Le suspense est insoutenable alors que personne n’aura pu passer sa journée d’hier sans parler au moins une fois des chiffres du CPI qui vont sortir cette après-midi ou alors carrément être confronté au fait que l’inflation, c’est encore plus fort que toi. Les mauvaises nouvelles s’accumulent tous azimuts alors que les « experts » se concentrent UNIQUEMENT sur le fait que l’inflation DOIT AVOIR fait son pic ou alors on est mort. Pourtant, ailleurs on reparle des problèmes des semi-conducteurs, de l’hiver des crypto-monnaies, d’explosion des loyers et du fait que l’on est toujours dans un rebond DANS un Bear Market. Finalement le pire pourrait venir d’ailleurs.

L’Audio du 10 août 2022

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On se prépare, mais ça va mal partout

Après la publication des chiffres de l’emploi de vendredi dernier qui nous ont donné l’impression que tout allait bien dans le meilleur des mondes et qu’en fait on avait eu peur pour rien, la séance d’hier aura donc vu quelques prises de profits et pas mal de mauvaises nouvelles qui auraient pu nous laisser entendre que tout n’était pas encore gagné. Les indices terminaient en rouge un peu partout et les titres de croissances étaient les plus en souffrance. Pour en trouver la raison il ne fallait pas aller chercher trop loin. Nvidia a fait un profit warning, Micron a fait un profit warning, Cathie Wood a déclaré que les USA étaient DÉJÀ en récession et qu’ils n’en sortiraient pas avant 2023, Bank Of America pense que les révisions des bénéfices pour le trimestre prochain vont faire très mal au marché dans les prochaines semaines, même si les investisseurs n’ont jamais été aussi bullishs sur les valeurs technologiques la semaine dernière.

Et ça ne s’arrête pas là, une des stars de JP Morgan, Marko Kolanovic, connu pour faire partie du camp des bêtes à cornes est en train de réduire son exposition aux actions et d’acheter des matières premières et se montre très prudent. Dans la foulée Roblox a sorti des chiffres tous pourris et plongeait de près de 20%, Coinbase a annoncé des chiffres franchement moches et pensent que l’hiver des cryptos va encore durer longtemps. Et comme si ça ne suffisait pas ; un sondage démontre que les prix des loyers sont en train de prendre l’ascenseur à une vitesse vertigineuse et on paie déjà nettement plus cher qu’AVANT le COVID alors que les Américains ne se sont jamais senti aussi « en danger » du côté de l’immobilier. À ce stade-là, on pourrait dire : n’en jetez plus !!! Mais si on gratte bien, on trouvera aussi une banque d’affaire américaine qui a publié une liste de sociétés qui ont un « cash burning rate » tellement énormes qu’elles sont en danger de faillite. Dans « la liste », il y a Rivian ou encore Snap…

Le retour du cash-burning rate

Pour ceux qui ont oublié ce qu’est un « cash burning rate », la dernière fois que l’on s’est vraiment inquiété de cette donnée fondamentale sur les bilans de certaines sociétés, c’était au moment de l’explosion de la bulle internet, lorsque l’on s’est rendu compte qu’il y avait beaucoup trop de boîtes de merde qui étaient venu en IPO et que les valorisations de ces dernières ne faisaient plus aucun sens, qu’elle n’avait pratiquement pas un business viable et que l’on se dirigeait droit dans le mur.

Je ne sais pas si à ce stade de la chronique, je dois encore vous rappeler les récents évènements qui ont émaillé les IPO’s de deux sociétés chinoises qui ont explosé à des niveaux de valorisations complètement débiles ces dernières semaines alors qu’elles gagnent 20 millions par trimestre, dans le meilleur des cas et que personne ne sait trop ce qu’elles font comme business. En plus ! Bref, je ne veux pas être le gars qui peint le diable sur la muraille, surtout que depuis quelques jours on me reproche d’être « trop négatif » alors que je suis bullish depuis 5 ans avant ma naissance, mais disons que là tout de suite, il y a quand même un paquet de trucs qui laissent à penser, que l’on est peut-être remonté un peu trop haut et un peu trop vite. Alors bien sûr, la réponse à nos questions, nous l’aurons dans quelques heures, mais cela suffira-t-il à mettre du charbon dans la chaudière pour aller plus haut ? On est en droit de se poser des questions.

Le territoire des ours

Hier les indices étaient donc en baisse. Pas en baisse vertigineuse, mais il faudra tout de même noter que si le Dow Jones ne reculait « que » de 0.18%, le Semi-Conducteur Index, lui, de son côté, abandonnait près de 4.6%. Loin de moi l’idée de dire que le Semi-Conducteur Index est un indicateur avancé de ce qui pourrait se passer, mais ça marche quand même souvent comme ça. Tout ça pour dire que ce matin, avec l’avalanche de mauvaises nouvelles qui nous sont tombées dessus hier, on peut encore s’estimer heureux que le bilan carbone des bourses mondiales ne soit pas pire que ça.

Alors oui, il y a AUSSI de quoi être rassuré. Rassuré, parce que le CPI qui sortira tout à l’heure à toutes les raisons d’être plus bas que là où il était le mois dernier. Ne serait-ce que parce le pétrole s’est pété la figure depuis le 15 juin et que, dans la foulée, le gallon d’essence est repassé sous les 4 dollars un peu partout aux States. On pourra aussi citer le prix du cuivre qui a bien corrigé par rapport aux excès de la fin du premier trimestre, tout comme le blé ou du coton. Par contre il faudra tout de même faire gaffe à un autre chiffre qui sortira tout à l’heure.

L’autre CPI

Pendant que tout le monde n’aura d’yeux que pour le CPI classique qui devrait être autour des 8.7% selon les experts. Sachant qu’en ce moment, les taux de réussite des experts sont plus proches de ceux d’un joueur compulsif dans un casino de Las Vegas, vers 4 heures du matin et après une caisse de Jack Daniel’s. Donc, pendant que tout le monde regardera CE chiffre, il y aura également la publication d’un autre CPI. En anglais, il s’appelle : Le “Core year-over-year CPI reading”. Au-delà de sa traduction en français et de son nom un peu pompeux et barbare, ce chiffre fait abstraction des données liées au pétrole et à tout autre matière première un peu trop volatile. En gros, un chiffre qui est moins impacté par les mouvements à court terme et qui, pour certain est plus représentatif de la réelle inflation subie par les gentils Américains qui gagnent toujours à la fin du film.

Et le problème, c’est que ce chiffre-là, pourrait ne pas encore avoir fait son pic. Lui. D’ailleurs les mêmes experts qui attendent un CPI à 8.7%, pense que Core CPI pourrait même sortir autour des 6.2% après avoir atteint 5.9% en juin. Et ça, ça pourrait aussi vouloir dire que la FED n’a pas encore complètement gagné son pari et qu’il va falloir monter les taux encore et encore et que ceux qui attendent le retour d’un Powell « dovish » pour finalement sauter dans le train et annoncer que nous sommes dans un « nouveau bull market », pourrait avoir tout intérêt à retourner sur une plage se faire bronzer en attendant des jours meilleurs.

Nouvelles du jour

Dans les nouvelles du jour ça n’est pas la folie, mais on retiendra quand même que Musk vient de vendre pour 7 milliards de sa participation dans Tesla. Aucune raison n’est communiquée, mais comme il n’achète plus Twitter et qu’il a déjà payé ses impôts, je ne veux pas faire d’amalgame, mais disons que certains auront vite fait de tirer des conclusions. Il y a aussi l’inflation en Chine qui est en hausse, tout comme les cas COVID, vu qu’ils sont passé de deux cas positifs à trois. Ce matin les indices asiatiques n’ont pas aimé les chiffres chinois et tout est dans le rouge avec un vainqueur qui sort du lot : Hong Kong, en chute libre de 2%.

Pendant ce temps, le pétrole est à 90$, l’or à 1806$ et le Bitcoin vaut 22’900$, pendant que l’Ether est à 1677$. Les futures sont inchangés et comme l’indique le titre de cette chronique : J’y vais, mais j’ai peur. Côté chiffres économiques, en plus du CPI aux USA, nous aurons celui de l’Allemagne – qui doit être impressionnant également – et il y aura aussi les inventaires pétroliers, dont on ne parle pratiquement plus dans les médias depuis que le CPI est devenu LA MESURE qui va nous dire de quoi l’avenir est fait et si la FED va redevenir notre amie, vu que ça n’est plus le cas depuis qu’on lui a découpé la paix.

Passez une excellente journée, n’oubliez pas la crème solaire et de mettre une casquette, ça va taper cette après-midi. Nous on se voit demain, histoire de savoir s’il faut écoper la cale du Titanic ou si on embarque tous dans la navette Challenger en direction de l’espace.

À demain, si vous le voulez bien !

Thomas Veillet
Investir.ch

“Education is like a double-edged sword. It may be turned to dangerous uses if it is not properly handled.”

– Wu Ting-Fang