Le Dow Jones est « techniquement » repassé en mode « Bull Market » il y a deux jours, le S&P500 n’est plus qu’à 4% de faire pareil et le Nasdaq… Oui, bon, le Nasdaq ça compte pas puisque les intervenants s’intéressent surtout aux titres défensifs et sécurisants. Truc qui n’intéressait plus personne il y a encore 3 mois. Toujours est-il que même si les indices sont en pleine forme et que l’Europe est au plus haut depuis 8 mois, on est toujours en train de se demander si tout est vraiment réglé ou si ça n’est qu’un feu de paille, le temps que l’on passe de la lutte contre l’inflation au combat contre la récession.

L’Audio du 2 décembre 2022

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La journée d’échauffement

Nous sommes donc vendredi et dans quelques heures, nous aurons la publication des Non Farm Payrolls pour le mois de novembre. À peine entrés dans le mois de décembre, il va déjà falloir ressortir nos bouquins d’économie pour bien analyser les chiffres et surtout, les interpréter avec le talent que l’on nous connait. En effet, après les dernières déclarations de Powell qui ont enchanté le marché mercredi – déclarations qui laissaient à penser que la phase de « forte hausses des taux » était terminée et que dorénavant nous n’aurons plus qu’une hausse des taux « modérée » à coup de 0.5% par FOMC Meeting – les experts en finance et macro-économie se sont reposés ce jeudi. Reposés ET ON a pris le temps de réfléchir pour savoir où nous en sommes. Et surtout ce que nous allons faire lorsque les chiffres de tout à l’heure sortiront en-dessous des 200’000 créations d’emplois attendues.

Pour être honnête, on ne sait pas trop ce qui va être annoncé, surtout que cette année, on s’est montré assez incompétents pour les prévisions – surtout en ce qui concerne les NFP, avec des ratages assez monumentaux – mais il sera assez intéressant d’observer si le marché reste confiant et heureux parce qu’une faiblesse de l’emploi signifierait la victoire de la FED sur l’inflation ET LE FAIT que sa stratégie de hausse des taux fonctionne sans accroc. Ou alors, est-ce qu’il y aura une prise de conscience qui fera réaliser aux marchés qu’à l’heure actuelle, ce n’est plus l’inflation qui est un problème, mais plutôt le fait que la récession va nous tomber dessus à toute vitesse.

Journée pour rien

Je vous parle de ça, parce qu’hier il ne s’est rien passé sur les bourses mondiales et que certains d’entre nous ont sûrement passé du temps à faire de l’introspection sur le fait que c’est quand même super-chouette de voir que l’inflation est en train de baisser, mais qu’à un certain moment, il y aura quand même un risque de voir l’économie ralentir et cette prise de conscience pourrait passer par le fait de voir des chiffres de l’emploi un peu trop faibles.

Non, parce que pour le moment, tout le monde il est content de voir que Powell « va ralentir sa hausse de taux », mais il y a quand même pas mal de gens qui se sont rendus compte que lors du discours du patron de la FED, on a tout de même été assez sélectifs et nous avons pris soin d’écouter ce qui nous intéressait le plus, à savoir : le fait que les taux monteraient moins. En revanche, nous n’avons que très peu fait cas du fait qu’ils allaient ENCORE MONTER et aussi du fait que Powell n’a pas dit QUAND il comptait commencer à les baisser – bien au contraire. Il a plutôt laissé entendre que le retour de la politique des taux à zéro, c’est pas pour demain.

Devant le mur

Ce matin, à quelques heures de la publication des chiffres de l’emploi, nous sommes devant un mur. Et nous allons devoir choisir de continuer à monter en pariant sur le fait que l’inflation ralentit et que c’est bien parce qu’à la fin c’est les banques centrales qui gagnent. Ou alors, nous allons devoir nous confronter à la réalité de l’arrivée imminente de la récession. Aujourd’hui et depuis quelques semaines, nous avons pris le choix de nous emballer à la moindre nouvelle qui pourrait faire baisser l’inflation. Sauf qu’à un moment, à force de monter les taux et de provoquer artificiellement un ralentissement de l’économie, la croissance va inévitablement s’arrêter et l’inertie de ces hausses de taux massives que nous avons vécus ces derniers mois, va nous emmener en récession.

Jusqu’à maintenant, nous étions conscients que la hausse des taux pourrait nous causer des problèmes à terme. Mais nous avions choisi de nous dire que ça allait bien se passer et que la FED allait appliquer des hausses chirurgicales qui nous permettraient d’esquiver le pire. Le problème c’est que nous vivons dans un marché qui a un instinct grégaire et que, dès que l’on commencera à s’inquiéter sérieusement d’un ralentissement économique, alors que la FED continue à nous dire que les taux vont monter encore, mais moins, mais que même s’ils ne montent plus, ils resteront très haut pour un moment, ça pourrait commencer à faire bizarre sur les indices.

Pivot

À l’heure actuelle, nous croyons au Christmas Rally, nous rêvons de soft-landing et de petits oiseaux qui gazouillent à nos côtés pendant que l’on casse les tendances baissières et tout en faisant des projections pour savoir à quel moment très exactement nous toucherons les plus hauts historiques. Mais il suffirait de pas grand-chose pour que nous tournions la veste et que l’on commence à nous parler de HARD LANDING et des ANNÉES 30 avec un peu trop d’insistance.

Et les chiffres de ce soir pourraient nous faire commencer à sortir du déni dans lequel nous sommes et nous faire prendre conscience que la FED n’a pas fini son job, qu’une fois qu’elle aura mis l’inflation à terre, il va falloir AUSSI relancer l’économie et que cette délicate alchimie n’est pas chose simple. Il ne faut pas oublier que combattre l’inflation en montant les taux provoque une certaine inertie dans les conséquences économiques et une fois que l’on se rend compte que l’on a été trop haut et trop vite, il faut pédaler deux fois plus vite dans l’autre sens et encore, ça n’est même pas sûr que ça suffise.

Bref, cette après-midi nous aurons les chiffres de l’emploi et hier on n’a rien fait. Et puis bref, cette après-midi nous aurons les chiffres de l’emploi et il n’est pas certain que le bonheur de voir les taux moins monter suffisent à maintenir cette vague de bonheur qui nous submerge et nous laisse espérer que le BULL MARKET que l’on aime tant est de retour pour toujours.

L’Asie

Ce matin l’Asie est largement dans le rouge. Si l’on en croit les rapports que l’on trouve dans les médias financiers, les intervenants locaux se méfient des prochaines décisions de la FED – oui, on a déjà presque oublié le discours de Powell, mais il faut dire qu’ils ont quelques heures d’avance, décalage horaire oblige et qu’en plus, les chiffres du PCE qui ont été publiés hier – bien que plus faibles – sont encore trop haut par rapport aux attentes de la FED. Ce qui laisserait à penser que la fin de la hausse des taux, c’est pas pour tout de suite. Du coup, le Japon recule de 1.8%, la Chine baisse de 0.36% et Hong Kong abandonne 0.6%. La résistance dont fait preuve la Chine est probablement due au fait qu’un allègement des mesures anti-covid pourrait se préciser. Encore des rumeurs qui fonctionnent à tous les coups.

Pour le reste, le pétrole est à 81$ et continue de grimper gentiment, bien aidé les nouvelles sanctions anti-pétrole russe qui arrivent. L’or est à 1811$ et le Bitcoin se demande toujours si c’est bien raisonnable de casser les 17’000$ en cette période d’hiver crypto. Surtout après les paroles de Madame Yellen. Madame Yellen qui a déclaré hier que l’affaire FTX était le « Lehman moment » des cryptos et qu’heureusement, ça n’a pas contaminé les marchés classiques. Elle a aussi demandé que l’on se concentre sérieusement sur une régulation du secteur. Après avoir enfoncé toutes les portes ouvertes qui lui étaient présentées, elle est retournée dans son EMS.

Nouvelles neuves

Dans les nouvelles du jour, on apprend que Biden est prêt à rencontrer Poutine pour lui parler de la fin de la guerre en Ukraine. Un Président Américain qui veut « mettre fin » à une guerre. On aura vraiment tout vu. BlackRock a limité les retraits pour les clients qui veulent sortir de leurs fonds immobiliers. Fonds qui pèsent 125 milliards de dollars et qui sont en train de subir une vague massive de clients qui se bousculent pour sortir au plus vite. C’est sûrement un bon signe. En tous les cas, on voit de plus en plus de questionnements sur l’état de l’immobilier américain, mais en même temps on est tellement concentrés sur notre histoire de balance entre l’inflation et la récession, qu’on ne voit rien venir d’ailleurs.

Et puis dans le reste, un stratège de Morgan Stanley pense que l’on sous-estime la puissance du ralentissement dans lequel nous sommes et que le marché peu encore perdre « facilement » 26% durant le premier semestre 2023. Il y Mark Mobius qui pense que le Bitcoin va se crasher à 10’000$ et puis dans l’affaire FTX, SBF continue de dire qu’il est innocent et qu’il n’a jamais voulu faire de mal à personne. Il doit juste être complètement con en fait. D’ailleurs Bill Ackman, le Hedge Fund manager qui a des hauts et des bas, pense que SBF dit la vérité. C’est tout simplement hallucinant, la finance est en train de se proposer juge et jury pour déterminer si SBF est honnête. Finalement, pour terminer, Biden semble avoir trouvé un moyen d’éviter la grève des chemins de fer et soudainement tous les politiciens se sentent très proches des cheminots alors qu’ils n’ont jamais vu l’intérieur d’un train de leur vie.

 

Chiffres

Côté chiffres, il y aura le Trade Balance en Allemagne, la production industrielle en France, le PPI en Europe, mais pour être franc, tout le monde va attendre les chiffres de l’emploi, comme nous l’avons déjà fait hier. On attend donc 200’000 créations d’emplois et un taux de chômage à 3.7%. Qu’on se le dise. Après je me réjouis de voir COMMENT on va les interpréter. Pour le moment, les futures sont légèrement en baisse et ce soir c’est le week-end.

Profitez bien et on se revoit lundi. Pour parler des chiffres de l’emploi.

Thomas Veillet
Investir.ch

« The road to success and the road to failure are almost exactly the same. » -Colin R. Davis