Nous en avons déjà parlé dans ces chroniques ces derniers mois ; le monde de l’investissement a une mémoire très courte et une réflexion qui l’est encore plus. Nous sommes capables d’interpréter la même nouvelle, la même situation de manière différente parce que quelques semaines ont passé et que soudainement l’équation n’est plus la même pour « les experts ». Il faut noter que le plus important, c’est de trouver une explication à nos réactions, pouvoir expliquer rationnellement ce qui s’est passé hier pour faire comprendre aux gens qui ne sont pas des « experts » que tout est rationnel dans ce monde de professionnels extrêmement pointus qui ne se trompent (presque) jamais.

L’Audio du 12 septembre 2022

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Et je peux déjà vous dire que les 9 prochains jours qui nous attendent ne seront pas différents et que l’on va naviguer avec le vent, peu importe d’où il viendra ; ça seront les plus nombreux qui vont gagner.

Enfin une semaine de hausse

Ce qu’il faudra tout de même retenir, c’est que les marchés US sont enfin parvenus à boucler une semaine en hausse. Chose qui n’était plus arrivée depuis que nous avions buté sur la moyenne mobile des 200 jours et surtout, depuis que Powell nous a clairement expliqué que sa priorité était la lutte contre l’inflation et QU’IL NE RELÂCHERAIT PAS SES EFFORTS tant que l’inflation ne s’approchera pas des 3%. Même un peu moins, chose qu’il a d’ailleurs répété la semaine dernière, mais que nous avons interprété comme « une bonne nouvelle » parce que l’on est content de voir que la FED lutte contre l’inflation. Exactement l’inverse de notre réflexion de la fin du mois d’août. Là on n’était pas content que la FED lutte trop fort contre l’inflation parce que ça risquait de nous mener à la récession.

Sauf que là, depuis quatre ou cinq jours ; on s’en fout de la récession parce qu’il y a deux-trois chiffres économiques qui montrent que la croissance devrait être moindre, mais que cela ne devrait pas nous mener à la récession quand même. ALORS OUI, hier Madame Yellen à tout de même déclaré :

« Bien sûr que la récession est une préoccupation. La Fed va devoir faire preuve d’une grande habileté et aussi d’un peu de chance pour parvenir à ce que nous appelons parfois un atterrissage en douceur, c’est-à-dire faire baisser l’inflation tout en maintenant la vigueur du marché du travail ».

Grande habileté et « un peu de chance ». On n’est pas en train de jouer un match de foot entre deux équipes de gamins de 8 ans. On est en train de parler de l’avenir de l’économie américaine et on parle « d’avoir un peu de chance ». Mais bon, visiblement le marché est en train d’appliquer la méthode Macron, puisque ce genre de déclaration, ça lui « en touche une sans faire bouger l’autre ». Bien que je pense sincèrement que le même genre d’annonce il y a trois semaines en arrière, nous aurait coûté bien plus cher. Voir très très cher.

Heureusement, il y a l’espoir

Cependant, depuis quelques jours nous avons visiblement décidé de reprendre la stratégie du verre à moitié plein, plutôt que de continuer avec celle du verre à moitié vide. Peut-être est-ce dû au fait que les indices ont tenu leurs supports. Les fameux 3’900 sur le S&P500 a été plus que parfait récemment. Ou alors est-ce simplement à cause du fait que l’on espère que les chiffres du CPI qui vont sortir demain vont complètement faire changer la position de la FED. On peut imaginer que c’est le cas.

Demain les experts que nous sommes allons tous attendre 14h30 pour voir si le CPI est au-dessus ou au-dessous des attentes de 8.1%. Si c’est en-dessous, ne serait-ce que de 0.1%, je suis prêt à prendre les paris que l’on va « envisager immédiatement » un changement de positionnement de la part de la FED. Et ce, même si Powell a bien insisté sur le fait que son objectif était d’aller sous les 3%. Pas sous les 8.1%. Mais toujours est-il que lorsque l’on prend le temps de lire la presse financière du week-end, on se rend compte que les médias financiers mettent tous en avant le fait que « si le CPI est meilleur », on va vouloir croire que le 21 septembre, après le FOMC Meeting, Powell va nous sortir un truc totalement différent, s’excuser auprès des BULLS et leur dire qu’il s’est mal exprimé et que, étant donné que le CPI est à 8% au lieu de 8.1%, il va arrêter de monter les taux et laisser descendre l’inflation toute seule à 2%, parce qu’en fait, l’inflation, elle est vachement sympa.

Fin de semaine en fanfare

En attendant ces projections délirantes, on retiendra que la semaine s’est terminée en fanfare comme si tout allait bien partout dans le monde et que l’on attendait plus que la baisse de l’inflation pour se dire que nous sommes quand même dans un monde parfait. Bon, il est vrai que le dollar s’est littéralement effondré et que ça change tout. Tout comme le rendement du 10 ans qui plonge également massivement. Non, en fait je déconne et j’exagère, comme d’habitude. Mais j’ai quand même un peu l’impression que c’est comme ça qu’on essaie de nous le vendre.

Si vous lisez le Barrons on vous explique que LA CHUTE du dollar a complètement changé la vision des investisseurs. Oui, en effet, le dollar a tout de même perdu 2.5% contre l’Euro et tout ça en 4 jours. C’est énorme. Il faut quand même dire que l’Euro a perdu 14% depuis le début de l’année contre le dollar. MAIS LÀ, clairement, ça change tout. Pour moi-même personnellement tout seul, ça ne change strictement rien et c’est du pipeau quand on regarde la photo globale de la macro-économie, mais il semblerait que pour les experts de Wall Street qui ont visiblement la tête dans un sac, cet effondrement MASSIF du dollar justifie un retour de l’appétit au risque absolument inouï. Il n’y a qu’à voir le Bitcoin qui était dans le coma depuis des semaines qui est passé de 18’808$ le 7 septembre à 22’350$ cette nuit. Car souvenez-vous, quand le Bitcoin va, c’est que tout va et que nous sommes à nouveau dans un monde où l’on peut devenir riche en trois jours et où les influenceuses siliconées des Marseillais à Dubaï ont plus de poids dans le monde de la finance et des cryptos que les plus grands professionnels de Wall Street depuis 20 ans.

Et ce, même si certaines de ces influenceuses géniales ne sont pas capables de faire la différence entre Brigitte Macron et la Reine d’Angleterre récemment décédée au cas où vous n’êtes pas encore au courant. Il faut dire que l’on peut comprendre la méprise de ces influenceuses tant les similitudes entre les deux est frappante. Si Madame Macron avait un corgi, on ne saurait plus qui est qui.

Une semaine sportive

Nous voici donc à nouveau dans un monde optimiste. Le même monde dans lequel nous étions avant que Powell monte à Jackson Hole. Reste plus qu’à que l’inflation chute massivement à 8% et que Powell redevienne notre ami et nous pourrons passer au chapitre suivant : les élections de mi-mandat aux USA qui devraient naturellement confirmer la victoire de Biden, puisque comme il a réussi à faire passer trois lois en faveur de l’écologie, l’ensemble des Américains bien-pensants seront derrière lui et ensuite on pourra parler de rallye de fin d’année et espérer voir les marchés retourner au plus haut d’ici fin 2023 – si ça n’est pas plus tôt.

Tout cela semble si évident, évident parce que tout le monde sait qu’il n’y aucun autre problème dans ce monde et qu’une fois que l’inflation US passera dans la zone des 7%, Vladimir Poutine va craquer sous le poids des sanctions européennes et rouvrir le gaz, ce qui va permettre à l’Europe d’éviter la récession et à la BCE d’arrêter de monter les taux. Ensuite, l’Europe va tellement rebondir qu’elle va être le driver de l’économie mondiale et remplacer la Chine. La Chine qui, du coup, va mal prendre la chose et arrêter de confiner tout le pays parce qu’on a chopé deux pangolins avec de la fièvre qui pourraient éventuellement avoir attrapé le COVID malgré que leur 8ème dose a été injectée le mois dernier. Et puis, comme dans un film hollywoodien, Poutine va rendre les armes en Ukraine, Zelensky sera nommé prix Nobel de la paix et il prendra le pouvoir à Moscou au printemps, tout ça sans oublier que l’économie US va exploser parce qu’il va y avoir le retour des semiconducteurs, même que l’on pourra acheter une voiture neuve sans attendre 28 mois avant de la recevoir.

Non, moi je vous le dis, tout va presque trop bien actuellement. C’est presque indécent.

En Asie, c’est les vacances

Ce matin en Asie, inutile de vous dire que tout monte, puisque tout va bien. Le Japon est en hausse de 1.1%, pendant que la Chine et Hong-Kong sont visiblement fermés pour le festival du milieu de l’automne. Admettons. Pour le reste, le pétrole se traîne sur les 85$ parce que l’on a peur que la demande baisse à cause de la Chine et que les « plafonds » mis en place sur le pétrole russe ait un effet important (finalement). L’or est à 1727$ et il n’intéresse pas grand-monde pour le moment. Un peu comme d’habitude quoi.

Pour ce qui est des nouvelles du jours, il ne faudra pas s’attendre à grand-chose. En Angleterre on trouve tous que le nouveau Roi est ABSOLUMENT génial, alors qu’il y a encore une semaine, tout le monde pensait que c’était un guignol. Les Ukrainiens sont en train de gagner la guerre selon les Ukrainiens et les Russes font pareil. On notera aussi qu’un autre gourou américain, Monsieur Scott Minerd, pense que l’on va se prendre une correction massive d’ici la mi-octobre. Il parle de 20% de correction. Il justifie la chose par le fait que le marché ignore totalement la situation macro-économique mondiale et quand le marché verra que ça commence sérieusement à merdouiller, il va craquer. Je ne peux pas m’empêcher d’être un peu d’accord avec Monsieur Minerd. Et puis, si l’on reste dans la logique financière actuelle, on notera que le bois vient de reprendre 11% en trois jours alors que l’immobilier est toujours en train de ralentir. Le bois qui est tout de même censé monter avec l’immobilier et baisser avec l’immobilier aussi. À moins que je ne sois pas encore au courant qu’il faille du bois pour fabriquer les batteries des voitures électriques. Toujours est-il que les taux hypothécaires américains sont au plus haut depuis 2009, à 6% et la forte hausse du « lumber » défie toute logique. En tous les cas la mienne.

Chiffres du jour

Côté chiffres du jour, il y aura le GDP en Angleterre et le Trade Balance, en Angleterre toujours. Et il n’y aura rien d’autre. Sans compter qu’en Angleterre, on a bien d’autres choses à penser que de se préoccuper de l’économie. Pour être franc, on a l’impression que ce lundi ne va servir à rien et que tout le monde attendra demain pour voir si l’économie est bien maitrisée par la FED. Chose qui semble plus qu’évidente, puisque la FED ne se trompe jamais.

Je me dis quand même un truc.

Admettons. Je dis bien : ADMETTONS. Demain le CPI américain sort à 9% et on se rend compte que la hausse des taux ne sert à rien et que l’entêtement des banques centrales ne vont que mener les économies à la récession. Il se passerait quoi sur le marché demain soir ??? Je pose la question et je vous laisse y réfléchir. En ce qui me concerne, je vous souhaite un très bon lundi et on se voit demain pour se dire que ce lundi n’aura servi à rien !

Bonne journée à tous !

Thomas Veillet
Investir.ch

“Never give up on something that you can’t go a day without thinking about.”

-Harvey Specter.