Hier matin, pendant un bref instant on a bien cru que les marchés avaient décidé de remonter la pente et de tenter le rebond. De tenter de montrer au monde entier qu’ils avaient compris ce que la FED voulait faire et que maintenant on pouvait repartir à la hausse parce qu’enfin, « on savait ». Bon. En fait on ne savait pas. Du coup, on est reparti à la casse. Il faut noter que le secteur pétrolier n’a pas aidé puisque les rumeurs qui avaient fait état d’une coupe de production en Arabie Saoudite ont été démenties par l’OPEP, le baril s’est pris 5% dans les dents, contaminants tout le secteur. Mais les taux et l’inflation restent quand même en tête des préoccupations à la fin.

L’Audio du 31 août 2022

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D’abord l’inflation germanique

Le truc le plus surprenant de la séance d’hier était probablement le fait que le seul indice qui terminait en hausse, c’était le DAX. Alors bon, en temps normal ça ne m’aurait pas surpris, mais hier après la publication des chiffres du CPI local, on aurait quand même pu s’attendre à quelques ventes de panique ou tout au moins une pression vendeuse sur l’indice allemand de par les craintes de voir les taux monter massivement pour freiner l’inflation. Oui, parce que les nouvelles n’étaient pas bonnes. Alors oui, bon, bien sûr, ça n’est une surprise pour personne, mais quand même. 0.5% de hausse sur l’indice alors que l’inflation est annoncée à 8.8% et que la plupart des experts en la matière s’attendent à pire pour les mois qui viennent et que l’on parle même de 10% en octobre, c’est presque stupéfiant.

Je suis d’ailleurs presque déçu de la hausse du DAX. Depuis hier matin j’avais déjà trouvé un titre pour ma chronique et la hausse des Allemands a tout foutu par terre. J’avais trouvé « when das will nicht, das will nicht », mais du coup ça ne le faisait pas. On va donc dire que l’Allemagne n’a pas baissé parce qu’elle n’a pas de pétrolières dans l’indice et que l’inflation massive était nettement dans les prix. Visionnaires que nous sommes. Ce qui fait que dorénavant on va pouvoir vivre sereinement tous les bruits de couloirs sur la prochaine hausse de la BCE attendue pour jeudi prochain. Dans les médias de ce matin on peut trouver pléthores d’articles qui laissent entendre que l’on peut carrément s’attendre à une « jumbo » hausse des taux pour tacler violemment l’inflation à la hauteur des genoux. Comprenez qu’après le discours de Monsieur Powell de la semaine dernière, les banquiers qui bossent avec Lagarde vont devoir trouver quelque chose de spectaculaire pour faire parler d’eux et faire genre « nous aussi on combat l’inflation au côté des États-Unis parce que c’est nos meilleurs amis et on fait tout comme eux, mais mieux ».

Powell a vraiment dit ça ?

Pour ce qui est du reste du monde, nous étions donc en mode « oh mon dieu le pétrole baisse », on a donc tapé sur les pétrolières comme si ça ne coûtait rien alors que finalement, le pétrole est plus ou moins simplement de retour là où il était vendredi dernier. Les Saoudiens ne vont donc pas couper la production comme on nous l’avait laissé entendre ces dernières 48 heures et tout est revenu dans l’ordre. Le pétrole est à 92$ et des poussières, du coup l’inflation est sous contrôle. Pour le moment. Reste à voir les échéances qui nous attendent pour les prochains mois et ça n’est pas encore gagné. Mais hier on tapait sur le secteur tout en essayant de digérer encore le discours de Powell.
D’ailleurs si le discours de Powell était un aliment, en termes de digestion ça se rapprocherait un peu de la fondue au fromage accompagné d’une soupe de moules, d’un chocolat chaud et d’une douzaine d’huîtres ouvertes hier et laissées en plein soleil depuis. Il faut un peu de temps pour digérer la chose. Les indices américains ont donc terminé encore une fois au fond du bac, après avoir tenté quelque chose qui avait ressemblé à de la résistance. Mais ça n’a pas duré longtemps. Il faut dire que les membres de la FED n’arrêtent pas de parler dans les médias et comme ils sont tous derrière Powell et martèlent tous le même discours, il y a de quoi entamer une cure de Xanax pour éviter la dépression. À force d’entendre toujours cette même rengaine qui dit qu’il faut d’abord mettre l’inflation à terre – Whatever it takes – avant d’envisager quoi que ce soit d’autre, c’est un peu lourdingue à force.

Hier c’était Williams, de la FED de New York qui retournait encore une fois le couteau dans la plaie en déclarant que la FED allait devoir monter les taux «au moins » jusqu’à 3.5% et les maintenir à ce niveau jusqu’à la fin 2023, pour ne pas dire jusqu’en 2024. Alors forcément pour ceux qui croyaient encore à un pivot de la part de la FED et qui prenaient encore leurs rêves de voir la FED rejoindre le côté DOVISH de la force pour des réalités, le réveil est difficile. Bref. Hier le pétrole s’est fait démonter et le reste n’allait pas forcément mieux parce que les HAWKISHs sont clairement au pouvoir. Pour le moment. Je dis pour le moment parce que lorsque l’on voit les futures ce matin et l’espoir que l’on met dans les chiffres de l’emploi de vendredi, on a envie de dire que certains bullishs n’ont pas encore rendu les armes et pour une catégorie d’investisseur, l’achat sur faiblesse est encore une religion et ça fait chaud au cœur de voir que l’on ne rend pas les armes, même après s’être fait défoncer par Powell. Par moment on a l’impression que le marché voit encore des verres à moitié pleins.

Des chiffres économiques qui rassurent quand même sauf en Asie

Ce matin, les actions asiatiques ont suivi le mouvement baissier de Wall Street, après que de solides données sur l’emploi aux États-Unis ont alimenté les attentes de nouvelles hausses des taux d’intérêt et que l’activité manufacturière chinoise ait faibli. Il faut dire que le gouvernement US a annoncé que pour chaque personne qui n’a pas d’emploi, il y a deux jobs de disponible sur le marché. C’est donc rassurant. C’est rassurant, mais ça veut aussi dire que ça va trop bien. Et si ça va trop bien, ça veut dire que Powell va encore monter les taux. Encore et encore. On ne sait donc plus trop quoi penser. Pour le moment les futures US sont donc en hausse, mais toute l’Asie est en baisse.

Le Nikkei perdait 0.4% et le Hang Seng reculait de 0.5%. À Shanghai ça chutait de 1,2% après que le PMI manufacturier ait montré que l’activité s’est à nouveau contractée en août. Pour le reste, on notera que l’or est à 1735$ et que le Bitcoin refuse de retourner sous les 20’000$. Mais il refuse également de passer au-dessus des 21’000$. On sent que le nouvel indicateur de l’appétit au risque des investisseurs fait son job, puisqu’il est incapable de prendre une décision. Comme les investisseurs qui veulent prendre des risques. Ou pas.

Nouvelles du jour

Dans les nouvelles du jour, on va tout d’abord brièvement revenir à celles d’hier. Il faudra tout même noter que si l’on parle beaucoup des taux et de l’inflation, on n’a que très peu communiqué sur le sujet des chiffres de la confiance du consommateur américain. On oublie un peu trop souvent que ce dernier reste – historiquement – le moteur de la croissance américaine et que sans lui, tout partirait en vrille. Et justement, hier les chiffres de la Confiance du Consommateur étaient nettement meilleurs que les attentes. Ce qui reste encore rassurant, puisque dans l’ambiance actuelle, rien que de savoir qu’il y a encore des gens « qui y croient », ça remonte plutôt le moral. Ça n’est pas encore frappant sur les indices, mais ça veut dire qu’il y a de l’espoir. Puisque l’on parle d’espoir, on n’a visiblement pas tous les mêmes réflexions, puisque ce matin on apprend quand même que les Hedge Funds ont pris des paris à hauteur de 37 milliards pour jouer l’effondrement de la dette italienne.

Oui, c’est assez rigolo parce qu’alors qu’hier on saluait le fait que l’Allemagne ait trouvé du gaz en suffisance pour l’hiver, pendant que Macron allait chercher le sien en Algérie, certains investisseurs pariaient sur le fait que l’hiver qui arrive allait littéralement mettre l’économie européenne à genoux et que l’Italie était clairement celle qui allait se faire démolir en premier – surtout qu’avec un gouvernement bricolé chez Ikea, ça ne devrait pas tenir le choc très longtemps. Alors est-ce que l’on va sauver le légionnaire romain ou est-ce que l’on ne parviendra pas à sauver la dette italienne comme on a « sauvé » la grecque en son temps ? Les paris sont ouverts et les Hedge Funds du monde entier ne parient pas sur un Happy End en Italie.

Autrement, on notera que Warren Buffet a réduit sa participation dans BYD – le fabricant de voitures électriques – une réduction de 1% qui a tout de même précipité le titre en baisse de 12%. Et dans le même thème, il y a Lucid et Nikola qui sont à la recherche de nouveaux fonds pour se développer, alors que l’on se rend de plus en plus compte que les start-ups qui font des voitures électriques brûlent du cash plus vite qu’un V8 crame de l’essence sans plomb.

Chiffres du jour

Côté chiffres du jour, il y aura à nouveau du monde. En Europe, il y aura le CPI, le PPI et le PIB en France. On sait que les chiffres sont toujours moins impressionnants en France, parce que les aides gouvernementales cachent un peu la réalité, mais il faudra tout de même y jeter un œil. En Suisse, il y aura le ZEW et en Allemagne, les chiffres du chômage. Du côté US, il faudra regarder les chiffres des hypothèques, alors que de plus en plus d’analystes tirent la sonnette d’alarme sur le secteur immobilier américain. Et puis il y aura aussi les inventaires pétroliers, le Chicago PMI et les chiffres ADP de l’emploi. En gros, plein de raisons de tirer des conclusions hâtives et des parallèles avec les convictions de la FED.

La bonne nouvelle, c’est que les futures sont en hausse et que l’on a l’air de vouloir inverser la tendance baissière. Pourvu que ça dure. Même si on sent bien que la motivation n’est plus la même qu’avant Jackson Hole. Ceci mis à part, il me reste à vous souhaiter une excellente journée dans ce monde d’interprétation à court terme et de visions à encore plus court terme… Moi je vous retrouve demain à la même heure et au même endroit.

Thomas Veillet
Investir.ch

“Sometimes good guys gotta do bad things to make the bad guys pay.”

-Harvey Specter.