À l’heure où le Crédit Suisse fait défaut, voilà une question que l’on est en droit de se poser. Que se passerait-il pour vos sous si votre banque venait à faire faillite?
Vous pourriez et devriez me rétorquer que nous sommes en Suisse ! Pays du conservatisme et du triple A s’il vous plaît! Toutefois et avec un Conseil fédéral qui vous dit mercredi que tout va bien puis qui enclenche le dimanche suivant un sauvetage in extremis… nous sommes en droit d’en appeler à notre bon sens. En matière bancaire aussi, la prudence et la responsabilité individuelle sont de mise.
Doit-on se poser cette question tous les 15 ans?
Nous savons que la peur et la panique sont mauvaises conseillères. Je me souviens pourtant du «bank run» qu’a subi UBS en 2008. Nombre de clients ont fui l’établissement aux trois clefs, sans parfois savoir bien pourquoi. Alors oui la crainte de perdre son épargne dans un dépôt de bilan était bien réelle à l’époque, mais alors pourquoi peu de gens ont lu ou cherchés à comprendre le bilan et les règles de leur nouvelle banque? La panique, amplifiée par les médias et le café du commerce, nous pousse à l’action irréfléchie et bloque nos moyens de réflexions. Suivant la foule, tel un mouton, nous préférons avoir tort avec les autres que raison tout seul.
Revenons à l’actualité. Tout commence (ou recommence) avec les Américains. Il y a quelques semaines, trois banques aux noms inconnus de ce côté de l’Atlantique: la Silicon Valley Bank, la Silvergate et la Signature Bank font faillite. La hausse des taux d’intérêt abat ses premières victimes bancaires. C’est ça avec les Américains, ils font trembler la planète finance avec des sociétés méconnues et remettent sur le devant de la scène le risque bancaire.
Quelques jours plus tard, nous sortons notre joker «Credit Suisse». Nous pouvons ainsi frimer et rivaliser avec les États-Unis d’Amérique: nous aussi, nous sommes « systémique».
Les fantômes de 2008 réapparaissent donc. Bear Stearns, Fannie Mae, Freddie Mac ou Lehman Brothers… des noms tout aussi inconnu chez nous jusqu’à ce qu’UBS entre dans la danse. Ah oui, UBS on connaît. C’est la première et la plus grande banque de Suisse par son bilan et par les avoirs qu’elle gère. Aujourd’hui encore plus qu’hier. Jusqu’en 2038?
À l’époque nous nous demandions comment un tel établissement pouvait vaciller. Mais nous comprendrons rapidement que non, en fait. Une banque de cette taille, ni en Suisse ni ailleurs, ne pourra plus faire faillite. Nous venions d’inventer le «too big to fail».
Sauvés ! Nous étions sauvés.
Mon idée dans ce papier ne consiste pas à refaire l’histoire de 2008 même si je crois intéressant de retracer son origine. Je vous propose de l’évoquer en quelques lignes.
Les crises bancaires sont aussi vieilles que les banques et elles continueront d’exister à l’avenir. Vous pourriez cependant demander au président Clinton ce qui lui a pris de supprimer le « United States Banking Act » en 1999. Cette loi, également connue sous le nom de «Glass-Steagall», en référence aux deux Représentants et Sénateurs Carter Glass et Henry B. Steagall, a permis pendant près de 70 ans de séparer ou du moins de limiter le pont entre les activités bancaires de dépôts et les activités bancaires d’investissement.
Pour faire simple, la banque de dépôt vous sert en tant que personne ou qu’entreprise dans la vie de tous les jours. Ce sont notamment vos comptes courants ou épargne. De son côté, la banque d’investissement traite des opérations de financement telles que les introductions en bourse ou les opérations de fusion-acquisition. Deux métiers différents.
Pour revenir à cette loi, elle a formé l’une des réponses réglementaires les plus puissantes en vue de mettre fin à une longue série d’incidents bancaires. En effet, entre le début du XIXe siècle et les années 30, pas moins de 8 crises type bank run» se seront enchaînées aux États-Unis. Ce mot, qui semble sonner mieux en anglais qu’en français signifie ruée vers la banque et désigne l’ensemble des déposants retirant leurs avoirs d’un établissement bancaire au même moment. Aucune banque ne peut supporter cela puisque l’horizon de temps des placements se situe à moyen ou à long terme alors que le montant des dépôts reste disponible à court terme. Cette dissonance des échéances rend les montants disponibles inégaux aux montants déposés. En bref, la banque se voit obliger de réaliser des pertes latentes (qui ne représentent pas nécessairement un souci à long terme) afin de satisfaire le retrait massif de court terme.
700 banques en faillite en 1929
La dernière crise d’ampleur, en 1929, apparut tellement violente que 700 (!) banques mettront la clef (pas les 3 clefs) sous la porte outre-Atlantique et qu’une longue dépression suivra. Nous devons préciser qu’à l’époque, vous pouviez acheter des actions avec seulement 10% d’apport. Les 90% restants étaient prêtés par la banque.
L’Homme apprend donc de ses erreurs. Mais, sans doute par cupidité, il retombe dans les excès et préfère abandonner la régulation mise en place 70 ans plus tôt… Évidemment le milieu bancaire aura poussé pendant ces septante années pour faire retoquer cette loi. Le président Clinton clôturera donc cet épisode légal avec les mots suivants: «the Glass-Steagall law is no longer appropriate». Ne rigolez pas.
À peine 10 ans plus tard, en 2008, l’histoire se répète: crise des subprimes, faillites bancaires, rumeurs plus ou moins vraies, peurs individuelles et collectives, paniques, «bank run» puis nouvelles faillites.
Parenthèse historique fermé, revenons au sujet du présent article qui a pour but de vous fournir quelques clefs (plus que 3) pour comprendre le monde obscur des risques bancaires que vous acceptez en donnant (oui le mot donné est juste) ou en déposant vos sous dans une banque.
Mes avoirs bancaires sont-ils en danger?
Nous allons distinguer plusieurs types d’avoirs et de dettes. De votre compte salaire à votre dépôt de 2e pilier en passant votre hypothèque, nous verrons que les réglementations et les niveaux de protection diffèrent.
Commençons par les comptes courants et épargnes. L’établissement dans lequel vous déposez vos sous vous les doit. Mais, et c’est un grand MAIS, vous n’en êtes pas le propriétaire juridique. Cela signifie que si votre banque venait à faire faillite, elle aurait tout à fait le droit de s’en servir pour payer sa banqueroute (salariés, impôts, charges sociales ou créanciers par exemple).
C’est la raison pour laquelle, après la crise de 2008, la majorité des états d’Europe, dont la Suisse ont demandé aux banques de créer des fonds de garantie afin de protéger chaque épargnant jusqu’à un montant de CHF 100’000.- par personne et par établissement. La prudence appelle donc à ne pas conserver plus que cette somme dans un seul et même établissement.
Nous trouvons ensuite les dépôts de la prévoyance: troisième pilier et deuxième pilier. Pour ces derniers, vous restez le propriétaire juridique des avoirs qui ne sont pas déposés directement auprès de la banque mais auprès d’une fondation. La probabilité de faillite d’une fondation apparaît comme quasi nulle puisqu’elle ne possède pas d’activité à proprement parler. Un effondrement bancaire n’aurait donc pas d’impact sur les montants épargnés ici.
Vous devez distinguer les dépôts de prévoyance qui sont investis (fonds de placement, obligations…) des comptes de prévoyance qui ne le sont pas. Dans ce cas, c’est la même protection que les comptes courants de 100’000.- qui s’applique.
Dépôt d’investissement: France VS Suisse en cas de faillite
Le cas du dépôt d’investissement est très intéressant, notamment en comparaison international. Un dépôt titre est l’endroit où vous déposez vos actions, vos obligations, vos certificats ou vos fonds de placement. Grâce à la Loi sur les Banques et à l’inverse de pays comme la France, vous restez le propriétaire juridique du dépôt. Cela signifie que les titres déposés vous appartiennent et sont considérés comme «masse hors bilan» de l’établissement bancaire. En bref, la banque ne pourrait pas s’en servir pour payer sa faillite contrairement aux comptes courants.
C’est ici, et de mon point de vue, un avantage énorme et important pour la Suisse. C’est d’ailleurs l’une des raisons pour laquelle les déposants étrangers n’ont pas fui la Suisse après 2008. Déposer ses avoirs dans un pays qui respecte le droit de la propriété privée est rassurant.
En France par exemple, le déposant peut perdre tous ses titres si sa banque venait à faire faillite. Notez que jusqu’à l’arrivée du président Hollande, la banque était tenue de «rendre» ou de protéger les premiers 70’000 euros. Le chef d’État de l’époque a supprimé cette barrière pendant son quinquennat. Il se présentait pourtant comme «l’ennemi de la finance». Allez comprendre.
Un autre domaine en investissement concerne les fonds communs de placement ou ETF émis par une banque. En réalité, une société distincte de la banque émet ces titres qui ne sont pas concernés par la masse en faillite de l’établissement bancaire.
Terminons cette partie avec les dettes. L’on aurait pu espérer effacer ses dettes – qu’elles soient commerciales ou hypothécaires – avec la disparition d’un établissement. Ce serait trop simple. Dans le cas du Crédit Suisse, nous trouvons un repreneur: UBS. Ce dernier récupère l’entier des contrats et les montants dus restent… dus.
La question des conditions reste toutefois ouverte. Bien que nous ayons peu de chances, notamment pour les hypothèques, de voir une révision des contrats, je ne peux l’exclure totalement. J’imagine, ou j’ose espérer que l’une des conditions fixées par les autorités consiste à conserver les contrats en l’état pour ne pas revivre une crise immobilière et hypothécaire de l’ampleur des années 90…
DYOR ou Do You Own Research
Voilà dans les grandes lignes les éléments auxquels prêter attention. J’ajouterai deux éléments. Consulter le bilan de votre banque et son niveau de couverture peut vous apporter une plus grande connaissance du risque encouru. Vous pourriez au minimum demander le degré de fonds propres de l’établissement. Beaucoup de banques possèdent des fonds propres très supérieurs aux réglementations. Par exemple plus de 25% contre 10% exigés par les autorités.
Vous devriez aussi lire les petites lignes, notamment celles qui concernent vos droits et vos éventuels appels à contribution en cas de faillite de votre établissement préféré. Ça vous évitera des surprises.
Raphaël Battu a fondé le site MaRetraite.ch en 2019 afin de fournir des réponses aux questions que ses clients lui ont souvent posées et mettre à profit son expérience et son expertise au service de tous. L’objectif du site est d’expliquer de manière simple les différentes problématiques de la prévoyance en Suisse et d’aider les lecteurs à gagner leur indépendance financière.