lui. Comme chaque Président démocrate avant lui.

Côté chiffres

Pour ce qui est des chiffres économiques, nous aurons le PPI en Suisse, mais je ne suis pas certain que cela change quelque chose à la psychologie du marché. Les publications trimestrielles continuent, même si ce n’est plus aussi sexy qu’avant. Ce lundi nous aurons les barbecues Weber et Tencent en Chine. On a connu des journées plus fastes.

Nous allons donc entamer cette semaine en nous demandant si tout cela peut durer et une fois qu’on aura la réponse, l’investissement sera définitivement simplifié. En ce qui me concerne, je vous souhaite un excellent lundi et un très bon début de semaine dans ce monde merveilleux qui est le nôtre, un monde où TOUT VA BIEN !!!

À tout soudain !

Thomas Veillet
Investir.ch

“Life shrinks or expands in proportion to one’s courage.”

– Anais Nin