Si l’on doit parler des marchés, il n’y a rien à dire ce matin. Tout est calme et les bourses mondiales n’ont pas fait grand-chose de bien intéressant. Alors oui, on sait que le Nasdaq surperforme le reste, puisque la techno est devenue le nouvel endroit très à la mode pour se planquer dans ce monde où l’on hésite à faire confiance aux banques, mais pour le reste cela donne vraiment le sentiment que nous sommes dans l’œil du cyclone. Vous savez cet endroit très calme après la tempête, l’endroit très calme qui ne dure jamais parce qu’à un certain moment faut quand même ressortir de l’œil du cyclone et c’est en général à cet instant que ça se complique.

L’Audio du 24 mars 2023

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Rester immobile

Alors bien sûr, vous pourrez me dire que l’on pourrait juste se contenter de rester ici parce que c’est calme et on est tellement en paix que s’en est agréable. Le seul problème, c’est que le cyclone se déplace et qu’à un moment il va bien finir par nous passer dessus. Et c’est là que ça va secouer. On ne peut donc pas jouer aux trois singes, ne rien entendre, ne rien voir et ne rien dire indéfiniment. Il va quand même falloir que l’on commencer à réfléchir sur la suite des évènements. D’ailleurs en ce moment, il y en a qui réfléchissent beaucoup, d’autres qui parlent beaucoup et puis, il y a ceux qui savent.

Dans la catégorie de « ceux qui savent », il y a la BNS. La Banque Nationale Suisse s’est donc réunie hier et, pour une fois on a écouté ce qu’ils avaient à dire. Non, je dis « pour une fois », parce qu’en général, ce que fait ou ce que dit la BNS, les marchés internationaux et les médias financiers s’en foutent presqu’autant que Macron se fout de la gueule des Français. Mais comme la BNS vient de sauver une banque, de mettre près de 15’000 personnes au chômage et de créer une grosse banque qui devient du même coup le troisième asset manager du monde, tout d’un coup, on l’écoute. Bon, c’est pas qu’ils ont réussi un exploit sans précédent, mais comme le reste de l’année, ils passent surtout leur temps à traiter des actions en se prenant pour Gordon Gekko, pendant cette petit fenêtre d’opportunité, on a quand même pris le temps de les écouter.

C’est fini

Alors bon, tout d’abord, le job de la BNS c’est de lutter contre l’inflation – en Suisse c’est censé aller beaucoup mieux que les autres, mais comme on aime quand même bien faire comme les autres, on a quand même monté les taux de 50 points de base en précisant qu’il faut bien lutter contre l’inflation tenance, d’ailleurs on n’exclut pas que ça recommence dans quelques semaines. Les taux directeurs sont donc monté de 1% à 1.5% et demain, ça sera pire.

Et puis alors ensuite, ils ont montré qu’ils en avaient et qu’ils savaient tout mieux que tout le monde en expliquant très clairement que la crise bancaire née des difficultés de Crédit Suisse est TERMINÉE. Ils ont dit (mot pour mot) : « Les mesures annoncées ce week-end ont mis un terme à la crise ». Ils ajoutent avoir fourni d’importantes liquidités en francs suisses et en devises étrangères. Il faut reconnaître que les gars sont tout simplement extraordinaires. Ils n’ont rien vu venir – sachant que ça fait quand même deux ans que le Crédit Suisse descend lentement en spirale et en direction du sol – ils ont réagi à la vitesse d’un escargot au galop au début de la semaine, ils ont forcé le Crédit Suisse à se vendre à poil à l’UBS et maintenant, ils viennent nous « assurer » que c’est terminé. Pour être franc, j’aimerais bien que ça ne soit pas le cas, juste pour entendre le prochain communiqué de presse. Non, parce que quand on lit ce qu’on lit de l’autre côté de l’Atlantique, je ne suis pas encore 100% certain que « tout soit terminé » – d’où l’œil du cyclone dans le titre de cette chronique.

Pas terminé

Ce qui est intéressant, outre-Atlantique, c’est de voir que Madame Yellen parle bientôt toutes les cinq minutes et qu’elle est capable de dire tout et son contraire dans le même lapse de temps. Avant-hier elle avait dit qu’il n’était pas prévu de remettre au pot pour garantir les dépôts des banques et comme elle a vu que ça avait été moyennement apprécié par le secteur et les investisseurs long terme qui investissent pour les 4 prochaines minutes, elle est revenue sur le sujet hier pour dire qu’elle ferait « Whatever it takes to save the ass of the banks ». Je vous laisse faire la traduction avec Google Translate, mais je crois que c’est clair. Et c’est pourtant là que ça se corse.

Nous nous retrouvons donc au milieu de nulle part. La SVB est partie en cacahuètes, la Signature Bank aussi, le Crédit Suisse est devenu un jouet bon marché que l’on trouve dans les Happy Meals de McDonald’s et que l’UBS a bien voulu racheter à la valeur d’un Happy Meal, justement et la BNS nous dit que c’est terminé. Sauf que la First Republic semble toujours dans une merde noire, que ça n’est pas forcément mieux chez PacWest et qu’il semblerait que les clients continuent de retirer leur cash un peu partout pour aller le planquer sous le matelas. On n’a pas de chiffres réels, mais on sent bien que la confiance n’est pas forcément le premier mot qui vient à la bouche quand on parle du système bancaire.

À la recherche de la liquidité perdue

Alors soit, il se pourrait que ça se calme et que tout redevienne normal mais pour l’instant il y a quand même des chiffres qui mettent le doute. Ces chiffres sont les montants que les banques sont en train d’emprunter pour s’assurer d’avoir de la liquidité « juste au cas où ». Le montant en lui-même n’est pas très relevant, ce qu’il faut surtout retenir, c’est que l’on est à peu près au même niveau qu’en 2008-2009. Et s’il y a un truc qui ne m’inspire pas confiance dans la finance, c’est quand on me dit « on est comme en 2008 ». Cela signifie donc que les banques voient très clairement qu’il y a des retraits massifs dans les petites banques pour aller se planquer dans les GROSSES BANQUES. Cela veut aussi dire que les discours rassurants qui sont donnés par la FED, le département du Trésor ou même la BNS, n’ont aucun impact sur l’épargnant de base qui préfère quand même sauver ses fesses plutôt que d’attendre de voir s’il peut avoir confiance en un système qui le prend pour un con depuis des mois.

Tout ça pour dire que nous en sommes-là : au milieu de l’œil du cyclone en train de s’auto-rassurer en se disant qu’avec un peu de bol, il va s’arrêter de lui-même. Il va donc falloir aller mettre des cierges pour espérer que ça soit le cas, sinon ça risque de faire deux-trois vaguelettes ces prochaines semaines. Quoi qu’il en soit, pour l’instant, ça tient et les chiffres économiques qui sortent, continuent de montrer que l’économie ne va pas trop mal et que, malgré les hausses de taux et malgré la dernière diatribe de Monsieur Roubini, jusque-là, ça va. Oui, parce qu’hier Roubini a parlé pour dire que la hausse des taux allait continuer à mettre la pression sur les ménages et les entreprises, que la récession serait inévitable et violente, que les marchés allaient se péter la figure violemment dans les prochains mois que, si ça se trouve. On va tous mourir. Du grand classique Roubini. Mais il y a une chose pour laquelle on peut quand même aller dans son sens, c’est le fait que pression des taux d’intérêt qui montent, ne s’est peut-être pas encore fait sentir, qu’il faut une certaine inertie et que lorsque l’on s’en rendra compte, on aura très envie de revenir dans l’œil du cyclone, là où c’est calme.

Aujourd’hui c’est vendredi

Ce matin toute l’Asie est légèrement dans le rouge. On a l’impression que l’on est toujours dans le doute et que même si l’on sait que la crise des banques est réglée – si, c’est la BNS qui l’a dit – on se demande quelles sont les raisons qui vont faire que les bourses devraient monter massivement ces prochains temps ? Quelles sont-elles ? L’inflation qui ralentit massivement et qui est sous contrôle ? Les taux qui baissent ? Le plein emploi ? L’accès à de l’argent pas cher ? Ou alors est-ce tout simplement le fait que les résultats trimestriels qui vont nous tomber dessus en avril seront tout simplement canonissimes ? On ne sait pas trop, mais là tout de suite, j’ai comme un doute et plus confiance en personne.

Le pétrole est à 69.78$, l’or est à 1994$ et le Bitcoin est à 28’150$. Et quand je vois l’engouement sur l’or et le Bitcoin, là aussi je me dis que je ne suis pas le seul qui n’a pas confiance et il doit y avoir plus d’une personne qui retire son cash pour aller le mettre sur un ledger ou en lingots d’or au fond du jardin. Du côté du reste, on notera que pendant que les banques sont au bord du gouffre, le Congrès passe son temps à savoir s’il faut punir Tik-Tok aux USA ou pas, on sent bien le sens des priorités. Et puis il y a aussi la FINMA qui se justifie devant la presse internationale à propos de la mise à zéro des Bonds AT1 du Crédit Suisse. Bon, ça ne reste que 17 milliards, on ne va quand même pas pinailler pour si peu. Et puis c’est la FINMA, ils savent ce qu’ils font et sont tellement efficaces qu’il ne faut pas les embêter. J’adore le second degré.

Pour le reste

Autrement, il y a Block qui a pris 15% dans les dents parce que la société Hindenburgh a déclaré être short dessus parce que la boîte à Jack Dorsey facilite la fraude. Block étudie les suites légales à donner à ces accusations. Et puis, pour rester dans la thématique des banques, il y a Moody’s qui pensent que la crise bancaire ne pourra pas être contenue et qui faut commencer à mettre la tête entre les genoux quand vous entendrez : brace, brace, brace. Je ne sais pas trop quoi penser de cette déclaration de Moody’s. En général, je les prends comme indicateur contrariant tellement ils sont faux dans le timing, mais sur ce coup-là, s’ils avaient raison ???

Pour le reste, il y aura une avalanche de PMI’s un peu partout dans le monde, les Durables goods et Monsieur Bullard qui parlera. En général, lui quand il parle, il y a de quoi faire la semaine suivante. Actuellement, les futures ne font rien et il pleut. Il me reste donc à vous souhaiter un excellent week-end et on se retrouve lundi matin à la même heure et au même endroit !

Profitez bien !

Thomas Veillet
Investir.ch

“Success usually comes to those who are too busy to be looking for it” – Henry David Thoreau