Il ne nous reste plus qu’un jour pour terminer une nouvelle semaine bien pourrie sur les marchés financiers. On ne sait pas comment la clôture va se faire ce soir – à moins de la jouer aux billes – mais disons que la photo actuelle n’est pas terrible. Il faut dire que depuis que l’on sait ce que va faire la FED, les choses se sont compliquées. La vision et la conviction affichée dans la lutte contre l’inflation par la banque centrale américaine a, non seulement fait des émules, mais en plus, ça a bousillé tout le suspense. C’est un peu comme si on te raconte la fin du dernier James Bond avant que tu saches que mourir ne peut pas attendre.

L’Audio du 23 septembre 2022

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La journée de digestion

En fait, depuis la soirée spéciale FED de mercredi soir, tout le monde est en train de cuver la chose. Dans le doute, l’ensemble des marchés ont terminé en baisse mercredi ET jeudi en passant principalement leur temps à essayer de comprendre où est-ce que nous en sommes et où est-ce que nous allons, maintenant que nous connaissons plus ou moins les intentions et les plans de la FED. Pour être franc, on ne va pas dire que nous sommes « monstre » surpris de savoir que POWELL veut défoncer l’inflation et que ses méthodes se rapprocheront plus de celle d’un bon vieux film de Schwarzenegger des années 80 que d’une frappe chirurgicale. Toujours est-il qu’il faut tout de même digérer la chose. Et c’est ce que nous faisons depuis mercredi soir tard.

Tout d’abord, il est devenu impossible d’ouvrir un journal financier ou de suivre une chaîne de télé dédiée au monde merveilleux de la finance sans avoir droit à 214 émissions spéciales sur le sujet de taux et de la FED. Ou des dossiers « spéciaux » à profusion qui parlent de ce qu’a fait Powell, de ce que Powell va faire et ce qu’il aurait pu faire. Ou du faire. Et pour être franc avec vous, ça n’est pas que l’on apprend grand-chose, mais ça a au moins le mérite de nous habituer au fait que ces prochains mois, on va surtout se concentrer sur le fait que ça serait bien que l’emploi montre des signes de faiblesse, puisque c’est une des choses qui pourrait éventuellement faire changer le FED d’état d’esprit dans sa guerre contre l’inflation.

Toutes choses étant égales par ailleurs

Quoi qu’il en soit, aujourd’hui, si tu es banquier central et que tu ne combats pas l’inflation en montant les taux et en te foutant du reste, c’est comme si t’es une fille et que t’as pas de shampoing dans une émission de télé-réalité. On sait que dorénavant et à partir de mercredi dernier, la solution ultime c’est ; monter les taux, monter les taux et monter les taux encore. Et ce, jusqu’à qu’il se passe quelque chose. Que l’inflation baisse franchement ou que le chômage explose ou encore que la récession nous attaque lâchement par derrière. Ce qui pourrait d’ailleurs bien être corrélé les uns avec les autres.

Nous avons donc passé les dernières 36 heures à débattre du sujet et à se repasser le spectacle live que Jerome Powell nous a donné l’autre soir. Les marchés n’ont pas du tout aimé, puisque depuis l’annonce on ne fait que baisser et que le secteur de la technologie ressemble à un champ de bataille qui n’aurait pas encore été nettoyé. Le secteur de la croissance est à la rue, mais le reste aussi. Il faut dire que le rendement des obligations d’état sont en train de prendre l’ascenseur et que certains investisseurs sont en train de se demander si ça n’est pas plus simple d’aller gratter du 2 ans américain à 4%, plutôt que de prendre des risques inconsidéré sur les actions alors que nous sommes au bord du gouffre sur la plupart des indices mondiaux.

L’histoire nous apprend que…

Nous sommes donc en train de nous poser la question ultime :

« Va-t’on retourner aux plus bas du mois de juin ? »

La réponse est simple et évidente : ça dépend.

Si l’on se base sur le passé, il semblerait que dans la plupart des Bears Market, c’est lors de la troisième vague que nous avons pu commencer à envisager le fait que le « fond de la tasse » est en train de se faire. On sait aussi que l’on ne peut pas toujours se baser sur le passé pour prédire l’avenir, puisque les sciences économiques ne sont pas une science, ni une science exacte d’ailleurs. Surtout pas. Toujours est-il que si l’on veut se raccrocher à quelque chose, on peut se dire que « statistiquement », la troisième vague d’un Bear Market se termine avec une baisse d’environ 10%.

Ce qui voudrait dire que… Si le S&P500 – qui vient de perdre 10% depuis la mi-août – parvient à tenir les bas niveaux du mois de juin, autour des 3’600, il y a une bonne chance que l’on puisse envisager un rebond en direction des 4’250. Sachant surtout que l’on sait exactement ce que la FED va faire et qu’il suffirait que les Non-Farm Payrolls montrent des signes de faiblesse dans 10 jours pour que l’on commence à se dire que le plan quinquennal de Powell pourrait bien fonctionner et que l’espoir d’envisager un comportement moins agressif de la part des autorités reste dans le domaine du possible. En revanche, si ce soir on s’en prend encore une et que l’on casse les bas de juin, que le DAX termine sous les 12’500 et que Tesla fait un profit-warning, on est mal.

Le monde merveilleux de l’analyse économique

Mais je dois vous dire une chose. Ce matin j’ai lu à peu près tout ce qui a été écrit sur le récent FOMC Meeting et j’ai essayé d’assimiler au plus vite les opinions des uns et des autres, de tout mettre dans un shaker et de vous recracher ça sous forme de cocktail. Et je vous jure que c’est pas facile de le faire sans que le sujet endorme l’assistance, tellement j’ai l’impression de me répéter encore et encore. Tout en me rendant compte SURTOUT qu’à la fin c’est toujours du pile ou face.

Néanmoins, ce qu’il faut retenir ce matin, c’est que les taux d’intérêt offerts commencent être très sexy par rapport à un marché qui est au bord du gouffre et que les gens sont fatigués d’espérer un retournement de situation hypothétique basé sur le fait qu’une troisième hausse JUMBO des taux d’intérêts va régler tous les problèmes inflationnistes d’ici et d’ailleurs. Il faut aussi noter que le S&P500 doit ABSOLUEMENT tenir les 3’600, le DAX doit ABSOLUMENT tenir les 12’500, que ça serait bien que le CAC clôture au-dessus des 5’800, quant au SMI, il a déjà cassé les 10’300 et un rebond avant ce soir serait le bienvenu. Oui, parce que ce soir c’est le week-end et si on a une clôture WEEKLY sous les supports, je prends congé la semaine prochaine.

L’Asie

Ce matin l’Asie est dans le rouge. La Chine baisse de 1%, Hong Kong aussi – d’ailleurs ça fait un moment que Hong-Kong ne fait plus que baisser et en regardant un chart il y a quelques minutes, je me suis rendu que c’était devenu la définition imagée d’une tendance baissière. À noter que le Hang Seng se retrouve sur les bas de 2012 et ça serait bien que ça s’arrête de baisser avant que l’on parle de « gros support à zéro ». Le Japon baisse aussi, mais moins. Il faut dire que les Japonais ont la chance (ou pas) d’avoir la seule banque centrale du monde qui n’a pas monté les taux cette semaine. Oui, parce que j’ai oublié de vous en parler, mais la BNS et la Banque d’Angleterre ont tous deux monté les taux. Ah, vous aviez déjà entendu ?

Il y aussi le pétrole qui est en pleine déprime saisonnière parce que la consommation va baisser à cause de la hausse des taux et que personne n’a fait attention au fait que l’ouragan Fiona pourrait secouer la région du Golfe du Mexique. Non, la problématique des taux est – pour le moment – prioritaire en ce qui concerne le calcul du prix du baril. Prix du baril qui est à 83.06$. Pour ce qui est de l’or, c’est le même prix qu’hier et pour ce qui est du Bitcoin, il faut juste retenir qu’il refuse de casser les 18’000$ à la baisse et que racheter sur faiblesse pour jouer 2’000$ de rebond semble une méthode qui fonctionne à tous les coups. Enfin, jusqu’à quand elle ne fonctionnera plus.

Les nouvelles du jour

Si l’on prend 5 minutes pour aborder les sujets du jour, il faut donc retenir qu’en plus de la FED qui fait son show depuis mercredi, il y a aussi les autres Banques Centrales qui étaient de sortie cette semaine. Hier la Banque d’Angleterre a monté les taux de 0.5% pour tenter de freiner une inflation qui en prend plein les dents à cause des coûts de l’énergie. Même si le gouvernement de l’ex-Prince Charles a mis un cap aux factures d’électricité, il va quand même bien falloir que quelqu’un paie quelque part et ça n’est visiblement pas gagné. En Suisse, notre Jordan à nous a donc monté les taux de 0.75% mettant fin à une période très longue de taux négatifs. Même si l’inflation est marginale en Suisse – en comparaison du reste du monde – la BNS a donc décidé de continuer à anticiper pour ne pas se retrouver dans la position fort peu agréable dans laquelle se trouve la BCE qui va devoir courir derrière avec l’Italie qui est au bord de la crise de nerfs – en plus.

Autrement, dans les autres nouvelles qu’il faut retenir, on notera que Novavax s’est faite démonter hier à cause que le COVID c’est has been et que JP Morgan a downgradé le titre. La société Cano Health a pris 30% alors que des rumeurs de take-over tournent autour – on parle entre autre d’un rachat de la part d’Humana. Il y a aussi pas mal de bruit qui est en train de se faire autour du marché immobilier – hier le bois s’est pété la figure de 6% parce que les taux hypothécaires continuent de monter aux USA – laissant craindre un ralentissement immobilier qui ne ferait pas plaisir. Certains experts commencent même à dire qu’il y plus de raisons d’avoir peur du côté de l’immobilier, que du côté des indices boursiers ou d’une éventuelle récession.

Et puis, pour terminer avec les bonnes nouvelles, le patron de l’EIA pense que les problèmes énergétiques menacent l’unité de l’Europe qui pourrait se retrouver à faire du « chacun pour soi » en cas de crise grave – SANS BLAGUE – un peu comme pendant la crise COVID où soudainement on a réinventé le concept des frontières ? Pendant ce temps, les Italiens sont en pleine phase finale des élections et on est en train de se demander ce qui se passerait pour l’unité de l’Europe en cas de victoire de l’extrême droite… Du coup moi je me demande ce que l’on doit penser de l’Euro.

Les chiffres

En ce qui concerne les chiffres de la journée, il faudra noter les PMI’s en France, en Allemagne et en Angleterre. Il y aura aussi Thomas Jordan qui parlera pour ceux qui n’ont pas écouté hier et en milieu de journée, Jerome Powell viendra également à la tribune pour donner son avis sur l’économie et nous dire qu’il ne ferait de cadeau à personne et qu’il fera « whatever it takes to kick the inflation in the butt ». On n’aime pas trop quand il parle en ce moment, ça ne se finit jamais bien. Espérons juste que cela ne nous fasse pas terminer sous les supports susmentionnés.

Pour le moment les futures sont ENCORE dans le rouge – de l’ordre de 0.3% – et la seule vraiment bonne nouvelle du jour, c’est que ce soir c’est le week-end et que demain je n’ai pas besoin de me lever pour lire que l’eau ça mouille, que le feu ça brûle, que les oiseaux volent dans le ciel, que les pulls en laine tricotés par les grands-mères, ça gratte et que les banques centrales montent les taux et ne sont plus nos amies.

Je vous souhaite un excellent vendredi et un très bon week-end ! On se retrouve lundi, au-dessus des supports pour parler d’un nouveau rebond. Enfin, j’espère.

À lundi !

Thomas Veillet
Investir.ch

“We boil at different degrees.”

Clint Eastwood