Dans des décennies, lorsque des archéologues virtuels dans le Metaverse vont déterrer les archives numériques d’Investir.ch, ils se diront que j’étais complètement taré ou alors qu’à l’époque où ces chroniques ont été écrites, les bourses mondiales étaient bien cinglées de la tête. Alors je peux déjà leur donner un élément de réponse : j’avoue ne pas être complètement sain de corps et d’esprit – surtout de corps – mais à ma décharge, je crois que les marchés de 2022 sont bien arrachés. Je ne sais pas ce qu’ils prennent, mais ça doit être très fort et ça fait un moment que ça dure. Et puis je vais vous faire une confidence : c’est pas fini.

L’Audio du 6 décembre 2022

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Petit rappel

Mais pour bien savourer ce qui se passe depuis quelques heures, je crois qu’il faut se remémorer tout de même POURQUOI nous sommes ici. Et quand je dis ici, je veux dire : juste sous la résistance des 4’060 sur le S&P500 – résistance qui coïncide parfaitement avec la moyenne mobile des 200 jours, d’ailleurs. Et si nous sommes ici, c’est parce que depuis des semaines et des mois nous n’attendons qu’une chose : que Powell se détende et arrête de nous agresser à coup de hausses de taux tout aussi massives que violentes pour nos portefeuilles de futurs rentiers AVS.

Et puis, soudainement, il y a quelques semaines les chiffres de l’inflation sont revenus à la baisse. Alors soit, ça n’était pas parce que l’essence baissait à la pompe, ça n’était pas parce que la bouffe baissait au supermarché. Ça n’était pas non plus parce que les tarifs des restaurants étaient en baisse, ni parce que Tesla faisait des rabais sur leurs voitures en carton. Non ! C’était à cause de l’assurance maladie qui avait baissé sur une année – à cause de la période post-covid, donc bref, ça baissait. Et puis ça n’était pas important in fine, parce que l’important c’était quand même que l’inflation elle baisse (peu importe la raison) et que cela démontre que la FED fait un boulot de malade et qu’ils sont quand même vachement cool.

Tout commence

À partir de là, tout commence. C’est à cet instant que l’on commence à se dire que l’Agence Tous Risques que l’on appelle aussi : LA FED, avait mis au point un plan qui se déroulait sans accroc. Ils avaient violemment monté les taux comme jamais dans l’histoire. Ils avaient été plus agressif que Rocky à l’entraînement dans Rocky IV quand il va en Russie pour combattre Ivan Drago à une époque où aller en Russie, était vu comme une aventure et pas comme une traitrise vis-à-vis de l’Occident. Bref, le plan de la FED fonctionnait et ce, après moultes péripéties et autres déceptions.

Ce plan, presque parfait que n’auraient pas renié Winston Churchill et les alliés à l’aube du débarquement de Normandie, avait même obtenu un couronnement, une apothéose la semaine dernière lorsque Powell est arrivé sur scène, a arraché ses vêtements, lancé son micro dans la foule en hurlant : « JE SUIS DOVISH » !!! Ce n’est pas la larve qui s’était transformé en papillon, mais bien le faucon qui revenait à ses racines d’oisillon et qui se ralliait au côté des colombes de la paix.
Que du bonheur

À cette époque-là, le marché avait ADORÉ. Oui, je vous dis « à cette époque » parce qu’en année boursières, 6 jours c’est énorme. C’est comme avec les chiens mais en plus grand. Donc, juste après le discours de Powell, le marché avait explosé et nous étions sur notre nuage, guettant le traineau du Père Noël qui était censé nous prendre au passage, afin de nous emmener dans notre prochaine aventure ; celle du Christmas Rally. Et ça tombait bien, parce que c’était justement la saison.

Mais…

Sauf que… Oui. Sauf que dans la foulée, les chiffres de l’emploi de vendredi sont sortis trop forts. Puis les chiffres de lundi, les ISM et consort, sont également sortis trop forts, démontrant que la FED fait tout ce qui est en leur pouvoir pour freiner l’inflation, mais que visiblement, l’économie réelle n’a pas été avisée de jouer le jeu de la FED et elle continue à cartonner comme si les taux étaient à zéro et comme si nous étions au lendemain du confinement alors que les gouvernements nous arrosaient de pognon comme si ça ne coûtait rien. D’ailleurs, ça ne lui coûtait rien – au gouvernement – tout cet argent, ça nous coûtait surtout à nous et aux générations futures. Mais passons. Le problème auquel nous faisons face est le suivant :

NOUS AVONS BESOIN DE CHIFFRES TOUT POURRIS QUI MONTRENT QUE LA HAUSSE DES TAUX EST EN TRAIN DE PLOMBER L’ÉCONOMIE ET QUE L’INFLATION VA FORCÉMENT SE CALMER DANS LA FOULÉE, CE QUI AURA POUR EFFET DE FORCER LA FED À ARRÊTER DE MONTER LES TAUX ET DONC, À TERME, DE LES BAISSER.

Et tant que l’économie montrera qu’elle s’en fout de la hausse des taux et que la FED peut faire ce qu’elle veut, qu’elle ne cèdera pas d’un pouce, on va avoir des problèmes et on va se faire balader dans tous les sens avec ces histoires de bonnes nouvelles qui sont mauvaises et de mauvaises nouvelles qui sont bonnes. C’est comme si les taux et l’économie réelle vivaient toutes deux dans des univers parallèles où les conséquences des actes ne sont pas les mêmes.

Et on a baissé

Mais revenons à notre univers basique et binaire dans lequel nous sommes. Notre univers où la France est dirigée par un ancien banquier qui a autour de lui une troupe de millionnaires qui n’ont pratiquement jamais bossé de leurs vies. Un monde où les USA sont dirigés par un légume grabataire qui ne sait plus la différence entre gauche et droite et où la Russie est pilotée par un maniaque qui s’appelle Vlad l’empaleur qui voudrait bien empaler le clown qui est dans le jardin d’à côté et qui demande des milliards tous les jours à tout le monde. Et le pire, c’est qu’on les lui donne. Tout ça pour dire que dans ce monde, lorsque les indices tapent des résistances en même temps que des moyennes mobiles. Et que dans la foulée, on vous sort des chiffres économiques qui sont bien trop forts et résistants pour vivre dans une économie qui devrait être exsangue sous les coups de boutoir de la FED ; tu baisses..

Tu baisses parce que pour être franc, tu ne sais plus quoi faire d’autre. À la base, t’es plutôt content de voir que l’économie va bien, mais tu sais que si elle va bien, elle va faire monter l’inflation. Et si l’inflation, elle monte et que la FED se rend compte que d’avoir monté les taux de 0 à 4.25% en six mois, ça aura eu autant d’effet qu’un coup d’épée dans l’eau, ils ne vont pas aimer et vont devoir en remettre une couche. Ou trouver une solution. Le seul « hic » c’est que dans les grands grimoires de la finance qui sont gardés par un troll au fond des montagnes de Norvège, il n’y aurait pas d’autre solution pour combattre l’inflation galopante. À moins de tirer sur le cheval. Bref, les chiffres étaient bons, mais pour nous c’était pas bon et donc il va falloir attendre d’avoir enfin une mauvaise nouvelle pour remonter. Je ne crois même pas que je suis en train d’écrire ça. Je précise que ce matin j’ai de la fièvre et que ça peut peut-être excuser mes délires matinaux.

Du côté de chez XI

En Asie on s’autorise de plus en plus à penser dans le cercle privé de Xi-Jinping que l’on pourrait se détendre du côté des mesures anti-covid. D’ailleurs pendant que les Chinois se détendent en Europe, le port du masque revient à la mode, puisque la plupart des politiques à droite et à gauche s’affichent à nouveau fièrement avec « pour protéger la population ». Toujours est-il que malgré les bonnes nouvelles d’une éventuelle libération en Chine et de nouvelles incarcérations en Europe – mais sans électricité et sans chauffage, cette fois. Parce que sinon ça ne serait pas drôle – les marchés asiatiques sont en baisse. La Chine recule de 0.08%, Hong-Kong recule de 1.14% après son explosion d’hier et le Japon s’en sort mieux en grimpant de 0.36%.

Du côté du pétrole, c’est le Muppet Show, mais en plus ridicule. Hier on s’est fait défoncer parce que la FED allait monter les taux et que la croissance allait s’arrêter et que tout le monde roulerait en Tesla – sauf en Suisse parce que le plan du Conseil Fédéral en matière d’économies d’électricité « pourrait interdire aux voitures électriques de circuler » (ne pas rire, ne pas rire, ne pas rire) – Le pétrole s’est donc enfoncé jusqu’à 76.60$ et tentait une remontée ce matin autour des 77.50$. Mais que l’on se rassure, vous paierez l’essence toujours trop chère, parce que c’est trop compliqué de baisser les prix à la pompe quand le brut baisse. Vous comprenez, puisque l’on sait que de toute façon, le pétrole va remonter, autant que vous soyez habitués à payer cher ! Et puis comme personne ne dit rien, les mecs ils auraient quand même tort de se priver.

Du côté de l’or et juste au moment où l’on commençait « à y croire », il s’est pris une clé de bras et un coup genou dans les parties. Le métal jaune est passé de 1809$ à 1768$. Alors d’accord, c’est peut-être un détail pour vous, mais pour moi, ça veut dire beaucoup. Même le Bitcoin est revenu sur les 17’000$. Je rappelle que pour les « 100’000 à la fin de l’année » qui avaient été promis l’an dernier, ça ne sera visiblement pas CETTE année-là dont on parlait.

Les nouvelles du jour

Dans les nouvelles du jour, on va enchaîner avec la crypto. Hier il y a un SPAC qui devait venir en bourse pour récupérer du pognon pour la société Circle qui est un émetteur de Stablecoin. La société a annoncé qu’elle renonçait à son projet mais que – rassurez-vous et tenez-vous à vos chaises : « ça n’a rien à voir avec l’affaire FTX ». Ben NON !!! ÉVIDEMMENT !!! ça serait une bien trop belle coïcidence. C’est juste pas le bon moment. On comprend. Pendant ce temps, Tesla serait sur le point de couper la production de Tesla en Chine. Ça aussi c’est une super-bonne nouvelle, le titre a perdu 7%. Et puis, toujours dans les news qui font plaisir, il y a Morgan Stanley qui disent qu’il faut tout vendre et que l’on retourne sur les bas de l’autre jour, pendant que Bank of America estiment qu’il faut tout vendre, MAIS plus, parce qu’eux, ils pensent que l’on va perdre 20% sur le S&P500 et très bientôt. Afin de vous éviter des calculs longs et fastidieux, 20%, c’est 3200 sur le S&P500.

Autrement, le Financial Times a décidé de nommer Zelensky « homme de l’année ». C’est clownesque, mais c’est politiquement correct. Pour ce qui est des choses importantes, c’est la débandade chez SalesForce. Le CEO a démissionné avant-hier et le CO-CEO a démissionné hier. Le titre s’est ENCORE fait démonter hier et cela nous fait un magnifique « falling knife ». Après, il y a une nouvelle dont je dois vous parler, en espérant que c’est juste une info banale comme une autre.

Tic-Tac-Tic-Tac

Hier, la Banque des règlements internationaux – que l’on surnomme la banque centrale des banques centrales a avertit que les fonds de pension et autres sociétés financières “non bancaires” ont plus de 80’000 milliards de dollars de dettes cachées hors bilan sous la forme de contrats d’échange de devises. En gros, des « swaps », si vous êtes un fonds de pension vous pouvez prêter des dollars à court terme pour vous les faire rembourser plus tard. C’est une forme de « mini-dette », mais mis bout à bout, ça fait 80’000 milliards. 80’000 milliards, ça fait quand même 400 fois Elon Musk. Quand on sait que le volume moyen des échanges journaliers dans ce types de produits est de 5’000 milliards, autrement dit : 25 Elon Musk, il y a de quoi souhaiter que ça ne dérape pas un jour. Un peu comme les subprimes ou le marchés immobilier US aujourd’hui. Je pense que ça vaudra la peine de garder un œil dessus, sachant que le truc ne fait qu’augmenter et qu’un jour le crapaud qui voulait se prendre pour un bœuf.. bref.. vous connaissez l’histoire.

Du côté des chiffres, il y aura le Construction PMI en France et en Allemagne, puis il y aura le Trade Balance et le Redbook aux USA. Et puis il y aura aussi deux directeurs de la BCE qui vont parler parce qu’eux ne sont pas encore en Black Period avant le prochain meeting. C’est d’ailleurs assez fou de voir que plus on s’approche de la date fatidique, plus ça les démange de causer. Je dois dire qu’à leur place, ça me ferait rire aussi de me dire qu’il suffirait que je dise un mot à la con pour faire plonger le marché. Pour le moment, les futures ne plongent pas et sont même en hausse de 0.15%. De la folie. On dirait presque un discours de François Hollande en anglais, ou de Guy Parmelin, en anglais aussi, tellement c’est excitant.

Passez un bon mardi et n’oubliez pas que demain, mercredi Marco Rastaldi et moi-même, seront à nouveau de sortie pour un webinaire chez Swissquote. Cette fois ça sera sur les pétrolières – l’inscription c’est ci-dessous :

https://fr.swissquote.com/education/webinars/le-prix-du-petrole-le-cours-de-total-et-la-taxe-des-superprofits-la-politique

Passez, une très belle journée et à demain !

Thomas Veillet
Investir.ch

“The bad news is time flies. The good news is you’re the pilot.” —Michael Altshuler