La performance des indices en fin de semaine dernière démontrait encore une fois la résilience des bourses mondiales. Le fait qu’elles ne veulent juste pas renoncer à cette tendance haussière qui signifierait que les Banquiers Centraux sont en train de gagner leur combat contre l’inflation ET la récession en même temps. La fin de semaine nous aura démontré que même si l’inflation semble être hors de contrôle, les banques centrales n’ont même pas l’air de s’énerver. On dirait même qu’elles savent ce qu’elles font. Et les investisseurs sont contents de voir que l’économie va bien. Nous sommes donc parvenus à fermer les yeux sur ce qui ne va pas et saluer ce qui ne va pas trop mal.
L’Audio du 6 mars 2023
Choisir ce que l’on regarde
En tous les cas, la chose la plus frappante que l’on a pu voir vendredi dernier, c’est que le S&P500 nous a fait un cas d’école impressionnant – d’un point de vue technique, l’indice américain a rebondit exactement où il devait rebondir, renforçant d’autant plus la tendance haussière qui est la nôtre depuis plusieurs semaines. Le rebond spectaculaire vaut la peine d’être salué d’un point de vue strictement technique. Après, dans le reste du monde on notera que le CAC40 est à nouveau au bord des plus hauts de tous les temps alors que la France sera totalement paralysée mardi – mais c’est pas grave parce que la France est clairement plus connectée au retour de croissance de la Chine qu’à sa propre économie – le DAX est en pleine forme et le SMI ne fait pratiquement plus rien alors que le Crédit Suisse continue de s’en prendre plein la figure à la première occasion. La dernière en date étant le fait que leur actionnaire historique, Harris Associates, avait craqué et liquidé toutes les positions qu’ils détenaient dans ce qui reste – en théorie – la seconde banque suisse.
Maintenant, si l’on prend un peu de recul, il n’est pas simple de comprendre pourquoi tout va si bien sur les indices et que rien ne va mal. Qu’à chaque fois que l’on a l’impression d’avoir des nouvelles qui sont « menaçantes », les bourses mondiales trouvent la force d’inverser la tendance et de repartir à l’assaut des plus hauts comme si l’économie mondiale était au top de sa forme. À l’heure actuelle, je serais bien incapable de vous expliquer pourquoi. Ce que je sais, néanmoins, c’est qu’en ce moment nous avons la capacité de nous concentrer uniquement sur ce qui nous intéresse et d’oublier les points négatifs pour ne pas gâcher la fête. Vendredi dernier en était encore un parfait exemple.
L’inflation, on s’en fout
Ces derniers mois, nous avions fait de l’inflation notre cheval de bataille. Les intervenants se concentraient principalement sur le fait que l’inflation diminuait avec la hausse des taux et que la stratégie des banques centrales à travers le monde fonctionnait, puisque depuis l’été passé, le taux d’inflation aux USA baissait de plus ou moins un demi-pourcent par mois. Récemment on s’est rendu compte que la baisse mensuelle n’était plus tout à fait la même et plus du tout aussi évidente. Notre plan de marche en direction des 2% d’inflation aux pays de Biden était soudainement remis en question. La logique aurait donc voulu que l’on s’inquiète de voir arriver les banques centrales avec leurs gros sabots et redevenir très agressifs sur la hausse des taux, histoire de casser les pattes arrière de cette inflation qui ne veut pas renoncer.
Mais que nenni. Alors que l’on aurait pu craindre une démission des investisseurs après cet excellent mois de janvier et ce mois de février un peu douteux – tous les signaux d’alarme étant réunis, puisque l’inflation ne baissait plus, les rendements obligataires n’arrêtaient plus de monter et les chiffres trimestriels montraient quand même un net ralentissement – pourtant, aussi fou que cela puisse paraître, les intervenants se sont raccrochés à autre chose :
L’économie va bien !
Le problème que nous avons à résoudre est donc le suivant :
1) On voudrait que l’inflation baisse pour ne plus que la FED et ses amis continuent de monter les taux
2) Mais on voudrait aussi que l’économie ne ralentisse pas trop, histoire de ne pas nous foutre en récession
3) Cependant, si l’économie est trop forte, c’est inflationniste et cela poussera les banques centrales à monter les taux
4) On préférerait cependant que les taux ne montent PLUS trop haut parce que là où nous sommes c’est déjà pas mal et ça n’arrange que moyennement le marché immobilier
5) Ce qui nous ramène au problème de base, est-ce que l’on préfère une inflation qui baisse à cause des taux qui montent mais qui, en même temps ralentit l’économie ?
6) Ou est-ce que l’on préfère une économie qui cartonne et qui risque de nourrir l’inflation et énerver les banques centrales qui pourraient péter les plombs et relancer une hausse des taux comme on a connu en 2022 ?
Pour l’instant, la stratégie qui nous permet de tenir le coup et de ne voir que le bon côté des choses, le verre à moitié plein ou de jouer du sabre laser du côté des Jedi’s, c’est surtout celle qui nous permet de se concentrer sur un seul problème à la fois en laissant les autres soucis de côté, tout en promettant d’y revenir plus tard. La fin de semaine dernière aura donc clairement été concentrée sur le fait que l’économie va bien – et que la hausse des taux ne lui fait même pas mal et puis en plus, on s’est motivé parce que Monsieur Bostic de la FED d’Atlanta nous a déclaré qu’il était en faveur d’une hausse des taux lente et régulière à coup de 0.25% par meeting de la FED. Ce qui nous a immédiatement rassurés et ce qui a d’office exclu une hausse plus agressive en mars – un peu comme si Monsieur Bostic avait le pouvoir de tout décider tout seul.
En attendant Powell
On sait tous que c’est faux et que personne à la FED n’a le pouvoir de décider quoi que ce soit tout seul et que c’est le résultat d’une concertation avec Jerome Powell qui a un peu plus de pouvoir que les autres, histoire de faire pencher la balance. Mais peu importe, la semaine dernière on s’est dit que si la FED était gentille avec nous en ne montant pas trop les taux, l’économie allait continuer à fonctionner gentiment sans nous faire de mal et que, du coup, on allait éviter la récession. Restait juste à espérer qu’à coup de 0.25% à chaque meeting, on ne va pas arriver trop vite à 6%. Mais pour le moment, comme nous avons tendance à vivre l’instant présent, on va se satisfaire de la situation actuelle. Il sera toujours temps de paniquer plus tard. Il ne faut pas trop demander à l’investisseur de 2023. L’investisseur de 2023 parie sur le long terme en se disant que ça ira mieux dans 18 mois et en attendant il préfère mettre les doigts dans les oreilles et ne pas entendre ce qui pourrait possiblement déranger.
Profitons donc de l’instant présent, en plus c’est bientôt le printemps.
Et maintenant que vais-je faire ?
Pour le moment, le sentiment est bullish et on a l’impression que l’on ne veut pas voir ce qui pourrait ne pas aller, alors on avance dans le bon sens et on se dit que Bostic est vraiment trop cool en attendant le témoignage de Powell devant de Congrès de demain – en espérant qu’il est assez pote avec Bostic pour ne pas sortir de sa ligne de conduite. Et puis, en fin de semaine, on parlera des chiffres de l’emploi, mais c’est encore un peu tôt pour essayer d’imaginer ce qui se passera. Ou ce qui se passerait si les chiffres de vendredi étaient autant à côté de la plaque que ceux du mois dernier. Mais on va y aller étape par étape et se souvenir de bien profiter de l’instant présent.
À l’heure actuelle, l’Asie est partagée. Le Japon est en hausse de 1.2%, le Hang Seng monte légèrement et la Chine est en baisse de 0.17% après que le gouvernement ait fixé un objectif de croissance à 5% – ce qui semblait faible selon certains observateurs, mais qui ne devrait cependant pas impacter la croissance du luxe en France. En tous les cas, on l’espère. Autrement le pétrole est à 79.11$ – attention à une cassure haussière des 80$. L’or est à 1860$ et le Bitcoin se casse la figure à 22’500$ – l’effondrement annoncé de la banque des cryptos – Silvergate – commence à peser sérieusement sur la vedette des cryptos.
La journée devant nous
Pour l’instant les futures sont légèrement en hausse et tout le monde va se concentrer sur ce que pourrait dire Powell demain. On va aussi parler de l’objectif du PIB chinois qui déçoit et des chiffres du CPI en Suisse. Il y aura également les ventes de détail en Europe et on pourra aussi parler du fait que Tesla a coupé les prix de tous ses modèles aux Etats-Unis et que le leader de la voiture électrique semble prêt à tout pour prendre le plus de parts de marché possible pendant qu’il est encore temps.
En ce qui concerne la suite, on verra ça demain et on va prendre un jour à la fois, vu que ça à l’air d’être la nouvelle stratégie à la mode. Carpe Diem. Je vous souhaite un excellent début de semaine et on se retrouve demain !
Thomas Veillet
Investir.ch
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