Je dois dire que c’est absolument incroyable de voir ce qui se passe sur les marchés et Ô combien nous sommes capables de passer d’une conviction haussière inébranlable après le discours d’un mec qui n’a jamais caché sa passion pour les faucons. À une douce panique parce que soudainement « nous nous rendons compte qu’une fois que l’inflation sera au tapis (ce qui n’est pas encore gagné), nous allons devoir gérer le fait que la récession est plus qu’évidente ». Oui, depuis quelques jours on ne parle plus tellement de « Christmas Rally » et on préfèrerait plutôt être à Noël pour en finir avec cette année de merde. Bien que nous ne soyons pas très sûr que ça soit mieux après.

L’Audio du 7 décembre 2022

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Le poids des mots

Ce matin, en lisant la presse financière de la nuit, je crois que j’ai trouvé LA PHRASE de l’année. Celle qui me permettrait de remettre l’AWARD de la déclaration financière la plus mythique de 2022. Pourtant il y en a eu paquet. Tout spécifiquement à chaque interventions de Powell où à CHAQUE FOIS on s’est dit : « Hhhhmmmmm, là je le sens bien, je crois qu’il est en train de tourner DOVISH »… Et PAF, un coup sur la joue droite, un coup sur la joue gauche, un coup de boule sur l’arête du nez et on remettait le couvert pour la prochaine intervention du patron de la FED.

Mais là, cette nuit, il y a un gars qui a quand même trouvé le moyen de déclarer que :

«La faiblesse récente du marché suggère que les investisseurs sont en train de réévaluer l’optimisme du mois de novembre, qui avait été alimenté par l’espoir que la Fed serait prête à interrompre le rythme de ses hausses de taux. »

Fantastique, n’est-il pas ???

Il faut donc comprendre que si l’on baisse, c’est peut-être parce que la hausse avait peut-être faite sur pas grand-chose de fondamental – et puis le commentaire ne s’arrête pas là. Si l’on regarde plus loin, on nous dit aussi que les marchés sont inquiets à cause de l’Ukraine, de la crise énergétique, des tensions en Chine et du fait que la hausse des taux prolongée que nous promet la FED pourrait nous précipiter en récession.

On vit une époque formidable

Il faut reconnaître qu’en ce moment on joue à un niveau de professionnalisme exceptionnel ; un peu comme l’équipe de Suisse. Oui bon, c’était gratuit, je m’excuse. Mais en même temps, vouloir aller se faire un match de tennis au nom de la Suisse alors que Federer a pris sa retraite, c’est quand même gonflé. Mais revenons à nos experts financiers. Si j’en crois ce que je lis ce matin, nous sommes EN TRAIN DE NOUS RENDRE COMPTE QUE :

1) Nous sommes montés sur pas grand-chose
2) Nous sommes montés sur l’espoir de voir la FED monter MOINS LES TAUX
3) Nous sommes en train d’admettre que MONTER MOINS LES TAUX, ça pourrait ne pas suffire pour aller beaucoup plus haut et que ne PLUS MONTER LES TAUX  du tout serait plus approprié, mais ça on peut se l’accrocher derrière les oreilles pour le moment
4) Nous nous sommes aperçus que pendant que l’on se chauffait sur les tournures de phrase de Powell, rien n’a été réglé dans le monde et c’est toujours autant la merde. Peut-être même un peu plus.
5) Que dans cet environnement, une hausse des taux, même moindre, pourrait nous mener à la récession.
6) Et que la récession, historiquement, c’est pas top pour les marchés financiers.

Je pourrais continuer des heures avec d’autres évidences comme « l’eau ça mouille » ou Le Maire porte des cols roulés ET le masque pour protéger les plus fragiles, mais ça ne servirait à rien, si ce n’est à nous rendre compte que nous avons un champ de vision extrêmement rétrécit et qu’il serait peut-être temps que l’on ouvre les yeux pour de vrai au lieu de se concentrer uniquement sur UN SEUL un chiffre qui serait censé changer le monde à lui tout seul.

À la fin, ça baisse

Si l’on revient à nos moutons, moutons que sont les indices boursiers mondiaux. Hier nous avons donc « pris conscience » que l’inflation était peut-être en train de baisser – et je dis bien « peut-être », parce que je ne vous dis même pas ce qui se passerait si le CPI de la semaine prochaine sortait 0.3% AU-DESSUS des attentes – et cette prise de conscience nous a mené à nous rendre compte que l’intervention de la FED sur les taux fait baisser un poil l’inflation, mais que l’économie n’en a strictement rien à battre et qu’à force d’en n’avoir strictement rien à battre, un matin elle va quand même se réveiller avec la gueule de bois ET avec quelqu’un dans son lit qu’elle ne connait même pas. Sauf que cette personne s’appelle en fait RÉCESSION et qu’elle a congé ce matin et aucune envie de sortir du lit.

Bref, les marchés sont inquiets, les stratégistes en profitent pour venir nous dire que « ça va être la merde » et qu’il ne faut pas croire que l’on a tout réglé en six mois d’intervention de la FED et que, quoi qu’il arrive, même si la FED arrête de monter les taux quand elle sera à 5%, les taux à 5% vont rester à ce niveau pour un moment. Les prévisions à la baisse sont toutes autour de 20%. 20% c’est la moyenne de la chute envisagée par les experts qui ont publié leurs avis depuis 72 heures. 20% c’est aussi la baisse annoncée par Jamie Dimon, la STAR CEO de JP Morgan qui a maintenant pour habitude de se faire interviewer tous les deux mois sur CNBC pour dire qu’on va tous mourir.

Du vrai Stand-up

Ce qu’il a encore fait hier. Sauf qu’en plus, il a aussi dit que la crypto c’était de la daube – encore un retournage de veste magistral (à ce propos, je vous recommande de checker tout ce qu’il a dit sur le sujet depuis 5 ans, c’est le Jamel Comedy Club à lui tout seul) – donc il recommande aux autorités de s’occuper des cryptos plutôt que des banques. Oui, parce qu’on sait que les banques ne font jamais de trucs bizarres, c’est bien connu. Et là on entend une voix qui murmure à notre oreille et qui dit : « subprime…subprime…subprime…Lehman Brothers ! »…
Pour faire simple, hier, tout le monde était négatif. Ce matin, tout le monde est négatif. Le pétrole est de retour à 74.50$, parce que les PEURS DE LA RÉCESSION sont supérieures aux PEURS QUE LA DEMANDE SOIT TROP FORTE PAR RAPPORT À L’OFFRE. L’or est revenu sous les 1800$ parce que…….. parce que…… ben en fait je ne sais même pas pourquoi ce truc traite définitivement sans aucune logique.

Et puis le Bitcoin est à 17’000$ et il ne se passe rien sur le secteur. Pas de faillite, pas d’escroquerie et pas de pyramide Ponzi. Ah si. La seule nouvelle crypto importante (en plus que celle du fait que SBF est toujours en liberté après avoir fait disparaître des milliards de la surface de la planète d’un seul coup de clavier et que toi, si tu te fais choper à 60 à l’heure dans une zone à 30, tu te retrouves avec la brigade anti-gang devant la maison 12 minutes après), la seule autre nouvelle du secteur, c’est que le même SBF a engagé un avocat pour sa défense, le même qui s’est occupé de El Chapo et de Ghislaine Maxwell, la rabatteuse de Jeffrey Epstein. Je ne suis pas expert en avocats, mais quand tu vois les peines de prisons que se sont pris ses derniers clients, suis pas sûr qu’il revoit la lumière du jour plutôt que Madoff.

L’Asie

Du côté de l’Asie c’est absolument passionnant ce matin. Le Japon est en baisse de 0.6%, pendant que la Chine et Hong Kong ne font absolument rien. Au début, j’ai cru que c’était fermé tellement ils ne font rien. Pourtant les stratégistes de Morgan Stanley sont soudainement chauds comme des baraques à frites et estiment que le marché chinois va exploser, maintenant que le gouvernement semble se diriger vers une stratégie de déconfinement général. Juste au moment où les clowns du gouvernement Macron se font tous des selfies avec un masque pour montrer combien il se préoccupent de la santé des autres et parce que la 14ème vague COVID arrive sur les plages de France.

Et puis, du coup on peut aussi parler du fait qu’il y a de plus en plus d’articles qui parlent de fonds d’investissements qui ont atteint leurs limites de rédemptions – pour faire simple, les clients qui veulent sortir du fonds ou des fonds en question, ne peuvent plus. Ils ne peuvent plus parce que ça n’arrange que « moyennement » les fonds en question de leur rendre leur argent. Soit parce que l’argent en question est investi dans des classes d’actifs illiquides – c’est le cas dans l’immobilier – et que si on force la vente ont va démolir le marché. Soit ils ont mis des règles pour ne pas être obligés de démonter certaines positions. Et c’est bien. C’est bien sauf que ce genre truc, ça fonctionne jusqu’à que ça ne fonctionne plus et que par effet de capillarité ça peut aussi pousser des gens à liquider leurs AUTRES investissements pour récupérer du cash et mettre encore plus en difficulté les fonds qui doivent déjà réduire leurs capacités de retraits. Le fameux effet boule de neige.

La théorie du barrage

Tout ça pour dire qu’il y a pas mal d’articles qui commencent à fleurir ici et là, des articles qui expliquent des problèmes spécifiques sur certaines classes d’actifs. Et c’est peut-être rien, mais disons que c’est un peu la théorie du barrage. Vous avez type qui est face à un barrage. Il aperçoit une fuite. Il met son index droit pour boucher la fuite. Puis une autre fuite apparaît. Il y met naturellement son index gauche pour boucher la fuite. C’est alors qu’une troisième fuite d’eau fait son apparition. L’homme met son pied gauche pour stopper l’écoulement. Et c’est à ce moment très précis que la quatrième fuite se pointe… Pas besoin de vous faire un dessin, mais ça ne finit jamais bien. D’ailleurs, ce matin on peut encore trouver d’autres petits détails qui montrent que, contrairement à ce que l’on a tendance à vouloir nous dire, tout ne va pas si bien. Je pense tout particulièrement au cours du bois, le « lumber » comme on l’appelle. Eh bien le « lumber », qui est considéré comme un indicateur de bonne santé de l’immobilier américain, est au plus bas depuis 2020. Dans la même veine, les prix de l’immobilier à Hong Kong sont au plus bas depuis 5 ans. Je suis sûr que ce ne sont que des bonnes nouvelles et des coïncidences.

Côté chiffres économiques, nous aurons le chômage en Suisse, le Trade Balance en France, le chômage en Europe et le PIB européen. Puis, aux USA, nous aurons les chiffres de la productivité non-agricole, les inventaires pétroliers et les chiffres du marché de l’hypothèque qui devraient nous montrer comment l’immobilier se porte bien Outre-Atlantique. Mais au-delà de tous ces chiffres, il faudra aussi retenir que le marché et les investisseurs sont en train d’intégrer le fait que la récession c’est peut-être pas pour rigoler et comme dans l’histoire du petit garçon qui criait « au loup », il va peut-être falloir commencer à l’écouter avant qu’il se fasse bouffer.

Pour le moment les futures sont en hausse de 0.2% et n’oubliez pas que ce soir, à 18h, Marco et moi, seront à nouveau de sortie pour un webinaire chez Swissquote. Cette fois ça sera sur les pétrolières – l’inscription c’est ci-dessous :

https://fr.swissquote.com/education/webinars/le-prix-du-petrole-le-cours-de-total-et-la-taxe-des-superprofits-la-politique

Bon café, bon croissant et bon voyage à mon labrador qui est parti après 13 ans de bons et loyaux services et qui m’aura permis de tirer bien des parallèles entre la finance et la façon de manger de mon chien. So long.

Allez, à demain !

Thomas Veillet
Investir.ch

“You know you’re in love when you can’t fall asleep because reality is finally better than your dreams.” —Dr. Suess